Le mythe de Jekyll et Hyde renaît de ses cendres dans Mary Reilly, ce film flamboyant mais mal-aimé avec Julia Roberts et John Malkovich, réalisé par Stephen Frears.
De toutes les usines à monstres du cinéma, Hammer reste à ce jour la plus méritante et la plus productive (et non, Blumhouse ne joue décidément pas dans la même cour). Les plus beaux exemples de fantasy gothique y ont été célébrés, et il a fallu attendre la fin du siècle dernier pour qu’ils ressuscitent cette fois-ci outre-Atlantique. Francis Ford Coppola a fait son Dracula, Kenneth Branagh son Frankenstein, et Stephen Frears a eu son Dr Jekyll et Mr Hyde en dirigeant Mary Reilly.
Remplaçant Roman Polanski et Tim Burton, initialement pressentis, le cinéaste anglais réunit à l’écran deux des plus grandes stars du moment, Julia Roberts et John Malkovich, et obtient un budget de 47 millions de dollars. Hélas, le flop au box-office est retentissant (seulement 12 millions de recettes), et les retours de la presse et du public enfoncent le clou. Mais il se pourrait bien que la dimension purement érotique et subversive du film ait déconcerté les spectateurs (la fragilité, quand tu nous tiens).
Vraiment sexy
PORTRAIT D’UNE FILLE EN FEU
Vous l’aurez peut-être remarqué, mais il arrive assez souvent que le personnage emblématique d’une histoire soit éclipsé par son acolyte ou un alter ego surprise. Nous ne nous risquerons pas à énumérer tous les exemples. Citons peut-être L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, ou pour rester dans le sujet qui nous intéresse, le plus récent Docteur Frankenstein, où Daniel Radcliffe tenait le devant de la scène dans le rôle d’Igor, le protégé du célèbre scientifique incarné par James McAvoy.
Il en va de même dans Mary Reilly, dont le titre donne clairement le ton, et qui épouse surtout le point de vue de ce jeune domestique (Roberts donc, loin de Pretty Woman), au service d’un mystérieux médecin londonien, Henry Jekyll (Malkovich). Un jour, il informe tout son personnel qu’il sera désormais assisté dans ses recherches par Edward Hyde, un brillant gentleman à la discrétion exemplaire. Bien sûr, comme chacun le sait, et Mary en sera le témoin privilégié, le maître de maison cache en vérité une double identité inconfortable.
Loup, es-tu là ? Que fais-tu ?
La dissimulation est ici plus que jamais de mise. Pourtant, Mary n’a pas les yeux dans la poche et n’hésite pas à braver les interdits pour franchir ce seuil qui la tient constamment à distance. Et il faut dire que la demeure victorienne du docteur se prête à merveille aux penchants voyeurs de l’héroïne, dont le passe-temps favori est de se placer précisément dans l’embrasure de la porte laissée entrouverte ou devant une fenêtre d’où elle peut observer à peu près tout.
Le fait que le brouillard, attribut éternel de la fantaisie gothique, enveloppe le bâtiment ajoute…
