Xavier Beauvois est le réalisateur, entre autres, des films N’oublie pas que tu vas mourir qui a reçu le prix du jury au Festival de Cannes en 1995 et Des hommes et des dieux couronné par le Grand Prix du Festival de Cannes en 2010 et par le César du meilleur film en 2011. Qui aurait pu prédire que ce petit garçon tomberait amoureux du cinéma à travers Jean Douchet, historien du cinéma, venu donner une conférence à Calais ? Son dernier film La Vallée des Fous avec Pierre Richard et Jean-Paul Rouve, notamment, est sorti en salles mercredi 13 novembre.
La Vallée des Fous raconte l’histoire de Jean-Paul qui accumule les dettes, ce qui met son restaurant en danger. Et un beau jour, le passionné de voile qu’il est, décide de participer à Virtual Regatta, la course virtuelle du Vendée Globe, depuis son bateau au fond de son jardin, s’isolant pendant les trois mois de course dans les conditions d’un véritable skipper. Son objectif au départ est de gagner de l’argent et à la fin, il ne gagnera pas la course, mais gagner une chose, c’est sa place au sein de cette famille.
franceinfo : Nous comprenons toute la dimension humaine à travers votre film. N’est-ce pas ce qui vous identifie en tant que réalisateur ?
Xavier Beauvois: Oui, c’est ça qui m’intéresse, l’humain et à travers lui, l’émotion. Apporter de l’émotion aux spectateurs. Quand je vais au cinéma, c’est pour comprendre, c’est pour rire, pour pleurer et quand je suis de l’autre côté de la caméra, j’essaie de le donner.
Ce film est un tête-à-tête avec soi-même. Vous nous racontez comment vit un skipper qui se prépare depuis de nombreuses années. Il existe une véritable métaphore et une corrélation entre le cinéma, la manière dont vous créez et réalisez un film et la manière dont vous vous organisez pour une course.
Nous nous en sommes rendu compte en le faisant notamment avec Jean Le Cam. Je lui ai dit : «mais c’est marrant, tu mets le même temps de préparation que nous, ton budget est à peu près le prix de mon bateau. Le tournage se déroule à l’époque du Vendée Globe« . Nous avons des moments où nous pleurons, des moments où nous sommes en colère contre la mer. On peut régler les choses sur le bateau sans regarder la mer et on a des moments d’euphorie absolue, des moments de grâce. Et un tournage, c’est pareil après, le film peut s’écraser complètement aussi, tout comme on peut rencontrer un OVNI, un objet flottant non identifié ou la chute du mât. Le cinéma et la navigation sont deux aventures qui ont des points communs. .
Votre père était technicien en pharmacie, votre mère professeur de couture et conseillère municipale socialiste dans le Pas-de-Calais. Comment avez-vous vécu cette enfance ? Plutôt une comédie dramatique, une histoire d’amour, un conte de fées ?
Quelque chose dont je voulais échapper le plus vite possible. Non, ce n’était pas une grande enfance. Je pense que c’est en partie pour cela que je fais ce travail. C’est pour m’évader, m’évader le week-end avec les films de Belmondo, des trucs comme ça en VHS et le cinéma m’ont un peu sauvé la vie, oui.
Parlons de votre premier grand succès qui vous a quand même valu des récompenses : N’oublie pas que tu vas mourir. Pour le film, vous avez même été arrêté par la police. Vous avez décidé de vous engager à Mostar en Bosnie-Herzégovine pour documenter votre travail. L’engagement est-il ce qui vous définit le plus ?
À partir du moment où on prétend parler de quelque chose, il faut le savoir. C’est très simple de rédiger une garde à vue, mais si on ne sait pas de l’intérieur… J’ai donc rencontré des policiers qui m’ont fait arrêter par d’autres policiers. Vraiment. Et puis c’est plus facile à écrire. C’est pour cela que sur le Vendée Globe, j’ai lu tout ce que je pouvais sur le sujet. J’ai lu les écrits de Bernard Moitessier, j’ai regardé les documentaires, j’ai suivi le jeu, Virtual Regatta quatre fois.
Vous y avez participé, notamment pendant la pandémie.
C’est là que je me suis dit : il y a 1 000 000 de personnes qui jouent à ce jeu. Comment sont les premiers ? Même si nous faisons tout bien, même si nous nous levons la nuit, mon meilleur score est de 65 000ème sur un million. Je me demandais comment les premiers faisaient et je me suis dit : hé, si on faisait ça vrai pour faux, peut-être qu’on aurait plus de chance d’être parmi les premiers. Mais c’est un jeu très addictif. Ce sont les conditions exactes du Vendée Globe.
La pudeur est au cœur de ce long-métrage. Je me demandais comment tu as connu le succès Des hommes et des dieux et de N’oublie pas que tu vas mourircette reconnaissance ?
Paradoxalement, il faut le digérer assez vite. Il ne faut pas s’attarder là-dessus et ne pas prendre la grosse tête.
“Je dois avouer que c’est un plaisir d’être reconnu par ses proches, d’avoir des prix, de voyager partout dans le monde, qu’on me parle encore de ces films, c’est pour ça qu’on travaille.”
Xavier Beauvoissur franceinfo
Pour finir, il y a un dernier personnage qui n’est pas acteur, il est chanteur. Je pense à Peter Doherty qui disait : «Plonger dans la mer froide, c’est comme une dose de cocaïne« . Êtes-vous d’accord avec cela ?
Il fait ça tous les jours même en hiver à Étretat, il nage et il est en pleine forme ! Il est accro au fromage normand et aux bains de mer et c’est la première fois qu’il réalise une musique de film, donc il s’est bien amusé. Je pense qu’il veut faire plus.
Cela signifie-t-il que le cinéma est votre dose de cocaïne ?
C’est ma dose d’adrénaline un peu comme un sportif qui a besoin de son endomorphine parce qu’il court tous les jours et le jour où il ne court pas, il en manque un peu.