revue des derniers jours de l’empire Ridley Scott

revue des derniers jours de l’empire Ridley Scott
revue des derniers jours de l’empire Ridley Scott

Gladiatroce ?

“Tous ces moments seront perdus à jamais dans le temps, comme des larmes sous la pluie.” La réplique la plus culte de Coureur de lame (oui on le sait, c’est une improvisation de Rutger Hauer) continue d’encapsuler tout le cinéma de Ridley Scott. En l’espace d’un instant, d’une connexion, tout peut s’effondrer. La boulimie des personnages écossais, leur soif de pouvoir, peuvent être brutalement stoppées dans son élan, tout comme le souvenir de leur passage sur Terre.

Sauf que cette boulimie est aussi celle de son auteur, dont le style publicitaire chargé (couches de plans multiples, mouvements de caméra dynamiques, montage de plus en plus sensible au fil des années, etc.) semble incapable d’accepter sa propre finalité. Non content de réinvestir le patrimoine cinématographique des grands maîtres (Cecil B. DeMille sur ExodeAkira Kurosawa et son effet Rashomon sur Le dernier duel), Scott ne peut s’empêcher de retourner dans son propre cinémapour l’augmenter d’évangiles apocryphes superflus, quitte à décevoir.

Gladiateur 2 n’essaye même pas de cacher son vide profondracontant comment le fils de Maximus et Lucilla, Lucius (Paul Mescal, tout droit sorti du circuit indépendant pour devenir une bête sauvage à succès), a fui Rome pour revenir comme esclave, lorsque l’empire vient prendre la ville africaine qui l’a accueilli. cela est volontairement artificiel, et n’évite pas les écueils du legsquel, tandis que le fils gladiateur marche dans les traces de son père et se réapproprie ses attributs (armure, épée).

Pourtant, ce programme assumé est au cœur de la démarche de Scott, fasciné par la notion de retour inéluctable. Maxime a beau avoir tué Commode, et prouvé au passage qu’un seul homme pouvait changer son monde et les injustices de sa société, son héritage n’est déjà plus qu’un souvenir rapidement balayé par les empereurs qui lui ont succédé. On revient aux larmes sous la pluie de Coureur de lamemais aussi à ce refus du point final qui traverse le cinéma de Sir Ridley depuis de nombreuses années. Il y a cette peur du vide, du gouffre et de sa fatalitécomblé par cette série ininterrompue de tournages et d’images. Nous devons nourrir l’empire pour éviter sa stagnation et son effondrement.

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« Vous vous demandez probablement comment je suis arrivé ici… »

Bourg les arènes

C’est là que réside l’ironie Gladiateur 2. Alors que le général Marcus Acacius (Pedro Pascal) en a assez de tuer pour la gloire d’une Rome au bord du gouffre, la violence vaine et gratuite des jeux continue de s’imposer, et avec elle un sens du spectacle qui connecte plus que jamais. du cinéaste à la bouffonnerie des empereurs Geta et Caracalla (Joseph Quinn et Fred Hechinger, très en phase avec la grandiloquence du film dans leur histrionique constante).

Loin de ses cafés philosophiques pour lycéens (Alliance extraterrestre), l’auteur semble assumer ici la véritable ambition de ce retour tardif : rends-le plus grand et plus fou que le premier Gladiateurdans un pur délire de technicien appuyé par les dernières technologies. Ce n’est pas un gros mot de voir Scott comme un artisan doué, un accro à la caméra qui veut juste impressionner. En fin de compte, l’auteur adoré ne serait-il pas au mieux de sa forme lorsqu’il avoue mettre en scène cette société du spectacle qu’il prétend critiquer ?

C’est à travers cette observation que Gladiateur 2 souffle le chaud et le froid. D’une part, le réalisateur réalise son film le plus divertissant depuis longtempssurtout lorsqu’il s’amuse avec un gros rhinocéros, des singes voraces ou encore une bataille navale au milieu du Colisée. D’un autre côté, cette envie de plans larges épiques, toujours plus vastes et de scènes remplies de CGI, rend le résultat final toujours plus froid et désincarné.

Un film inconfortable

Denzel, l’homme en feu

En même temps, n’est-ce pas de cela que parle le long métrage ? Avec son propre nihilisme, Scott fait face à cette dévitalisationde la fin programmée de l’Empire romain, de ces esclaves déshumanisés et des manigances politiques qui dépassent les individus. Gladiateur 2 perd le côté romantique du premier film, qui réécrivait à sa manière l’histoire de Spartacus, pour se tourner du côté de Game of Thrones. Les personnages s’opposent tous dans leurs objectifs personnels, avant de se rendre compte qu’ils sont dépassés par un système pourri de l’intérieur.

C’est dommage que l’ensemble, lancé sur les mêmes rails que le premier épisode, ne parvienne jamais à s’en affranchir. malgré son plus beau personnage : Macrin. Ancien esclave devenu sélectionneur de gladiateurs, il reflète autant le modèle de réussite romaine que son hypocrisie, qu’il entend dénoncer en prenant progressivement le pouvoir.

Gladiateur II Denzel Washington
La vraie star du film

Dans une énergie joliment anachronique, Denzel Washington mélange les manières attendues du film d’époque avec le côté gangster de son rôle dans Journée de formation. Au-delà son amusement évident, qui vole la vedette dans chaque séquenceil reflète le mieux l’éternel commencement recherché par Scott, ce bouillonnant pouvoir autodestructeur, qui n’a pas beaucoup changé au fil des siècles.

Si le « rêve de Rome » n’est qu’une illusion, Gladiateur 2 assume plus ou moins de danser sur son cadavre. Où l’original avait donné ses lettres de noblesse au néo-péplum et ses extravagances numériques (300, Troie, Alexandre…), cette suite est consciente qu’elle n’est qu’une anomalie, une commande de studio restée longtemps dans les tiroirs. On y voit le cynisme de Scott, ou sa fascinante misanthropie, voué à filmer une fois de plus la fin d’une civilisation… ou la sienne, toujours reportée.

 
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