MEGALOPOLIS (2024) – Bilan – Les ambitions démesurées de Francis Ford Coppola

MEGALOPOLIS (2024) – Bilan – Les ambitions démesurées de Francis Ford Coppola
MEGALOPOLIS (2024) – Bilan – Les ambitions démesurées de Francis Ford Coppola

Depuis sa présentation catastrophique à Cannes où il s’est fait huer, Mégalopolede Francis Ford Coppola accumule les polémiques (rumeur d’inconduite sexuelle de la part de son réalisateur lors du tournage, présence de plusieurs stars “annulé” lors de son casting, utilisation de fausses critiques pour promouvoir le film, etc.). A tel point que le long métrage a déjà la réputation d’être l’un des échecs les plus crève-cœur de l’histoire du septième art, son cinéaste ayant englouti 120 millions de dollars de sa fortune personnelle dans l’aventure. Mais qu’en est-il réellement sur le plan strictement cinématographique ?

Comme les mal-aimés Contes du Sud de Richard Kelly, qui a lui aussi raconté l’effondrement d’une société, et le sous-estimé Un du coeurqui avait laissé Coppola endetté jusqu’au cou, Mégalopole appartient à l’immense fresque incomprise. Cela n’est guère surprenant si nous le prenons au pied de la lettre. Cette transposition de la décadence romaine dans le New York contemporain (l’action se déroule dans la Nouvelle Rome) n’est pas subtile. Les thèmes prétentieux sont martelés par le narrateur, les métaphores élémentaires polluent, les personnages se révèlent manichéens, et les dialogues risibles qui multiplient les citations variées vous feront hurler de rire. Jusqu’à ce final rose bonbon sur le pouvoir de l’amour, où les enfants représentent, évidemment, l’avenir de l’humanité.

Il ne faut cependant pas prendre au pied de la lettre cette histoire capricieuse, sublime et ridicule à la fois, qui aurait été réécrite 300 fois en 40 ans. Coppola propose plutôt une fable ludique qui invite le spectateur à s’y plonger sans trop se poser de questions. Son inspiration est le chaos, et il superpose pratiquement tous les genres – satire, science-fiction, comédie burlesque, romance kitsch, pensée philosophique, péplum, bande dessinée, opéra, théâtre… – possibles et imaginables. Il se nourrit de ce débordement hétérogène (de mots/maux, d’idées, de violence, de sexe, de tentations, d’inspirations, de fissures, etc.) en le renvoyant au visage du spectateur, qui sera parfois irrité mais souvent fasciné par ce qui se passe sur le terrain. l’écran. Rien n’est prévisible et tout peut arriver… ce qui contraste avec 99 % des productions qui sortent au cinéma chaque semaine.

Comme Malick ou Godard, Coppola ne fait aucune concession dans sa manière de jouer le démiurge. Mégalopole est peut-être le film expérimental le plus cher et le plus controversé de l’histoire. A 85 ans, le réalisateur continue d’explorer et de jouer avec les formes, trouvant enfin un sens aux effets spéciaux qui sont devenus la marque de fabrique d’Hollywood. Sa mise en scène éblouissante laisse enchanté dans son utilisation du montage. Non seulement elle juxtapose constamment des éléments disparates (ce qui peut rendre le rythme irrégulier), mais elle le fait en prenant des risques, en se mettant constamment en danger. Par exemple, au lieu de maximiser un moment de grâce apocalyptique (une fin du monde à la fois poétique et onirique), l’auteur brise le charme en brisant volontairement le quatrième mur.

Ce refus des conventions est au cœur même de la création. Son héros, César (Adam Driver), architecte idéaliste capable d’arrêter le temps, se heurte aux visées conservatrices du maire (Giancarlo Esposito) qui préfère le statu quo. Pourquoi essayer de prendre des risques s’il est si facile de fournir exactement ce que veut le client ? C’est-à-dire un film d’auteur formaté, centré autour d’une histoire narrative, qui flatte le cinéphile dans sa manière d’aborder ses thématiques sociales et politiques. C’est justement cette facilité que Coppola refuse, et que la majorité des critiques lui reprochent. Sauf que le cinéaste n’a plus rien à prouver à personne. Il a déjà révolutionné le cinéma avec les deux premiers Le parrain, La conversation et Apocalypse maintenant. Le voilà qui tombe dans la fontaine de jouvence avec cette épopée à l’ambition démesurée, sans doute son projet le plus personnel à ce jour.

Opus excessif s’il en est (ce qui explique l’agréable tendance des interprètes à dépasser et à caricaturer, Shia LaBeouf et Aubrey Plaza en tête), Mégalopole ne fera pas l’unanimité et c’est une bonne chose. L’effort schizophrénique est capable du meilleur et du pire, parfois dans la même scène, ce qui le rend si étonnant et insaisissable. On souhaitera notamment multiplier les visionnages afin de mieux comprendre son essence, qui n’est pas si éloignée de celle de Dracula dans sa manière d’aborder la vie et la mort avec mélancolie. En remettant le rêve au centre de l’échiquier, Coppola rappelle le besoin de rêver, élément crucial dans le fonctionnement de toute société qui se respecte, et pierre angulaire d’un art – le septième – encore capable de grandes choses.

 
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