devrions-nous le montrer à Ricardo, l’escroc de l’amour ? – .

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Temps de lecture : 3 minutes

Les hommes manipulateurs ciblent-ils un type particulier de femmes ? C’est la question que se posait Sonia Kronlund après avoir recueilli le témoignage de Marianne en 2017. Au micro du producteur de l’émission « Les Pieds sur terre » sur France Culture, la jeune femme a raconté son histoire d’amour avec Alexandre, un séduisant chirurgien brésilien. basée à Paris, à qui elle a découvert – alors qu’elle attendait son enfant – qu’il lui avait menti depuis le début.

Il n’était pas médecin, n’avait pas de mère mourante au Brésil et ne s’appelait pas Alexandre mais Ricardo. L’homme a mené plusieurs vies en parallèle, entre plusieurs villes et plusieurs pays, avec une femme dans chaque port, et une identité à chaque fois différente. L’histoire était folle et avait marqué les auditeurs (dont je faisais partie) ainsi que le journaliste.

Intriguée par cette histoire de « chagrin d’amour » international, Sonia Kronlund réalise qu’elle-même est depuis toujours tombée amoureuse des menteurs ou des hommes infidèles. Aurait-elle pu craquer comme Marianne ? Pour en être sûr, le journaliste décide de rencontrer les différents compagnons de Ricardo. Elle espère secrètement identifier un point commun que l’homme aurait détecté et qui aurait fait d’eux de parfaites proies.

Une forme de vengeance

Après des années d’enquête à travers le monde, Sonia Kronlund a réalisé un livre publié chez Grasset en janvier et un film, sorti en salles il y a quelques jours, L’homme aux mille visages. On suit l’enquête du journaliste, parfois reconstituée grâce aux actrices qui incarnent les victimes de Ricardo. L’arnaqueur y apparaît malgré lui, volontairement dénoncé par le journaliste qui y voit une forme de vengeance pour toutes les femmes qu’il a trompées.

Si l’on jubile de voir Ricardo piégé à son tour par une Sonia Kronlund plus espiègle que jamais, je n’ai pu m’empêcher de m’interroger sur la mise en scène de la vie du malfaiteur, d’abord en arrière-plan puis à l’écran, où son visage apparaît sans son consentement. Aurait-elle pu raconter cette histoire sans filmer Ricardo, qu’elle interroge sur un tout autre sujet (son amour de la course à pied), et sans montrer son visage ? Les propos de ses ex-partenaires n’auraient-ils pas suffi à révéler l’énormité de ses mensonges ?

Bizarrement, je ne m’étais pas posé de questions lorsque le témoignage de Marianne était diffusé à la radio, trop habitué à enchaîner des histoires à la première personne dans Transfert. Peut-être devrions-nous voir une différence de réception entre une histoire racontée en audio et une histoire filmée. Dans une étude publiée en octobre 2023, j’ai découvert par exemple que 88 % des auditeurs de podcasts et 85 % des auditeurs de radio faisaient confiance à ce qu’ils y découvraient. La télévision n’inspire confiance qu’à 69 %. Pour raconter des histoires avec des images et paraître crédible aux yeux du public, il faudrait donc aller plus loin et multiplier les sources. Quitte, parfois, à pousser un peu la mise en scène pour créer des séquences chocs.

D’autres histoires à écouter, lire, voir

Dans le cas d L’homme aux mille visages, je trouve la démarche de Sonia Kronlund plutôt réussie. A la radio, dans son livre et dans son film, elle pose la question du mensonge et de la vérité avec trois points de vue différents (celui d’une victime, le sien et celui du spectateur) et un humour bienvenu en ces temps troublés. Cela m’a donné envie de réécouter le témoignage original, et de recommander d’autres histoires d’arnaques amoureuses ou de doubles vies :

Le podcast Serial Mytho de Mathieu Palain pour Louie Media. C’est le récit choral des victimes d’un même homme qui a mené plusieurs vies amoureuses en parallèle. J’en ai d’ailleurs parlé dans un épisode de Sans Algo, mon podcast qui en recommande d’autres. Dans « Les Pieds sur terre », j’ai été frappé par le témoignage d’Yzabel tombée amoureuse d’un chirurgien (encore un) rencontré sur internet. Après plusieurs semaines d’échanges par messages ou vidéo, elle s’est rendu compte que l’homme avec qui elle pensait parler n’était pas au courant de son existence. L’épisode s’appelle “Deep fake : attention au message romantique” et il est de Sophie Simonnot. Toujours en podcast, l’épisode de Transfer « Arrête de te mentir » retrace l’histoire de Romain, trompé par un certain Fabrice. Un témoignage fort de l’auto-persuasion et de la capacité qu’on a, lorsqu’on est amoureux, à ne pas voir ce qui paraît évident. Dans son roman autobiographique Les Heures pâles, Richard Gaitet raconte comment il a appris que son père menait une double vie avec une autre famille depuis dix-huit ans. Une plongée dans le bouleversement copernicien d’une cellule familiale, qui se lit en quelques heures. Le film documentaire The Tinder Scammer sur Netflix. Cette fois, l’escroc ne se faisait pas passer pour un médecin, mais pour un riche homme d’affaires pourchassé par des ennemis armés. Il a réussi à extorquer des centaines de milliers de dollars à ses victimes.

 
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