« Wicked Little Letters », des femmes unies contre la plume empoisonnée

« Wicked Little Letters », des femmes unies contre la plume empoisonnée
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Dans une petite ville de la côte anglaise, au début des années 1920, les gens retiennent leur souffle dans la maison Swan. Le courrier sera livré d’une minute à l’autre et pour Edith Swan, une femme célibataire vivant avec son père autoritaire, cela signifie potentiellement une énième lettre anonyme remplie de vulgarités. À bout de nerfs, M. Swan porte l’affaire devant le gendarme Papperwick, accusant sa voisine Rose Gooding d’être la coupable. Veuve de guerre irlandaise, Rose vit en cohabitation et utilise volontiers un langage grossier. La voici donc en prison, clame son innocence. Et ça ne fait que commencer Méchantes petites lettres (Scandaleusement vôtre), une comédie aussi noire que l’encre utilisée dans les fameuses missives.

Le film est particulièrement digne des compositions expertes d’Olivia Colman (La fille perdue / La poupée volée) et Jessie Buckley (Femmes qui parlent / Ce qu’ils disent), tous deux absolument délicieux, le premier en grenouille géante victime de lettres, le second en suspect qui semble tout faire pour s’incriminer.

Sans oublier la policière Moss qui, face à des preuves purement circonstancielles, décide de désobéir à son supérieur et d’enquêter en secret.

À cet égard, dans l’un des premiers développements, Edith révèle qu’elle et Rose étaient initialement amies, lorsque cette dernière a immigré en Angleterre avec sa fille après la guerre. Sauf qu’avec son caractère bien trempé, Rose est vite entrée en conflit avec le père d’Edith, prompt à dominer ce dernier.

L’intrigue en tant que telle est après tout prévisible (on est à des kilomètres de la complexité du chef-d’œuvre) Le corbeau, d’Henri-Georges Clouzot, le summum des lettres anonymes au cinéma). En l’occurrence, le film a la bonne idée de révéler l’identité du coupable du milieu, la question étant alors de savoir s’il sera rattrapé.

Union des forces

En fait, ce n’est pas le mystère en lui-même qui semble intéresser le film. En fait, c’est plutôt une critique au vitriol des mœurs de l’époque (et encore d’aujourd’hui ?) qui est au menu.

Ainsi la réalisatrice Thea Sharrock (Moi avant toi / Avant toi) isole à plusieurs reprises ses trois protagonistes (Edith, Rose et la policière Moss) dans l’image afin de traduire leur isolement social. L’une vit sous le joug d’un patriarche despotique et réprime ses émotions, l’autre est ostracisée en raison de son origine et du fait qu’elle entretient une relation avec un homme noir, tandis que la troisième est discréditée au sein d’une profession largement masculine.

De plus, on a rapidement assisté à une réelle solidarité entre les femmes de la communauté, solidarité à laquelle même les femmes immédiatement hostiles à Rose ont pris part.

À ce propos, pendant le film, je me suis souvenu des paroles de la réalisatrice Arkasha Stevenson lors de notre récente interview pour son film très différent. Le premier présage (La malédiction, le début). Faisant référence aux environnements « dominés par les hommes » comme la religion, elle a noté cet effet pervers :

« Les femmes peuvent se retourner les unes contre les autres en raison du manque d’autonomie et d’autodétermination. »

Et c’est exactement ce à quoi nous assistons Méchantes petites lettresavant que la policière Moss et diverses femmes locales unissent leurs forces.

Le résultat est un film souvent drôle (les mimiques d’Olivia Colman valent toujours le détour), mais où la colère surgit. Le projet ultime, volontairement durable, est à cet égard éloquent. On voit l’un des personnages se mettre à rire de façon irrépressible : c’est comique, puis inconfortable et enfin tragique. Bref, c’est l’histoire d’une plume empoisonnée qui affiche un large sourire, mais jette un regard aiguisé sur la société.

Scandaleusement vôtre (Wicked Little Letters)

★★★ 1/2

Comédie noire de Thea Sharrock. Scénario de Jonny Sweet. Avec Olivia Colman, Jessie Buckley, Anjana Vasan, Timothy Spall, Gemma Jones, Eileen Atkins. Royaume-Uni, 2023, 100 minutes. À l’intérieur.

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