Pourquoi « Kramer contre Kramer » nous fait toujours monter les larmes aux yeux sans être déchirants

Pourquoi « Kramer contre Kramer » nous fait toujours monter les larmes aux yeux sans être déchirants
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C’est un film déchirant, mais ce n’est pas un film déchirant. Explication (personnelle), alors que l’œuvre aux cinq Oscars est diffusée sur Arte mercredi soir.

Dustin Hoffman et Justin Henry : un père, son fils et nous.
Colombie

Par Michel Bezbakh

Publié le 27 mars 2024 à 20h00

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CONTRECela dure depuis quinze ans, vingt ans peut-être : je pleure au cinéma, mais jamais à la maison. Il doit y avoir du noir autour de l’écran et l’écran doit être plus grand que moi. Dans mon salon, je ne redeviens pas un enfant, j’ai une table basse, un canapé (bleu), une plante verte. Nous avons vécu des choses avec cette plante, je l’adore, mais j’en suis responsable, elle est sous ma protection, je ne peux pas faiblir.

Et puis la semaine dernière, nous avons regardé Kramer contre Kramer, ma plante et moi, et à la fin j’ai lâché une petite larme. Pourtant, mes parents n’ont pas divorcé, mon père ne ressemble pas à Dustin Hoffman, ma mère ne ressemble en rien à Meryl Streep, je ne suis moi-même ni marié ni séparé. Pas de processus d’identification facile à l’origine de ce moment mouchoir, je n’ai pas reconnu ma vie à la télé du salon.

Si tant de gens pleurent devant Kramer contre Kramer, en effet, Robert Benton, réalisateur généralement oublié de l’histoire d’Hollywood, et son co-scénariste Avery Corman, auteur du roman original, ont fait preuve d’une grande finesse psychologique.

Commençons par le début : un plan large sur le visage de Meryl Streep (Joanna), mélancolique, dans la pénombre, qui laisse échapper un ” Je t’aime “ à quelqu’un. Cela dure une bonne vingtaine de secondes, puis on découvre qu’elle ne parle pas à son mari (Ted) mais à son fils (Billy), qu’elle s’apprête à quitter. Oui, elle va quitter son fils en même temps que son mari, s’en aller, elle ne supporte plus cette vie où elle s’occupe de tout et ce mec qui ne pense qu’à lui. La tendresse de ceci ” Je t’aime “, puis la disparition de Joanna, les photos qui sont remplacées, la nouvelle routine qui s’installe, c’est déjà très émouvant.

Meryl Streep, en mère qui prend la tangente.

Meryl Streep, en mère qui prend la tangente.

Meryl Streep, en mère qui prend la tangente. Colombie

Passons directement au dernier plan du film : cette fois, c’est le visage de Dustin Hoffman (Ted). Le gars a un demi-sourire. Il a été abandonné par sa femme, il a dû apprendre à s’occuper de son enfant, à tout gérer lui-même, il a affronté le retour de Joanna, un procès pour la garde, et pourtant il conclut cette histoire avec le sourire. Si nous pleurons, devant Kramer contre Kramer, c’est parce que Dustin Hoffman ne pleure jamais.

Et surtout parce que ce n’est pas parfait. Il est même complètement inutile avec Billy au tout début (un peu trop en fait), et bien que sa progression soit ensuite fulgurante, il garde un côté opacité, un peu brutal et impulsif. L’émotion naît de ces zones d’ombre, encore plus grandes chez Joanna. Il y a chez eux des choses qui ne s’expliquent pas et qui, parce qu’ils n’auront jamais d’explication, les rendent vrais et attachants. Ajoutons que cette œuvre de 1979 montre non seulement un père célibataire, mais aussi une amitié entre un homme et une femme. (Ted et son voisin) sans jamais la moindre ambiguïté. C’est encore si rare, quarante-cinq ans plus tard, que c’en est presque poignant.

Entre Ted (Dustin Hoffman) et sa voisine (Jane Alexander), une amitié homme-femme sans ambiguïté, chose encore rare à Hollywood.

Entre Ted (Dustin Hoffman) et sa voisine (Jane Alexander), une amitié homme-femme sans ambiguïté, chose encore rare à Hollywood.

Entre Ted (Dustin Hoffman) et sa voisine (Jane Alexander), une amitié homme-femme sans ambiguïté, chose encore rare à Hollywood.
Colombie

Les parents s’affrontent pour la garde de leur fils mais ne se déchirent pas, ne deviennent pas violents et peu rancuniers, chacun continue de nourrir une certaine tendresse pour l’autre, une fidélité peut-être aux bons moments vécus. Ils traitent la réalité plutôt que de la déformer.

La machine judiciaire, qui s’empare de la vie, est incapable de comprendre de telles complexités. Il ne saisit pas la réalité ; elle le manipule pour faire la distinction entre un bon et un méchant. Cette injustice de la justice est le principal vecteur de troubles. Quant au point culminant, bien sûr, il se trouve dans cette scène déchirante et presque finale entre Ted et Billy. Pour tout ce qu’on s’est dit, mais aussi pour la sobriété du moment, sans musique, où ce type comme tout le monde retient ses larmes pour donner du courage à son fils. Et faites germer les nôtres.

q Kramer contre Kramer, par Robert Benton, sur Arte, mercredi 27 mars à 20h55

 
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