Nous avons laissé un Paulo Fonseca souriant, une coupe de champagne dans une main, un morceau de panettone (une brioche aux raisins secs et aux fruits confits, mangée par les Italiens lors des fêtes de fin d’année) dans l’autre. Lors des traditionnelles salutations à la presse, organisées chaque année par l’AC Milan à la veille du dernier match de l’année, le technicien portugais ne pensait certainement pas au sort qui l’attendait une semaine plus tard. Certes, il fut le premier mécontent de la saison de son équipe, capable de souffler une fois la chaleur, une fois le froid. Mais de là à se retrouver huitième de Serie A, quand même…
Quoi qu’il en soit, l’ancien entraîneur du LOSC, qui s’est toujours dit apaisé sur le banc milanais, a fini par être frappé par la foudre juste avant le changement d’année. Le 30 décembre, au lendemain d’un triste match nul face à l’AS Roma (1-1), Milan officialisait son départ immédiat. Place à un autre Portugais, mais pas vraiment avec le même caractère : Sergio Conceiçao.
Courtisé l’été dernier, puis relancé ces dernières semaines en coulisses par des intermédiaires du club lombard, l’ancien entraîneur de Porto a saisi sa chance. Et peu importe si son contrat ne dure « que » six mois, avec possibilité de prolongation d’une saison. “On ne peut pas dire non à un tel club», a-t-il murmuré lors de sa conférence de presse de présentation. D’autant que son nom avait recommencé à circuler du côté de Nantes, où Waldemar Kita, qui garde un souvenir intact de son ancien entraîneur, au point de garder une photo de son époque (en 2016-2017, il avait ensuite déplacé les Canaris du 18e à la 7ème place de Ligue 1, meilleur classement de sa présidence) sur son bureau, rêvait de son retour. En vain, Conceiçao aurait aussi pu rejoindre l’OM l’été dernier, qui a finalement opté pour Roberto De Zerbi, puis Rennes en cours de saison, avant que l’option Jorge Sampaoli ne soit finalement retenue, venue de clubs anglais (West Ham., Everton…), d’autres Saoudiens, ou encore la sélection belge. Puis Milan l’a rappelé et tout a changé pour lui comme pour son nouveau club.
Cigare et danse
Nous ne parlerons pas ici de coup de foudre, au risque que les plus malins d’entre vous n’hésiteront pas à le ressortir si les choses venaient à mal tourner. Mais ce qui est sûr, c’est que Conceiçao et Milan se sont bien trouvés. On peut même dire qu’ils se sont accordés instantanément. Et le début de l’histoire le confirme. Lundi 30 décembre : Conceiçao est officiellement nommé. Lundi 6 janvier : Conceiçao remporte son premier trophée. En l’occurrence la Super Coupe d’Italie, qui plus est en battant la Juventus Turin (2-1) en demi-finale, puis en renversant totalement le grand rival, l’Inter Milan, en finale (0-2 à 3-2). Des débuts de rêve.
Mais au-delà de cette performance, c’est surtout la nouvelle ambiance qui règne au sein du vestiaire lombard qui frappe les esprits. Fracturé sous Fonseca, retrouvé Conceiçao. Grâce notamment à quelques… pas de danse, ceux qu’il a exécutés, un énorme cigare aux lèvres, dans les vestiaires du parc Al-Awwal après le titre de son équipe.
“Dès notre retour aux vestiaires, les joueurs m’ont demandé de danser et de fumer un cigare, car ils se souvenaient que c’était mon rituel lorsque je gagnais un titre.», a expliqué l’ancien entraîneur du FC Porto (2017-24), qui a déjà noué des liens forts avec certains de ses joueurs. Il n’y a que l’image de son étreinte avec Théo Hernandez, en grande difficulté depuis le début de saison et qui a retrouvé son niveau en finale, réalisant un but et une passe décisive en finale, une première en 1200 journées.
Le technicien portugais, qui a évolué entre 1998 et 2004 en Serie A (Lazio, Parme, Inter Milan) lorsqu’il était joueur, n’a pas révolutionné son équipe, alignant peu ou prou le même onze type que son prédécesseur. Mais en une semaine, il a surtout travaillé sur les têtes, l’état d’esprit et le mental. “Les joueurs, il faut parfois les secouer, je ne suis pas là pour les serrer dans mes bras, leur sourire et me faire des amis. je suis là pour gagner», a-t-il prévenu lors de sa conférence de presse introductive. A la mi-temps du match face à la Juve, c’est également un téléviseur qui a fait les frais de sa colère dans le vestiaire. “Ce qui se passe à l’intérieur est sacré et doit y rester, mais je n’étais pas du tout content de ce que j’ai vu sur le terrain», révélait-il sans enthousiasme après le match à propos d’une équipe »en plein doute” et “manque de confiance« .
“C’est une personne très exigeante, attentive aux moindres détails, qui a une immense envie de gagner.», a confirmé Tammy Abraham, auteur du but vainqueur contre l’Inter, qui menait 2-0 en finale, avant l’envolée des Rossoneri. “Dès son arrivée, Sergio Conceiçao a apporté une autre énergie, on a tout de suite senti le changement», ajoute Rafael Leao, symbole avec ses six buts, et ses passages sur le banc des remplaçants, du Milan incohérent de la première partie de saison. “Je pense qu’une explication peut être donnée pour trois bancs d’affilée, mais parfois les entraîneurs sont comme ça…», a-t-il regretté vendredi dans un entretien accordé à La Gazzetta du Sport.
Très exigeant envers ses joueurs, le Sergent Conceiçao a déjà révolutionné certaines habitudes quotidiennes. Il exige du sérieux à tout moment, sans oublier l’application et le professionnalisme qui ne peuvent manquer sur et en dehors du terrain. Un exemple ? Chaque matin, tous les joueurs sont pesés avant le déjeuner. Aucun écart n’est toléré. “La forme physique et l’alimentation sont les minimums pour un sportif de haut niveau», a écrit le Journal dans la semaine. De plus, personne ne doit quitter le centre d’entraînement de Milanello avant 14 heures, même si les entraînements se terminent généralement tard dans la matinée. Enfin, avant chaque match, retour du green. “Tout le monde doit dormir à Milanello la veille», a confirmé le quotidien rose.
Conceiçao n’a pas l’intention de laisser ses joueurs se reposer sur leurs lauriers, alors que ses dirigeants tentent d’obtenir le prêt de Marcus Rashford en provenance de Manchester United. “Après un titre, ils peuvent perdre leur motivation et devenir complaisants. Cela n’arrivera pas, car nous devons montrer que nous sommes des gagnants», a-t-il assuré. “Si avec Fonseca, l’étincelle n’est jamais arrivée, ici c’est tout le contraireconclut un habitué de Milanello. Conceiçao s’est immédiatement imposé comme un guide, un leader à suivre, tant pour les joueurs que pour les managers. Il dispose d’une légitimité naturelle qui incite à l’écouter, et d’une empathie envers son groupe qui manquait terriblement à son prédécesseur. Il a également récupéré mentalement certains dirigeants en détresse. La musique semble avoir changé.« Reste à savoir si elle fera à nouveau danser Conceiçao et son cigare…
Sergio Conceicao avec la Super Coupe, Milan 2024-25
Crédit : Getty Images
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