Le directeur général du groupe mutualiste, invité de l’émission « Esprit d’entreprise » sur Le Figaro TVanalyse l’impact de l’explosion des coûts des sinistres sur l’équilibre du secteur de l’assurance.
Dette, instabilité gouvernementale, manque de visibilité fiscale, craintes sur le pouvoir d’achat des clients… Alors que 2025 démarre sous les mêmes auspices que 2024 pour les chefs d’entreprise, Groupama, 9e assureur généraliste en France, ne déroge pas à la règle : “c’est un facteur de préoccupation et de prudence dans nos investissements et dans notre manière de préparer l’avenir”, explique Thierry Martel, à la tête de la mutuelle depuis 2011. Alors que les questions se multiplient sur la trajectoire budgétaire à suivre pour redresser les finances publiques“On voit bien que notre modèle n’est pas efficace, car augmenter les dépenses publiques et les cotisations obligatoires ne nous amène pas dans la bonne direction, estime le dirigeant (…) Comment inverser cette tendance ? Si on est un peu provocateur, on voit que comme pour Notre-Dame, ce sont les entreprises qui reconstruiront la France.
Dans cet environnement complexe, « nous avons la chance que l’assurance soit, pour une grande partie des contrats, obligatoire, et que cela nous offre un vrai facteur de résilience », ajoute Thierry Martel. Avec 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 510 millions d’euros de bénéfice net en 2023, le groupe mutualiste a également constaté, comme ses pairs, l’impact du changement climatique sur ses activités. Notamment avec une explosion du coût des sinistres liés aux événements extrêmes, qui atteindra 143 milliards d’euros entre 2020 et 2050, selon France Assureurs. C’est presque le double de la période 1989-2019.
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« Le changement climatique va plus vite que prévu »
Ce changement de paradigme nécessite une réflexion approfondie sur l’évolution du modèle d’assurance, en modélisant mieux ces risques, tout en maintenant des tarifs accessibles aux clients. Cette année encore, les primes d’assurance devraient augmenter entre 4 et 6 % dans le secteur automobile, selon Facts&Figures. Et de 10 à 12 % pour l’assurance habitation, en application de la décision du gouvernement d’augmenter la contribution au régime des catastrophes naturelles, obligatoire dans ces contrats.
Si cette inflation n’est pas directement la faute des assureurs« Notre problème est que le changement climatique se produit plus rapidement que ce que nous prévoyions dans les modèles. Il faut donc se poser la question du prix que l’on met face au risque. Et surtout, demandez-vous si les gens ont les moyens de payer les primes qui leur sont versées ? Tout cela en gardant à l’esprit que l’augmentation des coûts n’est pas seulement due à la fréquence et à l’intensité des événements climatiques, mais aussi à 60% à l’augmentation des richesses sur le terrain. Nous devons en tenir compte dans nos calculs..
Au-delà de la perfectibilité technologique et des ressources énergétiques que nécessite ChatGPT, il ne faut pas cacher le niveau de dépendance dans lequel nous nous mettons aux Américains.
Mutuelle et premier assureur d’agriculteurs, le groupe s’est développé en rachetant GAN à l’aube du 21ème siècle. De quoi faire de lui un acteur de la consolidation du secteur, notamment dans les mutuelles de santé ? « Oui », confirme le capitaine du premier assureur santé individuel en France, qui entend consolider ses positions dans ces métiers. Nous avons la particularité d’être un groupe décentralisé, ce qui permet d’accueillir de petites mutuelles, à travers des mécanismes de solidarité financière. Le tout en leur permettant de conserver leur gouvernance et leur ADN d’entreprise. A l’étranger nous procédons par rachat d’entreprises traditionnelles puisque ce modèle mutualiste est moins répandu ».
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L’IA entre opportunités et risques
Dans cet équilibre délicat entre gestion des risques et prévision auquel les assureurs sont confrontés, ils abordent différemment la révolution de l’intelligence artificielle. Un bouleversement qui apporte son lot d’opportunités, permettant de mieux modéliser les risques et d’apporter des solutions aux clients. Mais c’est aussi un enjeu pour la cybersécurité mondiale (désinformation, attaques informatiques). Même si elle n’est pas liée à une cyberattaque, la panne géante chez Microsoft l’été dernier a coûté la somme faramineuse d’un milliard de dollars. Selon le dernier rapport d’un autre assureur Axa, les risques liés à la sécurité en ligne figurent désormais résolument dans le trio de tête des enjeux majeurs du secteur.
Toutefois, Thierry Martel alerte sur les risques stratégiques de dépendance aux technologies étrangères, liés à l’émergence de l’IA. « Au-delà de la perfectibilité technologique et des ressources énergétiques que nécessite ChatGPT, il ne faut pas cacher le niveau de dépendance dans lequel nous nous mettons vis-à-vis des Américains. Ce sont eux qui maîtrisent parfaitement la technologie. Et quand on voit que les relations entre les Etats-Unis et l’Europe ne sont pas si simples, c’est un piège dans lequel il ne faut pas tomber, si l’on veut préserver la souveraineté européenne..
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