jeIls se sentaient déjà abandonnés, les quelques commerçants encore ouverts dans le centre commercial Europe, dans le quartier du Grand-Parc à Bordeaux. Depuis l’annonce de l’abandon du projet de rénovation la semaine dernière, ils frisent la dépression. “Nous allons rester ici, que veux-tu?” La plupart des commerces sont déjà fermés, c’est triste», déplore l’épicier Madani, installé depuis deux ans. Comme ses confrères, il s’apprêtait à entrer dans la phase de construction pour, d’ici 2027, ouvrir dans un tout nouveau local. C’est un échec. Il restera dans sa galerie dans un état de délabrement avancé. Celui-ci étant destiné à être démoli, le propriétaire InCité n’y assure plus aucun entretien ni renouvellement des commerces. Cela se voit.
Le promoteur privé Ville Envie, qui devait réaliser une importante opération de démolition-reconstruction au centre de l’Europe, avec 277 nouveaux logements et la rénovation complète du supermarché Auchan, se dit confronté à une hausse de 30% du coût de la construction. . L’économie de son projet ne tient plus, il jette l’éponge. Toutes les cartes sont rebattues. « On se doutait que ça allait s’effondrer, après tous les recours qu’il y a eu contre ce projet », regrette Isabelle Galy, vendeuse au magasin de matériel médical Ortho 33, présente depuis l’ouverture du centre commercial.
2018, « le chant du cygne »
Un autre commerçant de la galerie est plus direct : “On va rester un quartier de merde !” » Isabelle Galy s’interroge sur la relance d’un projet alternatif, promis par la mairie : « Elle veut l’embellir, je ne vois pas comment. Faire du nouveau avec du vieux, je ne vois pas quelles idées magiques ils vont avoir. Le risque est qu’Auchan fasse faillite à son tour, lorsque celui de Counord sera reconstruit. Si la rénovation avait été faite à temps, nous n’en serions pas là. » Sa collègue Florence Roussely, vendeuse au même endroit, estime que l’incendie de plusieurs magasins en 2018 a porté un coup fatal au centre commercial : « C’était le chant du cygne. Après cela, l’activité n’a plus jamais repris. » En fait, les six magasins n’ont jamais rouvert.
Autre commerce historique toujours ouvert, la pharmacie du Grand-Parc. Loïc Bergeon, l’un des deux associés, déplore l’abandon du projet : « On a été surpris, le promoteur était silencieux depuis juin, on n’avait plus aucun contact, on se demandait ce qui se passait. Il faut maintenant se contenter de ce qui existe déjà. La mairie nous a dit qu’elle allait réhabiliter, avec le bailleur InCité. Elle semble être un moteur, ce projet traîne depuis des années, on attend avec impatience que les choses avancent enfin. »
Implantée depuis les années 1970, cette pharmacie est un moteur du centre commercial. « Nous avons un rôle social important, nous aidons souvent les gens qui ne parlent pas bien français, avec des démarches et des papiers. On fait aussi beaucoup de vaccinations», confirme Loïc Bergeon. « Il faut absolument trouver un médecin, le Grand-Parc est très densément peuplé mais c’est un désert médical. Il faut que les choses s’arrangent pour le centre commercial. »
Deux gazages en quinze jours
Avec l’abandon du projet de rénovation, la question de la sécurité refait surface. « Le point du deal est devenu très important, ils sont nombreux. Rien ne les arrête, pas d’insulaires. Une descente de police de temps en temps et la circulation se calme à nouveau. Nous avons été gazés deux fois en deux semaines, la police a déclaré qu’ils avaient été lapidés. Des gaz lacrymogènes sont entrés dans le magasin, de nombreux clients ont été gênés. On sent une montée de tension», explique le pharmacien.
La sécurisation de la galerie est évoquée par tous les commerçants. « Personne ne vient plus parce que les gens ont peur. Avec la plupart des magasins fermés, on ne voit qu’une seule activité : celle des dealers”, explique l’un d’eux. Néanmoins, Loïc Bergeon veut rester positif : « Je suis plein d’espoir pour le centre commercial, si on a la sécurité, l’accès au parking et si on peut s’agrandir. Nous souhaiterions passer à 500 m², nous apporterions une animation importante. »
Le retour d’InCité
L’abandon du projet de démolition-reconstruction du centre commercial par l’entreprise privée Ville Envie remet le bailleur public InCité au cœur du jeu. Alors qu’elle devait céder la propriété en 2024, elle est contrainte de rester exploitant du centre commercial. Et d’imaginer un avenir, avec la municipalité. La mairie a annoncé des travaux de restauration, ainsi que la démolition des commerces incendiés en 2018, avant l’été 2025. Ensuite, il faudra reconstruire un projet de long terme, avec les habitants et les commerçants.
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