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L’économie russe est en difficulté et Poutine cherche un bouc émissaire

Poutine parviendra-t-il à sauver le rouble ?clé de voûte / montage

La situation de l’économie russe inquiète Vladimir Poutine. Il fait désormais pression sur Elvira Nabioullina, la directrice de la banque centrale, qui a apparemment compris son message.

Simon Cleven / t-en ligne

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S’il est un sujet qui donne actuellement du fil à retordre au président russe, c’est bien l’économie de son pays. Le taux du rouble s’est récemment effondré, tandis que l’inflation s’envole. En outre, Moscou souffre de sévères sanctions successivement imposées par l’Occident après l’invasion de l’Ukraine par les troupes du Kremlin.

Lors de sa grande conférence de presse annuelle. le chef du Kremlin a eu du mal à rassurer sa population sur la situation économique du pays. “Nous avons quelques problèmes, à savoir l’inflation, une certaine surchauffe de l’économie”, a-t-il expliqué. Cependant, le gouvernement et la banque centrale sont déjà responsables du ralentissement du rythme de l’inflation. Poutine a parlé d’un « signal alarmant », mais a également qualifié la situation économique de « stable et fiable ».

Message compris

Compte tenu de la surchauffe de son économie déchirée par la guerre, Poutine a donné un ordre clair : la banque centrale doit prendre une décision « équilibrée » en matière de taux d’intérêt, a-t-il déclaré. C’était une pancarte adressée à la directrice de la banque centrale, Elvira Nabioullina. Elle a annoncé début décembre vouloir relever le taux directeur. Mais vendredi, la banque centrale a décidé de le maintenir à 21 %. Nabioullina a sans doute bien compris le message, car Poutine cherchait déjà un bouc émissaire.

“Il aurait fallu prendre ces décisions à temps”, a assuré Poutine en faisant référence au taux directeur. Mais Elvira Nabioullina ne lui a pas encore communiqué le montant réel du nouveau taux directeur, a-t-il précisé. Poutine a qualifié le taux d’inflation en Russie de « désagréable et mauvais », mais espère « pouvoir y faire face tout en maintenant les indicateurs macroéconomiques ».

Selon lui, l’inflation en Russie s’est élevée sur l’année à environ 9,2-9,3%. Les experts prévoient même un taux d’inflation pouvant atteindre 10 % d’ici la fin de l’année. Poutine a en outre estimé que son pays connaîtrait une croissance économique pouvant atteindre « peut-être même 4 % ». Pour l’année prochaine, il s’attend donc à une croissance plus faible, de l’ordre de 2 %. Il a qualifié cela d’« atterrissage en douceur ».

Elvira Nabioullina.Clé de voûte

Problèmes majeurs

L’économie russe est confrontée à plusieurs problèmes. Ces dernières années, le Kremlin a injecté des sommes importantes dans l’armée et l’industrie de l’armement. Cela a créé environ deux millions de nouveaux emplois, stimulant fortement la croissance économique. Mais le pays se heurte désormais à ses limites. Le chômage ne s’élève qu’à 2,4%. Il y a une pénurie de main d’œuvre pour répondre à la demande, qui reste élevée.

À cela s’ajoutent les sanctions occidentales, qui rendent les importations considérablement plus coûteuses pour la Russie. D’une part, les mesures punitives compliquent la logistique du pays, car de nombreuses marchandises ne peuvent pas être importées directement, mais uniquement via des pays tiers. D’un autre côté, en raison des sanctions contre le secteur financier, les entreprises russes ne peuvent désormais effectuer des paiements internationaux que par des canaux compliqués, principalement par l’intermédiaire de prestataires tiers souhaitant gagner beaucoup d’argent. À cela s’ajoute une nette baisse des revenus issus des exportations de pétrole, de gaz et de charbon.

Le rouble s’effondre face au dollar

Et puis, en novembre, suite aux nouvelles sanctions américaines contre la Russie, le taux du rouble s’est effondré de 15 % par rapport au dollar. “Nous avons un nouveau facteur inflationniste, le taux de change”, a reconnu début décembre la directrice de la banque centrale, Nabioullina.

Jusqu’à présent, le moyen choisi par la banque centrale russe pour lutter contre la hausse des prix a été la hausse constante du taux directeur. Selon certains rapports, il aurait même prévu de le porter à 23 % en décembre. A titre de comparaison, ce taux est actuellement de 3% dans l’UE.

Elvira Nabioullina fait depuis longtemps l’objet de vives critiques de la part des forces proches du Kremlin concernant sa politique monétaire. Ce n’est qu’à la mi-novembre que le Centre d’analyse macroéconomique et de prévisions à court terme a publié une étude dans laquelle il mettait en garde contre un choc pour l’économie russe en raison du taux directeur élevé. La production pourrait s’effondrer, de nombreuses entreprises risquent de ne pas honorer leurs paiements ou de faire faillite.

Différend avec Poutine

L’économiste Nabioullina est la principale gardienne de la monnaie russe depuis 2013. Elle est la première femme à diriger la banque centrale russe. Jusqu’à présent, elle a toujours suivi une ligne stricte : permettre à l’économie russe de surmonter la crise de manière stable, mais aussi souvent se heurter à Poutine. Au début de l’année, la poursuite du contrôle des capitaux pour stabiliser le rouble a donné lieu à un contentieux. Poutine souhaitait les maintenir, contrairement à elle.

Mais le chef du Kremlin sait aussi ce qu’il doit à Nabioullina : sans ses mesures de stabilisation, sa guerre en Ukraine n’aurait probablement pas été possible. De plus, depuis son entrée en fonction, elle a modernisé l’économie russe et fermé des banques considérées comme corrompues. Il est donc peu probable que Poutine la destitue de sitôt.

Mais la pression monte : non seulement l’économie du pays s’affaiblit, mais elle est également en mauvaise posture par rapport aux performances économiques de l’Ukraine. Comme le rapporte le journal britannique L’économistela monnaie ukrainienne, la hryvnia, est stable. En outre, l’économie ukrainienne devrait connaître une croissance de 4 % cette année et même de 4,3 % l’année prochaine. Le taux directeur est actuellement de 13,5%, son plus bas niveau depuis plus de deux ans. Autant de choses qui ne devraient pas plaire à Poutine.

Traduit de l’allemand par Anne Castella

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