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le président du tribunal de commerce de Montpellier veut éviter tout catastrophisme

Entretien avec la présidente du tribunal de commerce de Montpellier, depuis 2020, Nadine Baptiste, qui revient sur l’année économique et les difficultés actuelles rencontrées par les entreprises et leurs dirigeants.

Le contexte économique actuel est marqué par les difficultés des grandes et moyennes entreprises. Et dans le bassin montpelliérain ?

Nous sommes dans un espace économique composé de nombreuses petites entreprises, c’est sa particularité avec de nombreuses entreprises de services. De ce fait, nous sommes moins touchés que dans certaines régions industrielles. Nous constatons des difficultés, notamment dans le secteur de la construction, un secteur très important dans notre juridiction. Ainsi, en matière de procédures collectives, liquidations, réorganisations, sauvegardes, on constate une hausse d’environ +18% à fin novembre par rapport à la même période de 2023. Les procédures de prévention, conciliations et mandats ponctuels se multiplient également.

Quels secteurs sont concernés par les mesures collectives ? La situation est-elle pire qu’à fin 2023 ?

On sait que les principales activités concernées sont la restauration et le bâtiment. Cela se confirme et cela augmente un peu par rapport à 2023. On le voit avec les quelques ventes dans l’immobilier, y compris à Montpellier où le secteur est extrêmement porteur. On assiste à une multiplication des convocations en recouvrement judiciaire auprès de l’Urssaf lorsque les entreprises ne paient pas leurs charges. Par rapport aux procédures du 911 fin novembre, nous en sommes à 397 convocations, soit 45 %. Au niveau national, une statistique mentionne que 60% des procédures collectives concernent des entreprises où il n’y a pas de salariés. Il est important de faire la différence. En effet, la situation économique est compliquée, nous manquons de visibilité, mais cela fausse les chiffres. Il ne faut pas dire que tout va mal.

Dans vos interventions, vous mettez l’accent sur les mesures préventives. Pour quoi ?

La prévention, c’est que l’on anticipe les difficultés et que l’on s’adresse à nous en amont pour tenter de trouver des solutions avec les créanciers. J’encourage les professionnels et l’entourage des dirigeants à le faire, afin que les gens n’aient pas peur de franchir la porte du tribunal. Dans le cadre de la prévention, on compte 92 interventions depuis début 2024, ce qui est déjà beaucoup. Toutes les préventions ne réussissent pas, mais on constate que 75% de ces dossiers aboutissent tandis que 75% des dossiers de recouvrement judiciaire aboutissent à une liquidation.

Bio express

Juge dans la juridiction depuis 2013, Nadine Baptiste a été élue présidente du tribunal de commerce en 2020. Un mandat volontaire qui court jusqu’à fin 2026. Cette native du Vaucluse est issue du secteur bancaire, plus particulièrement de la Caisse d’Épargne où elle détenait la direction du secteur des entreprises et d’autres filiales de la banque. Le tribunal de commerce est composé de 50 juges. En 2023, le tribunal a rendu 12 000 décisions. “Il y a des injonctions de payer, des référés, des contentieux, des ordonnances, il n’y a pas que des procédures collectives, pour nous ce n’est pas le cœur de notre métier.” Le ressort du tribunal de commerce de Montpellier comprend les secteurs de Sète, Clermont-l’Hérault, Lodève, Ganges et Lunel.

Pourquoi sont-ils également importants pour les entrepreneurs ?

Je crois à ces mesures, car elles permettent au leader de ne pas être seul. Car, aujourd’hui, on constate, à notre grand désarroi, que les dirigeants d’entreprises se mettent la tête dans le sable, et on se retrouve avec des salariés qui ne sont plus payés. C’est un peu dramatique pour nous. Je ne peux pas l’accepter car, quand on est leader, il faut y faire face.

Comment réagissez-vous dans ces cas-là ?

Nous sommes avertis soit par le parquet, soit par les salariés. Alors, on convoque le chef d’entreprise, et on lui demande des explications. On lui explique qu’il doit déposer une déclaration de cessation de paiements. Que les salariés ne soient pas payés est envisageable, mais il existe des mécanismes qui prennent le relais comme l’AGS dans le cadre de procédures collectives. Certains sont dans le déni, mais cela peut arriver. Il peut y avoir l’échec d’un client par exemple, mais l’accent est mis beaucoup sur le caractère responsable de l’entrepreneur.

L’année dernière, le représentant du parquet avait insisté sur le problème de la non-dépôt des comptes. Est-ce toujours le cas ?

Cela s’est un peu amélioré, mais nous devons continuer à suivre. L’intervention du procureur a beaucoup fait parler les entrepreneurs au niveau local et elle a porté ses fruits. Les avocats alertent leurs clients sur le sujet, et puis c’est la loi. Cela reste toujours une priorité pour nous. Nous avions 28 000 comptes déposés fin novembre, ce qui n’est pas suffisant.

Le tissu économique est-il encore dynamique ?

Oui. Nous comptons environ 60 000 entreprises dans notre région. Cette année, jusqu’en novembre, 4 361 entreprises ont été créées. Il y a eu 1 415 radiations. Nous maintenons un solde très positif. Malgré tout, nous sommes dans une économie dynamique.

Le tribunal dispose-t-il d’une répartition par secteur ?

Non malheureusement. Mais il existe pas mal de start-up et d’entreprises créées dans le secteur audiovisuel. Il existe désormais tout un écosystème favorable, un vivier intéressant. Je ne vais pas dire qu’il n’y a pas de difficultés, mais évitons de catastrophiser. Je trouve que les chefs d’entreprise sont inquiets, car rien n’est stabilisé, notamment en matière de fiscalité. Ce n’est pas un climat très favorable.

 
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