Si le marché automobile est défaillant, en France mais aussi en Europe, ce n’est pas seulement parce que l’inflation des prix alimentaires et énergétiques a réduit le pouvoir d’achat. Non seulement parce que le prix des voitures, déjà en forte hausse depuis 2010, a pris un énorme coup après le Covid.
Non, il y a un petit autre truc que j’entends à chaque fois qu’on me parle de voiture, c’est à dire assez souvent.
Nous manquons d’appétit devant ce qui nous est proposé.
Qui veut d’une voiture dont le volant vibre dès qu’on s’approche de la ligne médiane ou de l’accotement, qui émet un bip, voire freine, si l’on dépasse de 3 km/h la limite indiquée par le GPS et/ou ou le lecteur de platine, qui est-ce souvent celui de la rampe de sortie ou un autre « en cas de brouillard » ou destiné aux caravanes ?
Qui voit comme un progrès de devoir, pour réduire la ventilation ou augmenter le chauffage, entrer dans le menu et le sous-menu d’un écran en prenant soin de ne pas taper sur la mauvaise icône à cause d’une bosse.
Qui supporte de devoir se promener dans les méandres de cet écran pour activer une fonction très simple ou en désactiver une très ennuyeuse ? Et devoir répéter la même opération à chaque démarrage ?
Ces avancées sont plus que douloureuses, elles sont dangereuses : à peine le kit mains libres et la commande vocale nous permettaient-ils d’utiliser notre téléphone sans lâcher le volant ni quitter la route des yeux que, paf, les constructeurs nous ont mis sous pression. on remarque la reproduction de cet écran cinq fois plus grand, qui doit constamment être interconnecté avec celui de la voiture.
Bref, depuis l’invention de l’ESP, de la caméra de recul et de l’éclairage de virage il y a plus de quinze ans, je ne vois pas quelles réelles améliorations ont subies nos voitures. Ni rien qui les rende plus désirables.
La loterie automobile
Et ce n’est pas tout. Côté mécanique, fini les beaux moteurs, les 4, 5, 6 cylindres, le 1,8 l et le 2 litres, tellement endommagés qu’ils ont disparu du marché. Qui prend plaisir à démarrer un mini trois cylindres turbo à injection directe qui gronde et vibre comme un diesel et peine à déplacer la tonne et demie que pèse la plus petite voiture avec trois ou quatre personnes à son bord.
Et pour quelle économie ?
Tous les anciens fans de turbodiesel convertis à ces merveilles d’ingénierie des supercarburants ont constaté que leur consommation – et donc leurs émissions de CO2 – ont explosé sur autoroute, et particulièrement pour ceux qui ont opté pour un SUV. Et par rapport aux anciens moteurs essence, les progrès en matière de sobriété ne sont pas toujours évidents.
Pire encore, ils devaient souvent mettre la main à la pâte pour de graves problèmes de dépollution, de courroie, de turbo ou de soupape. Le diesel n’était pas beaucoup plus fiable dans ses dernières années, mais au moins il était économique.
Aujourd’hui, parcourir 300 000 km sans le moindre problème, comme c’était courant dans les années 90 et 2000, c’est comme gagner à la loterie automobile – sauf avec une voiture japonaise, bien sûr.
Comme si tout nous poussait à nous convertir aux voitures électriques.
En fait, les arguments s’accumulent : ils sont bien plus fiables, coûtent deux à trois fois moins cher à entretenir, sans parler des économies de carburant.
900 km avec une batterie deux fois plus légère !
Mais si la voiture thermique était meilleure avant, la voiture électrique sera meilleure demain.
Je ne parle pas de milliers de nouvelles bornes de recharge ; ils sont déjà là, dans les parkings des zones commerciales, dans les villes, sur toutes les aires d’autoroute et même, de plus en plus, sur les aires de repos.
Mais des progrès à venir concernant l’autonomie.
Il ne se passe pas une semaine sans que quelqu’un annonce un nouveau type de batterie qui sera moins cher, plus rapide à charger, plus légère ou aura plus d’autonomie ou tout cela à la fois. Avec du soufre ou du sodium ou autre minéral ou métal miraculeux, et facile à trouver en bonus.
La semaine dernière, c’était avec du silicium, un minéral très disponible puisqu’il est obtenu à partir du sable. Il s’agit d’un projet de la société Paraclete Energy qui promet une réduction de poids de 73% soit 900 km d’autonomie avec une batterie deux fois plus légère que les batteries NMC actuelles.
La semaine prochaine, ce sera avec de la fécule de pomme de terre, de l’aluminium ou je ne sais quoi d’autre, mais j’en suis sûr, les batteries feront encore d’énormes progrès.
Une vidange tous les 5 000 km
Imaginez-vous en 1965, hésitant entre une Peugeot 404 et la nouvelle Renault 16, deux chignoles buvant leurs 10 ou 11 litres au cent pour délivrer une soixantaine de chevaux et dont l’essieu et la boîte de vitesses devaient être vidangés tous les 10 000 km et le moteur tous les 5 000 km. Un soir, chez le coiffeur, en feuilletant un magazine automobile vous découvrez qu’un constructeur va bientôt sortir un moteur de 120 chevaux consommant 5 litres au cent avec un intervalle d’entretien de 40 000 km.
Que fais-tu ? Il serait raisonnable de conserver votre 403 en attendant que cette merveille arrive chez le concessionnaire…
C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec la voiture électrique. Selon les prévisions, d’ici cinq ou dix ans, les voitures électriques actuelles seront transformées en has been par de nouveaux modèles dotés de batteries révolutionnaires, liquides ou solides, je ne sais pas mais beaucoup plus performantes, c’est sûr. En attendant la prochaine révolution qui doublera encore l’autonomie et réduira le prix.
Cet attentisme me fait irrésistiblement penser à ce que le philosophe et politologue Antonio Gramsci écrivait dans les années 1930 : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent des monstres. ».
Dans le rôle du monstre, je vous laisse le choix : l’effondrement de l’industrie automobile européenne, les constructeurs chinois, Elon Musk…
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