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Le calendrier très audacieux d’EDF pour construire ses réacteurs nucléaires EPR 2 en 70 mois

En 2021, une première estimation s’élevait à 52 milliards d’euros. On parle désormais d’environ 70 milliards d’euros, hors frais financiers. Cependant, le coût de l’immobilisation du capital peut facilement doubler la facture. Pour le contenir, il faut réduire la durée des chantiers. « La rapidité de construction des EPR est une question fondamentale », a rappelé Luc Rémont, PDG d’EDF, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Cet été, il s’est fixé un objectif très ambitieux : construire ces EPR2 en 70 mois, « entre la première mise en service concrète et industrielle. Ce ne sera pas le cas pour les premières têtes de série, mais le plus rapidement possible.

Gagnez 3 ans sur le calendrier

Les équipes d’EDF ont jusqu’à la fin de l’année pour trouver des solutions. La marche est très haute : 70 mois (moins de six ans) au lieu de 105 mois (près de neuf ans) initialement prévus pour la construction du premier EPR2 à Penly et 90 mois pour celle du sixième EPR2 au Bugey. Ce n’est donc plus 15 mois qu’il faut gagner entre le premier et le sixième EPR2, en bénéficiant de retours d’expérience et d’optimisation d’un site à l’autre, mais 35, soit trois ans ! C’est énorme, d’autant que rien ne garantit que les délais de construction visés pour l’EPR2 seront respectés.


« Au niveau mondial, la durée moyenne des travaux reste encore d’une dizaine d’années. » rappelle Mycle Schneider, analyste nucléaire, qui reste très dubitatif, même si les Chinois annoncent moins de six ans pour leurs nouveaux réacteurs. « EDF a perdu toute crédibilité quant à sa capacité à prédire la durée de construction d’un réacteur nucléaire », il juge. L’entreprise a néanmoins déjà tiré les leçons des retards survenus sur le chantier de l’EPR de Flamanville, dont les causes avaient été mises en avant dans le rapport Folz 2019 commandé par le précédent PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy.


Un examen général de la maturité

Pour respecter les coûts, la qualité et les délais, EDF a d’ores et déjà décidé de construire les EPR2 en série et par paire. Il a simplifié la conception en standardisant tout ce qui pouvait l’être. Il a également travaillé avec ses fournisseurs dans le cadre du plan qualité Excell. Et ses deux filiales, Framatome et Arabelle Solutions, vont investir pour adapter leurs outils industriels à la production en série de générateurs de vapeur et de groupes turbocompresseurs EPR2. Par ailleurs, en 2022, EDF a créé un poste de « client interne », confié à Nicolas Machtou, qui avait beaucoup manqué à Flamanville 3. Enfin, le 1er avril, l’entreprise a adopté une nouvelle organisation des activités nucléaires.

En novembre 2022, le gouvernement a créé une Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (Dinn), dirigée par Joël Barre, ancien délégué général à l’armement, qui doit assurer la supervision de la maîtrise d’œuvre du projet sur l’ensemble de sa partie publique. « Notre mission est de veiller à ce que le programme ERP2 se déroule dans les meilleures conditions possibles », résume Jöel Barre, qui se veut rassurant. “La dégression visée par EDF, en annonçant 70 mois, correspond aux ordres de grandeur que l’on peut rencontrer dans les programmes industriels de masse, d’armement ou spatiaux.”

Inspirés par les grands programmes d’armement et d’espace, Dinn et EDF ont également mis en place une revue générale de maturité du projet, confiée à une équipe d’une quinzaine d’experts externes qui ont travaillé de mars 2023 à juillet 2024. Leur premier rapport de novembre 2023 concluait notamment que la « conception de base » n’était pas suffisamment aboutie pour passer à la phase de conception détaillée, c’est-à-dire les plans de construction définitifs. «Le comité d’experts a formulé 89 recommandations, qui ont toutes été acceptées par Luc Rémont, notamment celle de la mise en place d’un comité de suivi.» précise Nicolas Machtou, directeur du nouveau programme nucléaire en . En juillet, le deuxième rapport Guillou donnait son feu vert au lancement des plans détaillés, mais appelait à une sécurité réglementaire, le lancement d’un nouveau programme nucléaire en France devant faire l’objet d’une loi qui n’a toujours pas été adoptée. été votée et de définir le mode de financement.


Une task force dédiée

Afin de relever le défi des 70 mois, « Nous avons créé il y a quelques mois une task force pour rechercher de bonnes idées, dans d’autres secteurs comme à l’étranger, et des innovations, dit Nicolas Machtou. Les équipes supply chain d’EDF se sont déjà rendues en Chine, où le réacteur de Hualong a été construit en 68 mois. Un modèle dont les équipes de Gabriel Oblin, le chef de projet, veulent s’inspirer pour optimiser l’organisation du génie civil et partager les bonnes pratiques avec les entrepreneurs, à commencer par Eiffage, qui a remporté le marché de génie civil de Penly de 4 milliards d’euros.

Si l’objectif se veut aussi mobilisateur, sa faisabilité reste incertaine. “Nous dirons d’ici la fin de l’année comment nous y parviendrons” assure le directeur du nouveau programme nucléaire France. Échouer ou repousser le calendrier n’est de toute façon pas une option. Mais le - presse. Le directeur de Dinn attend le nouveau chiffrage d’EDF ce mois-ci pour pouvoir l’auditer. « Nous travaillons à converger vers un devis, un calendrier et un modèle de financement d’ici la fin de l’année, explains Joël Barre. En fin de compte, le coût de l’électricité produite par les réacteurs dépend de la durée de construction. C’est donc aussi le maintien des industries électro-intensives sur le territoire et l’attractivité du site France qui sont en jeu.

L’EPR2, une version simplifiée et standardisée de l’EPR de Flamanville

L’Evolutionary Power Reactor 2 (EPR2) est un réacteur nucléaire à eau sous pression d’une puissance thermique de 4590 MW convertible en 1670 MW électrique. Pour être produit en série, gagner en - de construction et en coûts de maintenance, sa conception a été simplifiée par rapport aux premiers EPR construits en Chine, en France, en Finlande et au Royaume-Uni. Pour tous les bâtiments, le catalogue des pièces et composants a été rationalisé et standardisé. Il affiche 571 références de vannes au lieu de 1309, 91 références de portes au lieu de 214, 257 gabarits de tuyauterie au lieu de 836, 63 pompes non classées au lieu de 800… Pour les composants, un maximum de soudures seront réalisées. en usine plutôt que sur place.

Le bâtiment auxiliaire électrique non nucléaire est entièrement modulaire et sera livré sur les sites déjà construits. Pour le bâtiment réacteur, la double enceinte de confinement EPR protégeant la cuve et les quatre générateurs de vapeur a été remplacée par une enceinte unique, plus épaisse, en béton précontraint avec un liner métallique. Le dôme mesure 70 mètres de haut et 50 mètres de diamètre. Les pièces autour du réacteur sont plus grandes, moins compartimentées et de forme plus simple, avec des murs alignés pour faciliter la construction, leur aménagement, ainsi que leur exploitation avec des couloirs élargis. Les composants nécessaires au maintien opérationnel du réacteur ont été retirés.


Vous lisez un article de L’Usine Nouvelle 3736 – novembre 2024
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