Alexandre Lemay, Sonia Joannette et le couple Abir Taha et Ziad Salloum vivent dans trois secteurs différents du Québec.
Le premier, un jeune professionnel de 30 ans, possède un condo à Charlesbourg, équipé d’un foyer d’ambiance.
Le second habite une maison à Lebourgneuf, qui n’a ni poêle ni foyer au bois. Elle aimerait acquérir un appareil, mais la réglementation municipale de Québec, resserrée en 2023, lui complique la vie, dit-elle.
Ensuite, les derniers sont des parents propriétaires d’une maison à Val-Bélair, dans laquelle ils ont fait installer un poêle à bois il y a à peine deux ans. Un « anti-stress » en cas de coupure de courant, partage le couple.
Même si leur situation les distingue, tous les quatre ont un point commun : ils peinent à comprendre le Règlement sur les appareils à combustible solide imposé par la Ville de Québec qui encadre l’installation et l’utilisation des appareils de chauffage au bois.
Plus encore, ils le jugent « excessif ». À tel point qu’ils ont envoyé ensemble, lundi, une mise en demeure à la Ville de Québec, signée de la main de leur avocat, Me Samuel Samson.
« Cette réglementation excessive est, à mon avis, inconstitutionnelle car elle porte atteinte au droit à l’énergie », résume-t-il dans un entretien avec Soleil l’avocat spécialisé en droit de l’énergie.
Fin 2023, l’administration Marchand a serré la vis sur le chauffage au bois sur son territoire.
Depuis le 1er janvier, Québec interdit l’installation de nouveaux foyers au bois décoratifs ou d’ambiance. En septembre 2030, il deviendra tout simplement impossible de les utiliser. Comme prévu, la Ville maintient l’automne 2026 comme date cible pour interdire les poêles à bois non certifiés.
Les nouvelles restrictions ont déclenché l’hiver dernier la colère de toute une filière qui craignait d’être stigmatisée. Mais avec la santé publique comme « priorité », l’équipe du maire Bruno Marchand a affiché ses couleurs en refusant de reculer sur les changements proposés.
« Droit fondamental »
Or, ces dispositions « portent irrémédiablement atteinte au droit fondamental à l’énergie », fait valoir Me Samson dans son action en justice.
Il estime que les raisons invoquées par la Ville et la réglementation mise en place sont « largement exagérées » et « non justifiables du point de vue de la qualité globale de l’environnement ». L’avocat soutient que la majorité des émissions de particules fines émises dans l’air par les activités humaines au Québec ne proviennent pas du bois.
« Alors qu’il serait vraiment facile d’être moins excessif et plus mesuré, la Ville, et le maire en particulier, semblent avoir fermé leurs œillères pour faire preuve de raisonnable », affirme-t-il.
« Nous avons une administration municipale qui, d’un côté, nous dit qu’il faut sauver la planète et que la Terre ne peut pas attendre, mais qui, de l’autre, part en croisade contre une Source d’énergie efficace, écologique et locale. »
— Me Samuel Samson, avocat spécialisé en droit de l’énergie
Les clients de Me Samson réclament que Québec modifie sa réglementation « d’une manière qui serait acceptable et qui ne porterait pas trop atteinte au droit d’accès à l’énergie », explique leur avocat.
« Nous ne sommes pas contre la vertu, mais d’un autre côté, nous disons souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Là où nous disons que le règlement n’est pas proportionné, c’est qu’il y aurait moyen, à notre avis, d’atteindre les mêmes objectifs que ceux recherchés par le règlement sans aller aussi loin », avance-t-il.
L’utilisation des appareils pourrait par exemple être suspendue les jours où la qualité de l’air atteint un certain seuil de détérioration au Québec et où il n’y a pas de panne de courant, suggère l’avocat.
Hydro-Québec “obsolete”
Parce que les pannes « devraient augmenter », Me Samson juge la réglementation municipale « d’autant plus inquiétante » dans un contexte où l’augmentation de la consommation électrique est soumise à « une pression qui peine à soutenir le réseau de distribution d’Hydro-Québec ».
Pour certains, défend-il, le chauffage au bois constitue une « solution indispensable » en cas de panne.
« Le réseau d’Hydro-Québec, en l’absence de priorité en matière de sécurité énergétique de la part des gouvernements, a manqué d’investissements et se révèle obsolète. Il y a une transition énergétique qui accroît les besoins en électricité. Les gens ont besoin d’une Source de chauffage supplémentaire », affirme-t-il.
L’avocat estime que l’enjeu pourrait éventuellement dépasser les frontières de la ville de Québec et que le règlement pourrait être déclaré « inopérant sur le fondement des droits constitutionnels ».
Encore plus loin
La mise en demeure fixe au 15 février la date limite à laquelle les citoyens demandent à la Ville de s’y conformer.
Pour l’avenir, ils n’ont aucune crainte.
Si cela n’est pas fait, « nous irons au tribunal. Et s’il le faut, adressez-vous à la Cour suprême», entreprend Me Samuel Samson.
CE QU’ILS ONT DIT
« Lorsque nous avons examiné les options avec le magasin, on nous a dit : « Vous savez, nous ne savons pas comment la Ville se conforme à la réglementation. Ce n’est pas clair. Si vous dépensez 25 000 $, serez-vous autorisé à opérer avec ? Est-ce qu’on l’installe de la même manière et alors sommes-nous illégaux ? Nous voulons savoir comment faire la queue. — Sonia Joannette
« Pourquoi ne cherchent-ils pas le pouls de la population ? Ils prennent des décisions avec des personnes déconnectées. Je ne ferai pas faillite parce que je dois investir 40 000 $ dans une maison. Nous ne sommes pas là pour lutter contre la Ville. Nous sommes là pour nous faire entendre. —Alexandre Lemay
« Notre maison est un élément anti-stress pendant l’hiver. On a l’impression que la régulation est motivée par la politique et non par l’écologie. Le climat traverse une période difficile ces jours-ci, mais l’empreinte carbone du bois est nulle.» — Abir Taha et Ziad Salloum
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