Région franco-suisse –
Chômage : l’allocation des frontaliers devrait être réduite
La plupart des partenaires sociaux se sont accordés ce jeudi à Paris sur la réforme de l’assurance chômage française, destinée à réduire significativement les dépenses de l’Unédic.
Publié aujourd’hui à 11h26
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- Un nouveau mode de calcul de l’indemnisation du chômage pour les frontaliers français est proposé.
- Si elle était validée, l’allocation de perte d’emploi de ces travailleurs pourrait être considérablement réduite.
- Leurs associations de défense menacent de contester cette décision devant les tribunaux.
- Les frontaliers envisagent de s’installer en Suisse.
La mesure était redoutée par les plus de 445 000 Français qui travaillent dans l’un des pays limitrophes de la France, dont près de 231’500 en Suisse. Elle est sur le point d’être adoptée définitivement. Les frontaliers qui travaillent en Suisse, au Luxembourg, en Allemagne et en Belgique devraient voir le montant de leur indemnité de chômage réduit dès l’année prochaine.
Les partenaires sociaux ont tenu jeudi à Paris leur dernier cycle de négociations sur l’assurance chômage. Les discussions ont commencé il y a plusieurs jours. Le gouvernement Barnier leur a confié la tâche de trouver 400 millions d’euros d’économies supplémentaires par an à partir de 2025 (par rapport à l’accord conclu en novembre 2023).
Ces négociations se déroulent dans un contexte particulier. Les finances de la France sont dans une situation critique : le déficit public se creuse et la dette augmente. L’État doit réduire drastiquement ses dépenses.
Coefficient de réduction
Parmi les pistes évoquées, les partenaires sociaux se sont accordés sur la mise en œuvre d’un nouveau modèle de calcul des allocations de chômage pour les frontaliers. Celui-ci prévoit d’appliquer un coefficient réducteur pour tenir compte de la différence de niveau de vie entre le pays d’emploi du frontalier au chômage et la France.
L’idée avait déjà été proposée par certains économistes (lire ci-dessous). L’objectif est de réduire le montant de leurs indemnités de chômage pour soulager lesUnédic.
Soulager l’Unédic
Les frontaliers pèsent lourd dans les caisses de l’association chargée de gérer l’assurance chômage en France. C’est la conséquence de la réglementation européenne : lorsqu’ils travaillent, les frontaliers paient des cotisations dans leur pays d’emploi, mais en cas de chômage, c’est leur pays de résidence qui les indemnise.
Un système de compensation financière existe entre les Etats : celui-ci prévoit que le premier pays d’emploi verse entre trois et cinq mois d’allocations de chômage au pays de résidence, mais les montants perçus par le second peuvent s’avérer insuffisants. C’est le cas de la France.
Et pour cause : le nombre de chômeurs frontaliers en France augmente, leur durée d’indemnisation est plus longue que celle des autres allocataires, et le montant de leurs allocations est également plus élevé, car calculé sur la base de leur dernière des salaires perçus à l’étranger, généralement plus élevés qu’en France, en Suisse par exemple.
Un « argent fou »
Ainsi, ces ouvriers coûtent très cher à l’Unédic. Dans un récent rapport, l’organisation calcule qu’en 2023, elle a versé 1 milliard d’euros d’indemnisation aux 77 000 chômeurs frontaliers qui travaillaient auparavant dans les quatre principaux pays d’emploi voisins que sont la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. Mais dans le sens inverse, il n’a reçu que 200 millions d’euros de remboursement de leur part.
Résultat : le surcoût pour l’Unédic atteint 803 millions d’euros en 2023. En cumulé entre 2011 et 2023, il s’élève à 9 milliards d’euros. Un « argent fou », pour reprendre la célèbre expression du président de la République Emmanuel Macron à propos des aides sociales.
Les frontaliers pénalisés
À l’heure actuelle, tous les syndicats ne sont pas favorables au nouvel accord. Le texte doit encore être définitivement approuvé par leurs autorités respectives. S’il est validé par les offices centraux, il entrerait en vigueur à partir du 1est Janvier 2025.
Selon nos informations, nous ne savons pas si les frontaliers déjà au chômage seront concernés. Ou si seulement ceux qui perdront leur emploi après le 1er janvier le seront.
On ne connaît pas non plus les détails de la nouvelle méthode de calcul et du coefficient proposé par les négociateurs. Selon certains syndicats, la réduction pourrait être importante. Dans un communiqué commun, les syndicats français CGT, luxembourgeois OGBL et suisse Unia et SGB USS estiment qu’avec un système de coefficients, «l’indemnité journalière moyenne pourrait baisser de 48% pour une personne ayant travaillé en Suisse», par exemple.
Mesure illégale ?
Déjà, les associations de défense des frontaliers menacent de saisir la justice, reports “Le Dauphiné Libéré”. Il n’est pas certain qu’une telle mesure, qui peut être considérée comme discriminatoire, soit légale, la Constitution française garantissant l’égalité entre les citoyens. Notre confrère souligne que, dans les années 70 et 80, des dispositifs similaires avaient déjà été envisagés. Mais la justice a alors donné raison aux travailleurs frontaliers.
Sur le site de BFM/RMC, les frontaliers confient qu’ils envisagent donc de s’installer en Suisse, pour ne pas être pénalisés en cas de chômage.
Coefficient : une petite musique qui joue
L’idée d’un coefficient réducteur pour les chômeurs frontaliers en France n’est pas nouvelle.
Le 22 mars, dans une tribune publiée dans « Les Échos »l’économiste Bruno Coquet et Jean-François FoucardLe secrétaire confédéral du syndicat des cadres CFE-CGC, a proposé « d’intégrer dans la formule salariale de référence un rapport entre le niveau de salaire moyen français et celui du pays ou de la zone frontalière où a été payé l’emploi perdu ». Selon les calculs, cette réforme permettrait d’économiser « au moins 500 millions (ndlr : euros) par an de dépenses inefficaces à l’Unédic.
En novembre 2022, un autre économiste, Philippe Askénazyil a proposé, dans une tribune publiée dans « Le Monde »de modifier le calcul de l’indemnisation du chômage des frontaliers en passant « d’une conversion des salaires perçus à l’étranger au taux de change du marché à une conversion à parité de pouvoir d’achat ». Et de quantifier cette idée : « Dans le cas de la Suisse, les prestations versées aux frontaliers baisseraient d’environ 40 %, soit environ 200 millions d’euros de moins versés par le régime français.
NB : vendredi 15 novembre 2024 à 12h15 ; ajout d’un rappel à la fin du texte principal.
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Fabrice Breithaupt est journaliste et secrétaire de rédaction. Il s’occupe des questions transfrontalières franco-suisse, mais aussi de l’immobilier, de l’emploi et de la formation. Il est journaliste de relations publiques depuis 1995 (radio, puis presse écrite).Plus d’informations
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