Alors que les marchés privés se démocratisent, une conférence s’intéresse aux enjeux de cette classe d’actifs, ses coûts et sa liquidité.
Les marchés privés sont en hausse. Cette classe d’actifs, qui comprend le capital-investissement, la dette privée, les infrastructures et l’immobilier privé, connaît une croissance rapide tant aux États-Unis qu’en Europe. Les actifs sous gestion dépassent 10 000 milliards de dollars, ce qui correspond à environ 10 % de la capitalisation boursière mondiale. Le consultant Preqin prévoit un doublement des actifs en private equity au cours des cinq prochaines années. La situation est identique dans le cas de la dette privée. Ce marché a quintuplé depuis 2007 pour atteindre 1 500 milliards de dollars. Mais la Suisse est en retard. Ces marchés sont « un peu sous-développés en Suisse » par rapport à la France ou au Royaume-Uni, observe François Mollat du Jourdin, président fondateur de MJ & Cie, un family office basé à Paris et Genève, lors de la conférence Private Markets. Insights, organisé mardi à Genève par Voxia et Allnews.
Dans l’allocation globale de MJ & Cie, les marchés privés représentent 50 à 60% en incluant l’immobilier, précise François Mollat du Jourdin. La clientèle de ces derniers étant très aisée, les contraintes de liquidité liées aux marchés privés ne constituent pas une contrainte particulière.
« Les rémunérations exigées par certains managers (commission de gestion et de performance) sont parfois assez élevées. »
Les marchés privés s’adressaient initialement aux particuliers fortunés et aux investisseurs institutionnels. Leur accès à la clientèle privée a été progressivement facilité, notamment à l’aide de nouvelles réglementations comme celles qui sont appliquées aux fonds ELTIF depuis le début de cette année – on parle de fonds ELTIF 2.0 pour ce nouveau format -. Actuellement, l’allocation la plus élevée sur les marchés privés est celle du Yale University Endowment avec 75 %. Il s’élève à 35 % pour les family offices et à moins de 5 % pour les investisseurs privés. L’allocation atteint 30 à 50% avec Bedrock Group, selon Neil Benjelloun Senior Vice President de ce multi-family office basé à Londres, Genève et Monaco, spécialisé dans la sélection de fonds de private equity ainsi que dans les co-investissements ou directs immobiliers. domaine. « L’essentiel est d’adopter une approche disciplinée et méthodique et d’investir régulièrement dans cette classe d’actifs », précise-t-il.
Les défis à relever
Toutefois, les marchés privés ne font pas l’unanimité. «Notre allocation atteint 2 à 3%», précise Kim Muller, CIO du gestionnaire de fortune Pleion, à Genève. Sa retenue est alimentée par les contraintes de liquidité de cette classe d’actifs. La gestion des flux de trésorerie et le processus d’investissement sont en effet exigeants et complexes. Sur les marchés privés, le processus d’investissement est long. Il faut d’abord faire preuve d’une grande discipline», insiste François Mollat du Jourdin. Plusieurs années sont nécessaires pour déployer le capital.
C’est parfois un problème générationnel. Un entrepreneur qui prend sa retraite et vend son entreprise est plus sensible au profil particulier du private equity qu’un investisseur privé en début de carrière. Avec Pleion, l’investissement dans ces instruments résulte de demandes spécifiques des clients. En revanche, chez Bedrock, l’allocation aux marchés privés est alimentée à la fois par les exigences de l’investisseur et par les conseils des gérants. « Nous sommes proactifs sur ce sujet et en même temps attentifs aux besoins des clients », explique Neil Benjelloun.
« Les actifs sous gestion dépassent 10 000 milliards de dollars, ce qui correspond à environ 10 % de la capitalisation boursière mondiale. »
Alors que beaucoup mettent en place de multiples initiatives et de nouveaux produits dans cette classe d’actifs, Pleion ne la met pas en avant dans sa stratégie marketing, indique Kim Muller : « Nous nous tenons au courant des derniers développements ». L’accès est devenu plus facile et le nombre de clients éligibles a augmenté, mais ce sont des instruments qui doivent répondre au profil de risque et aux besoins des clients. Un effort pédagogique est nécessaire, notamment pour expliquer l’illiquidité de ces marchés, note François Mollat du Jourdin.
Aux côtés des facteurs de rendement et de risque, la liquidité est un critère majeur à prendre en compte. «Tous les clients ne sont pas prêts à accepter le manque de liquidité de ces instruments», dit-il. François Mollat du Jourdin exprime clairement sa retenue face au processus de démocratisation actuellement en cours. « L’hyper retailisation », c’est-à-dire une démocratisation exagérée, risque de se retourner contre cette industrie. Il plaide en faveur d’une approche rappelant la gestion ALM (gestion actif/passif) des fonds de pension, afin de bien maîtriser les enjeux de liquidité. Kim Muller s’inquiète également des risques d’une trop grande démocratisation.
La réticence d’un investisseur devrait par exemple l’amener à privilégier certaines catégories de marché. La dette privée permet de générer des flux, contrairement au private equity. Évidemment, la gamme d’instruments est extrêmement large.
La tarification est un autre défi. L’investisseur doit connaître tous les frais des instruments dans lesquels il investit. Toutefois, la rémunération exigée par certains managers (commission de gestion et de performance) est parfois assez élevée. Si l’on ajoute une commission de performance de 20% à une commission de gestion de 1,5%, le risque total s’élève à 4,5 à 5%.
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