Face à la crise budgétaire actuelle et aux efforts demandés aux collectivités locales, certains élus locaux réclament le rétablissement de la taxe d’habitation, mais sous une forme un peu différente.
Rarement un projet de loi de finances aura autant déchaîné les passions et déchaîné les imaginations. Face au déséquilibre budgétaire chronique de la France, le Gouvernement et les parlementaires rivalisent pour trouver des moyens d’économiser de l’argent ou de nouvelles sources de revenus. Et en la matière, la fiscalité constitue un terrain particulièrement fertile, puisque les propositions de nouvelles taxes émanent de tous les bords de l’échiquier politique. Le dernier en date ? Celle du maire de Meaux, l’indescriptible Jean-François Copé, qui ne demande ni plus ni moins que le rétablissement de la taxe d’habitation, sous la forme d’un nouvel impôt local unique.
Pour rappel, la taxe d’habitation sur les résidences principales a été progressivement supprimée pour tous les contribuables à partir de 2018, avant de disparaître totalement en 2023 (elle reste toutefois maintenue pour les résidences secondaires). Cet impôt local était perçu au profit des communes et constituait près de la moitié de leurs ressources fiscales. Pour compenser la perte de revenus occasionnée par sa suppression, la part départementale de la taxe foncière a donc été transférée aux communes, les départements récupérant une fraction du produit de la TVA. Un jeu de chaises musicales à somme nulle pour les communautés, du moins en théorie.
En effet, la part départementale de la taxe foncière était rarement égale aux recettes de la taxe d’habitation perçues auparavant. Lorsqu’elle était plus élevée, les communes recevaient donc une surcompensation et, à défaut, une sous-compensation. Pour atténuer ces effets secondaires, l’État a alors mis en place un mécanisme d’ajustement, officiellement appelé Coefficient Correctif et affectueusement surnommé le « CoCo » dans les documents de l’administration fiscale – ça ne s’invente pas ! Ce système réduit ou augmente donc les recettes de la taxe foncière, afin de garantir aux communes une compensation « à l’euro près » des recettes de la taxe d’habitation.
Ainsi, on pourrait croire que tout va bien dans le meilleur des mondes possibles et que ces pagailles comptables n’ont eu aucun effet négatif sur les finances des communes. Mais les choses ne sont pas si simples, car la suppression de la taxe d’habitation a eu au moins deux effets plus subtils sur la fiscalité locale. D’une part, cela conduit à une perte d’autonomie financière des collectivités locales, principe inscrit dans la Constitution. Le Coefficient de Correction étant une compensation versée par l’Etat, ses modalités de calcul sont à la discrétion du Gouvernement, qui peut donc décider unilatéralement de les modifier afin de réaliser des économies en période de crise budgétaire. C’est exactement la situation actuelle en France.
En revanche, la disparition de la taxe d’habitation a rompu le « lien fiscal » entre les communes et certains citoyens. En effet, le principal impôt direct local qui subsiste est désormais la taxe foncière, qui est payée uniquement par les propriétaires et non par les locataires. En réalité, les choses sont plus complexes, car si la taxe foncière ne peut être refacturée au locataire, contrairement à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, un propriétaire avisé fixe évidemment son loyer de manière à générer de la rentabilité, et comprend donc le montant des taxes dans son calcul. En fin de compte, c’est donc le locataire qui paie, indirectement, la taxe foncière relative à son logement.
C’est néanmoins sur cet argument d’équité fiscale que repose la proposition de Jean-François Copé de réintroduire une fiscalité locale qui s’appliquerait à tous les habitants, propriétaires comme locataires. Si le maire de Meaux ne plaide pas pour le rétablissement de la taxe d’habitation en tant que telle, il avance l’idée de supprimer l’actuelle taxe foncière et de la remplacer par un nouvel impôt local unique, la « taxe d’habitation ». Ce prélèvement unifié permettrait, selon l’intéressé, de rétablir l’égalité des citoyens face à la fiscalité locale, tout en garantissant des revenus maîtrisés aux collectivités. Si l’idée n’est pas inintéressante (et pas entièrement nouvelle), elle a peu de chances d’aboutir d’ici 2025.
Tout d’abord, le Gouvernement y est particulièrement hostile, la suppression de la taxe d’habitation étant l’un des héritages forts du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Y revenir, même sous la forme déguisée d’une « taxe d’habitation », semblerait être un terrible revirement. Mais surtout, une telle évolution de la fiscalité locale nécessiterait un travail d’études titanesque en amont, et une profonde réorganisation des services fiscaux en aval.
Un chantier colossal, impossible à mener à bien d’ici le vote du budget 2025, prévu fin novembre. En revanche, la ministre du Partenariat territorial et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, ne ferme pas totalement la porte à cette idée, et laisse entendre que les réflexions sur ce sujet débuteront au début de l’année prochaine. À suivre.
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