Région franco-suisse –
Assurance chômage : les frontaliers connaîtront leur sort cette semaine
Les négociations entre partenaires sociaux pour trouver des économies significatives pour l’Unédic doivent s’achever jeudi ou vendredi. C’est le montant de l’allocation des frontaliers qui est en jeu.
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- La France, dans une situation financière critique, doit réduire drastiquement ses dépenses.
- Le gouvernement demande aux employeurs et aux syndicats de réaliser d’importantes économies sur l’assurance-chômage.
- L’un des moyens d’économiser de l’argent consiste à réduire le montant des prestations coûteuses versées aux travailleurs frontaliers en cas de perte d’emploi.
- Les syndicats suisses s’engagent en faveur des travailleurs frontaliers.
Ce week-end sera crucial pour les frontaliers résidant en France et travaillant dans les pays limitrophes de la France, dont la Suisse. L’avenir de leur assurance chômage est actuellement en discussion entre les partenaires sociaux.
Les plus de 445 000 frontaliers en France (tous pays d’emploi voisins confondus, en 2020, derniers chiffres disponibles) sont directement concernés. Parmi eux, près de 231’500 travaillent en Suissene le faites pas plus de 112’000 dans le canton de Genève et près de 44’700 dans le canton de Vaud (statistiques du troisième trimestre 2024).
La situation est défavorable aux travailleurs frontaliers. La France se trouve dans une situation financière périlleuse : le déficit public se creuse et la dette augmente. L’État doit réduire drastiquement ses dépenses.
400 millions d’économies
A la demande du gouvernement Barnier, patronat et syndicats ont ouvert des négociations pour trouver des pistes d’économies sur l’assurance chômage. Le ministère du Travail leur demande de trouver 400 milliards d’euros d’économies supplémentaires par an à partir de 2025 (par rapport à l’accord conclu en novembre 2023).
Les négociations ont déjà commencé. Elles doivent se terminer demain, jeudi ou vendredi au plus tard. Le nouvel accord d’assurance chômage doit remplacer les règles d’indemnisation actuelles à compter du 1er janvier 2025.
Lors de l’avant-dernière ronde de négociations, vendredi dernier, les travailleurs du spectacle ont été écartés du champ des discussions. Dans un premier temps, les employeurs voulaient durcir les conditions d’affiliation pour cette catégorie de travailleurs. Le projet a suscité un tollé parmi les acteurs concernés et leurs syndicats. Les représentants patronaux ont alors immédiatement retiré leur proposition lors de la réunion.
Les frontaliers visés
Les seniors, mais aussi les frontaliers, sont désormais dans le collimateur. Ces dernières pèsent lourd dans les caisses duUnédic. Et pour cause.
Selon le Règles européennes en la matièreLes travailleurs frontaliers européens cotisent dans le pays dans lequel ils travaillent. Mais en cas de perte d’emploi, c’est leur pays de résidence qui verse leurs allocations de chômage.
Un système de compensation financière existe entre les Etats. Celui-ci prévoit que l’ancien pays d’emploi verse entre trois et cinq mois d’allocations de chômage au pays de résidence. Mais les sommes perçues par le second peuvent s’avérer insuffisantes selon les circonstances. C’est le cas en France pour l’Unédic.
Des chômeurs très chers
Le nombre de frontaliers au chômage en France est en augmentation. Leur durée d’indemnisation est plus longue que celle des autres bénéficiaires. Et le montant de leurs allocations est également plus élevé, celle-ci étant calculée sur la base de leurs derniers salaires perçus à l’étranger, généralement plus élevés qu’en France, typiquement pour ceux qui ont travaillé en Suisse par exemple. Ces chômeurs coûtent donc très cher à l’Unédic.
Dans un récent rapportl’association chargée de gérer l’assurance chômage calcule qu’en 2023, elle a versé 1 milliard d’euros d’indemnisation aux 77.000 chômeurs frontaliers auparavant actifs dans les quatre principaux pays d’emploi voisins que sont la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. Mais elle n’en a reçu que 200 millions d’euros de remboursement.
Résultats : le surcoût atteint 803 millions d’euros en 2023. En cumulé entre 2011 et 2023, le déficit s’élève à 9 milliards d’euros (voir ci-dessus).
Le spectre d’un coefficient
Pour la France, deux options se présentent. La première consiste à renégocier la réglementation européenne actuelle en la matière avec d’autres Etats. L’objectif serait d’obtenir des pays d’emploi des frontaliers qu’ils augmentent la durée, et donc les montants, des allocations de chômage qu’ils versent aux pays de résidence, en l’occurrence la France.
Problème : cela risque d’être long, compliqué et surtout aléatoire. On voit mal les pays d’emploi accepter de mettre davantage la main au porte-monnaie, tant les sommes en jeu pourraient être si importantes pour eux.
Deuxième option : une solution interne franco-française, qui a l’avantage de ne pas avoir à convaincre les partenaires européens, consiste à modifier le calcul du montant des allocations chômage pour les seuls frontaliers.
Les syndicats divisés
Les employeurs proposent donc d’appliquer un coefficient réducteur pour tenir compte de la différence de niveau de vie entre le pays d’emploi du frontalier au chômage et la France. L’idée a déjà été suggérée par certains économistes.
La proposition n’est pas acceptée par tous les syndicats de travailleurs. Ils sont en fait divisés entre eux sur la question.
Le syndicat des cadres CFE-CGC, qui reconnaît le problème posé par le poids particulier des frontaliers, accepte le principe d’un coefficient.
Pragmatique, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) considère que faire des économies sur les indemnisations des frontaliers est « la moins pire des réponses » à la volonté du gouvernement de faire des économies.
Unia et SGB USS impliqués
A l’inverse, la Confédération générale du travail (CGT), dans un communiqué commun avec l’OGBL luxembourgeois et les syndicats suisses Unia et SGB USSs’oppose à « la réduction des droits » des travailleurs frontaliers qui « ont cotisé ou payé des impôts ». Elle estime que ce n’est pas à ces travailleurs de payer l’indemnisation insuffisante de l’Unédic par la Suisse, notamment. Les centres calculent qu’avec un système de coefficients, «l’indemnité journalière moyenne pourrait baisser de 48% pour une personne ayant travaillé en Suisse», par exemple.
Force ouvrière (FO) dit également non au coefficient. Elle plaide pour « l’égalité républicaine » entre les citoyens.
Quant à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), elle craint l’ouverture d’une boîte de Pandore. Elle demande qu’une telle mesure, si elle est adoptée, n’ait qu’un « caractère exceptionnel ».
Le dernier cycle de négociations entre partenaires sociaux a lieu ce jeudi.
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Fabrice Breithaupt est journaliste et secrétaire de rédaction. Il s’occupe des questions transfrontalières franco-suisse, mais aussi de l’immobilier, de l’emploi et de la formation. Il est journaliste de relations publiques depuis 1995 (radio, puis presse écrite).Plus d’informations
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