Qui est responsable du dérapage des finances publiques ? C’est la question à laquelle tenteront de répondre les membres de la commission sénatoriale des Finances qui ont lancé une mission d’information, avec une série d’auditions d’anciens ministres. Elles ont commencé jeudi 7 novembre avec Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie pendant sept ans, qui a quitté Bercy le 21 septembre, laissant derrière lui un déficit public bien plus grave qu’annoncé. En 2024, le déficit de l’Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale devait initialement baisser à 4,4% du produit intérieur brut (PIB). Il risque effectivement d’atteindre 6,1% du PIB. Cela représente un écart équivalent à plus de 50 milliards d’euros. Alors que s’est-il passé ?
Devant les sénateurs, Bruno Le Maire a réfuté toute dissimulation, ni « volonté de tromperie » sur les comptes publics. Il y a eu “une grave erreur technique dans l’évaluation des recettes dont nous payons le prix”, a affirmé l’ancien patron de Bercy, assurant avoir été alerté, dès qu’il en a eu connaissance, proposé et procédé aux corrections nécessaires : gel et suppression de crédits, augmentation des tarifs de l’électricité, etc… Mais lorsqu’il réclame au printemps un budget collectif, à savoir une loi rectificative, pour 15 milliards d’euros d’économies supplémentaires, il se heurte au refus d’Emmanuel Macron et de Gabriel Attal. L’ancien ministre de l’Économie l’a également accusé. Le Premier ministre, Michel Barnier, pour n’avoir pas pris les décisions qui s’imposaient depuis son arrivée à Matignon « Si toutes les mesures que nous avions préparées avec Thomas Cazenave avaient été mises en œuvre sans tarder (…) elles auraient permis de contenir le déficit. 2024 à 5,5% sans hausse d’impôts», a affirmé Bruno Le Maire.
Auditionné ce vendredi, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal a défendu son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, jugeant “scandaleux” le “procès politique et médiatique” contre lui et saluant son “obsession de sortir la France de la dette”. Il a également affirmé avoir pris des « décisions fortes » lorsqu’il était à Matignon pour endiguer les dérapages budgétaires. Ses déclarations n’ont cependant pas plus convaincu la commission des Finances du Sénat que Bruno Le Maire et Thomas Cazenave. Ainsi Jean-François Husson, le rapporteur général du budget au Sénat, n’a pas adhéré à la version de l’ancien Premier ministre, pointant du doigt une série d’annonces sur de « nouvelles dépenses » pour « l’agriculture », « la santé », sur « l’aide d’urgence à la filière bio », « le paiement du chèque énergie », « sur l’Ukraine »… « C’est complètement du gâchis », dit-il. Quand il y a un écart de 50 milliards en 9 mois, c’est une forme d’indigence et un manque de rigueur dans la tenue de nos comptes.
Les auditions vont se poursuivre au Sénat mais aussi à l’Assemblée nationale où la commission des finances va elle aussi changer, pour un temps, de taille et enquêter pendant plusieurs semaines sur « les causes » de « l’écart » et des « écarts par rapport aux prévisions fiscales et budgétaires ». ». Dans le même temps dans l’hémicycle, les députés poursuivent l’examen du budget 2025, qui prévoit de réduire le déficit public à 5% du PIB, alors que plusieurs feux sont au rouge pour l’économie française et que les mauvaises nouvelles se multiplient sur le front de l’emploi. . Ainsi les groupes Auchan et Michelin viennent tous deux d’annoncer des plans sociaux particulièrement importants. Le géant français du pneumatique a en effet informé ses salariés de la fermeture avant 2026 de ses sites de Cholet et Vannes (Morbihan), qui comptent au total 1.254 salariés. Quant à Auchan, pas moins de 2.400 emplois sont menacés, alors que début 2024, le groupe parlait de racheter plusieurs dizaines de magasins Casino. Parallèlement, le Conseil national des administrateurs judiciaires et agents judiciaires indique que « le volume des défaillances devrait probablement atteindre le seuil de 65 000 entreprises à fin 2024, ce qui représente un pic significatif ». 150 000 emplois seraient menacés à court et moyen terme, notamment dans les secteurs de l’habitat et de l’industrie.
Dans ce climat économique, certains parviennent néanmoins à tirer leur épingle du jeu. C’est notamment le cas de l’entreprise « La Brosserie Française » qui produit des brosses à dents. Située à Beauvais, dans l’Oise, elle a failli disparaître en 2012, face à la concurrence asiatique. C’est alors qu’un ancien employé décide de reprendre la direction en fabriquant des choses made in France. Reportage ce soir.
Les experts :
– Emmanuel DUTEIL – Editorial Director – La nouvelle usine
– Gaëlle MACKE – Deputy Editorial Director – Défis
– Fanny GUINOCHET – Chroniqueuse économique – France Info et La Tribune
– Brigitte BOUCHER – Journaliste politique à Franceinfo TV
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