La géographie économique des États-Unis est en train de changer. Loin des clichés observés en Europe, des zones de croissance se développent loin des côtes Pacifique et Atlantique. Connaissez-vous Boz-Angeles ou Nash-Vegas, ces villes qui ont le vent en poupe, sans oublier Boise et ses vallée du trésor.
Comme le reste du monde occidental notamment, les États-Unis ont été frappés par une crise de l’inflation et du pouvoir d’achat qui a fortement touché la classe moyenne. Cela s’est traduit par des inégalités sociales relativement croissantes. Cette question a pesé lourd lors de la campagne électorale présidentielle et représentative et les résultats observés dépendent, dans une large mesure, de l’appréciation que chacun porte sur les vertus des candidats des deux camps.
Si la campagne présidentielle oppose un ancien président à un ancien vice-président, laissant penser que rien ne change aux Etats-Unis, la géographie de la croissance de ce vaste pays indique que tel n’est pas le cas et que de nombreux changements sont à l’œuvre. De nouveaux eldorados de l’emploi, de la richesse et de l’innovation sont apparus ces dernières années et s’en sortent aussi bien, voire mieux, que les grandes métropoles emblématiques et connues. La carte économique des États-Unis se réinvente et ne se limite plus à New York, Los Angeles, Chicago, San Francisco et Silicon Valley, mais aussi à Boston, Dallas-Fort Worth, Seattle et Pittsburgh, en termes d’éducation, de haut niveau. tech, informatique, santé et pharmacie ou encore aéronautique. Sans oublier la capitale politique, Washington.
Retour au Far West !
Connaissez-vous « Boz Angeles » ou « Nash-Vegas » ? Ces néologismes symbolisent l’émergence de territoires de croissance qui seront peut-être les nouveaux Detroit, Cleveland, Flint, Akron ou Buffalo, tous venus de la région du nord-est des Etats-Unis autrefois appelée la « ceinture manufacturière » devenue depuis trente ans une la « rust-belt » (« ceinture de rouille »). Cela montre la chute vertigineuse des activités productives liées à la sidérurgie et à la sidérurgie dans la grande région, avec un nombre d’habitants divisé par deux pour certaines grandes villes en seulement deux décennies, notamment Cleveland et Détroit, qui ont déclaré faillite en 2013 avec un une dette cumulée de plus de 18 milliards de dollars !
Mais revenons à Nashville Tennessee, désormais surnommée « Nash-Vegas » en référence à la capitale du jeu Las Vegas (Nevada). Connaissez-vous Wichita, Kansas, surnommée la « Capitale de l’Air » ? Et Charlotte en Caroline du Nord ou encore Phoenix en Arizona et son impressionnante capacité industrielle dans le domaine des semi-conducteurs.
La Vallée du Trésor
On pourrait aussi s’attarder sur la « vallée du trésor » désignant l’agglomération de Boise dans les Rocheuses, avec la plus forte dynamique de l’économie américaine ces 5 dernières années située dans… l’Idaho. Non, vous ne rêvez pas ! et nous pourrions ajouter des villes comme Ogden et Provo dans l’Utah ! L’État de l’Utah, qui depuis une dizaine d’années était classé parmi les dix États les plus dynamiques, occupe même la première place depuis 2016, avec un taux de chômage compris entre 2 % et 3,5 %. De quoi faire rêver n’importe quel gouvernement européen ! Certains secteurs d’activité comme la santé ou les services manquent cruellement de main d’œuvre.
Ces territoires, quasiment méconnus du grand public, surfent pourtant sur la vague de la croissance économique et démographique. Ils constituent un nouvel eldorado pour les investisseurs et les populations en quête de nouveaux espaces et cadres de vie.
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La ruée vers des villes de taille moyenne avec un cadre de vie agréable
Comme ailleurs, la crise du Covid-19 a accéléré le phénomène. L’Idaho, le Colorado et le Montana attirent de nouvelles populations en quête d’un excellent cadre de vie, où l’immobilier était au départ bien plus abordable que sur la côte Ouest. Les villes à taille humaine, dotées de tous les services et proches de la nature, ont découvert une nouvelle recette de croissance et d’attractivité.
Ainsi, Boise dans l’Idaho a vu le nombre d’offres d’emploi doubler depuis 2021 et sa population a augmenté de 24 % ces dix dernières années, atteignant près de 250 000 habitants dans la ville et un taux de chômage de 3,3 %. à l’été 2024.
Pour y parvenir, les pouvoirs publics régionaux et locaux ont réalisé d’importants investissements pour faire connaître la région. Des lois ont été votées concernant les avantages fiscaux et les crédits d’impôt pour l’installation de nouvelles activités, notamment pour les centres de données. Facebook a donc investi dans de nouveaux équipements, tandis que d’autres investissements importants dans les semi-conducteurs ont été réalisés au cours des cinq dernières années, générant des milliers d’emplois.
Les poteaux Charlotte ou Phoenix
Quelle ville des États-Unis citeriez-vous en termes de centre financier et bancaire ? Certainement pas à Charlotte, en Caroline du Nord. Cependant, c’est la deuxième ville derrière New York en termes de banque. Bank of America y a installé son siège « mondial » et emploie près de 15 000 personnes, tout comme Wells Fargo, une banque californienne. Cette ville du « Sud » située à mi-chemin entre la « Grosse Pomme » et Miami, possède un aéroport international – 6e des États-Unis en termes de transport annuel de passagers. Dans cette agglomération qui compte aujourd’hui 2,2 millions d’habitants, le taux de chômage est de 4,9%. A proximité, les courses de Nascar représentent une manne financière de six milliards de dollars chaque année et emploient environ 23 000 personnes.
Dans le même esprit, citons Phoenix (Arizona), qui compte aujourd’hui plus de quatre millions d’habitants dans son aire métropolitaine, les autorités locales ayant mené une politique industrielle volontariste et attractive. Phoenix est devenu en quelques années le nouvel eldorado des semi-conducteurs, où le taïwanais TSMC a investi quarante milliards de dollars avec 4 500 postes de travail. Plus au sud de la ville, l’américain Intel a dépensé vingt milliards avec l’objectif de créer 3 000 emplois. Là encore, on observe que les grands groupes industriels – y compris les nouvelles technologies – manifestent une volonté de s’implanter dans les régions plus centrales des États-Unis plutôt que dans les grands centres économiques de la côte ouest et est. En Arizona, au Colorado et au Tennessee, de nombreux programmes de formation ont été mis en place pour aider et accompagner les entreprises dans la recherche des milliers de travailleurs qualifiés dont elles ont besoin pour assurer leurs objectifs de production.
Des reconversions réussies
Il faut sans doute relativiser le déclin économique de la grande région industrielle et traditionnelle du nord-est des Etats-Unis, notamment parce qu’à Pittsburgh, Détroit ou encore Cleveland de nombreux sièges sociaux de groupes internationaux sont encore présents. Par ailleurs, les activités manufacturières sont loin d’être obsolètes et d’avoir disparu.
Des connexions et des échanges importants s’établissent entre ces États de la « rust-belt » avec ceux du Midwest situés à proximité et travaillant dans le domaine de l’agroalimentaire, de l’agriculture et des transports, nécessitant la fourniture d’équipements, d’engins et de machines encore produits au Nord. -Est.
Outre Pittsburgh, grande agglomération, ancienne capitale de l’acier comme on la surnommait avec près de 90 000 habitants, qui a réussi à se transformer vers les sciences du vivant et les nouvelles technologies, d’autres plus modestes dans l’Ohio et l’Indiana voient leur image redorée. avec des politiques publiques axées sur l’attractivité et le renouvellement de leurs centres-villes. À Evansville, par exemple, les nouveaux résidents reçoivent une allocation de bienvenue de quelques milliers de dollars pour les inciter à s’installer.
Déjà une crise du logement !
Mais comme cela arrive toujours très vite aux Etats-Unis, la croissance économique et démographique des dix dernières années dans les territoires peu peuplés de l’ouest et du centre, comme ceux de l’Utah, de l’Idaho, du Montana ou encore du Colorado, ont déjà conduit à des formes de saturation du marché immobilier, alors que les prix de l’immobilier ont augmenté très rapidement… au point que des difficultés pour trouver un logement apparaissent déjà.
L’effet « boomerang » est arrivé très vite et la menace d’un marché immobilier identique à ce que l’on observe sur la côte Pacifique est bien réelle. La pression est très forte à Bozeman dans le Montana (« Boz Angeles) où la proximité du parc de Yellowstone a fait fortement grimper les prix des propriétés tombées aux mains des riches de New York ou de la Silicon Valley. La crise du logement et de l’immobilier est un point très sensible partout aux Etats-Unis et les petites et moyennes villes ne sont pas épargnées. Ce sera un thème au cœur de la campagne et des élections.
La vision d’une économie américaine portée uniquement par de grandes métropoles de renommée mondiale est de moins en moins fondée. De nouvelles dynamiques de croissance polycentriques s’opèrent depuis près d’une décennie dans des territoires émergents ou peu cités. L’essor et la croissance de ces nouveaux eldorados témoignent d’une géographie économique des États-Unis plus complexe, dans laquelle les entreprises développent des stratégies de mise en réseau de leurs activités, non seulement à l’international, mais aussi et surtout au cœur des régions et territoires nord-américains.
Comment ses territoires ont-ils « parlé » aux candidats à la présidentielle, et inversement, comment les discours et paroles des candidats ont-ils « parlé » à ces régions et territoires porteurs d’une nouvelle croissance et d’une nouvelle prospérité américaine ?
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