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Saint-Thomas | Un projet de décharge contesté

6 mai 2024. Le seul citoyen présent à l’assemblée du conseil municipal de Saint-Thomas demande au maire André Champagne si la petite municipalité de 3 500 âmes négocie avec Dépôt Rive-Nord (DRN) – propriété d’EBI – afin qu’elle puisse agrandir son site d’enfouissement. .

Après avoir refusé de répondre, le maire avoue finalement en être à ses « premières discussions » avec l’entreprise : « Pour le moment, nous n’en sommes qu’aux prémices. » Rien n’est conclu ? « Non, loin de là », répond-il.

Pourtant, cinq minutes après le départ du citoyen, le conseil municipal a approuvé une entente de principe signée en mars avec EBI dans laquelle Saint-Thomas s’engageait à « favoriser » l’agrandissement de la décharge avec les autorités environnementales et agricoles. En échange, l’entreprise lui versera des sommes qui totaliseront plus de 1,8 million $ si le projet avance à partir de 2032, dont une tranche de 250 000 $ dès la signature de l’accord.

En entrevue avec La Presse, le maire André Champagne déclare avoir agi en « toute transparence ». « On n’avait pas à aller en consultation publique », dit-il, soutenant que l’agrandissement n’est qu’une poursuite des activités d’enfouissement actuelles de Dépôt Rive-Nord, qu’il présente comme un « excellent citoyen corporatif ». Concernant les citoyens qui se mobilisent depuis quelques semaines pour faire entendre leurs craintes, il répond : « C’est toujours le même petit groupe qui se plaint. »

Son de cloche similaire de la part de Maurice Marchand, conseiller municipal du district où l’agrandissement est projeté. « On a pesé le pour et les contre, et il y a des avantages économiques. » Consulter les citoyens aurait retardé le projet, ajoute-t-il. « Ça repousserait tout ça jusque dans les années 2040. »

Projet d’enfouissement en milieux sensibles

L’agrandissement du lieu d’enfouissement que gère Dépôt Rive-Nord est projeté sur une terre agricole cultivée de 87 hectares – l’équivalent de 195 terrains de football – où se trouvent boisés et milieux humides. C’est à quelques dizaines de mètres d’habitations et à un jet de pierre de la tourbière de Lanoraie que cette entreprise appartenant à EBI projette d’enfouir des millions de tonnes métriques supplémentaires de déchets, dont près de 50 % provient de la Communauté métropolitaine de Montréal.

La Presse s’est entretenue avec une quinzaine de citoyens qui seront touchés par l’agrandissement. Tous déplorent ne pas avoir été informés d’un tel projet d’envergure qui aura un impact sur leur qualité de vie. « On n’est pas 100 % contre l’agrandissement. C’est plus le processus qui a mené à ces ententes qui nous dérange. Ç’a été fait sans discussion, sans consultation, sans même qu’on soit informés », résume la citoyenne Marilyn Farly.

Il est maintenant demandé aux citoyens de faire une confiance aveugle aux démarches de l’entreprise, estime-t-elle. « Une consultation permettrait de prendre en considération ceux qui habitent autour et d’apporter des modifications. Mais là, avec ces ententes, on a l’impression que les dés sont joués d’avance. »

Écartés des discussions, les citoyens n’ont pas pu obtenir les réponses à leurs questions et préoccupations, indique Mme Farly. Y a-t-il des mesures particulières pour réduire les odeurs ? Au fil des ans, comment peut-on déceler si des contaminants s’écoulent vers la tourbière de Lanoraie, poumon hydrique de la région, également située à quelques mètres ?

Des préoccupations que partage la division régionale de l’Union des producteurs agricoles (UPA). Dans un avis envoyé à la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), le syndicat agricole affirme que le site sélectionné est loin d’être celui « de moindre impact », aussi bien sur le plan agricole qu’hydrique.

Extrait de l’avis de l’UPA à la CPTAQ (13 septembre 2024) 

L’agrandissement « aura un impact négatif sur la ressource sol […] tout comme cela pourrait avoir un impact négatif sur les ressources en eau. […] Que se passera-t-il si le DRN échoue alors que le sens d’écoulement des eaux souterraines pointe en partie vers la tourbière, et sachant que certaines entreprises agricoles s’approvisionnent à partir de bassins d’irrigation collectés directement dans la tourbière ? »

Une pétition a été déposée auprès du conseil municipal. Les citoyens ont demandé « de faire part à la MRC de notre refus des changements de zonage » nécessaires à l’agrandissement. La MRC de Joliette entend adopter le changement qui fera passer le zonage de ce terrain de agricole à industriel lors d’une séance extraordinaire le 13 novembre en après-midi.

«Nous aimerions avoir la preuve que nous nous dirigeons vers des changements durables et que nous ne devenons pas le dépotoir du Québec sans aucun droit de révision», affirme M.moi Farly.

Le « droit de regard » est un mécanisme inclus dans le Loi sur la qualité de l’environnement. Il permet à une MRC de contrôler l’origine et la quantité des déchets éliminés sur son territoire. Toutefois, dans une entente que la MRC de Joliette a signée avec EBI à ​​l’automne 2023 et qui La presse obtenue, elle a renoncé au « droit de regard » pour la durée des activités qui se dérouleront sur le site projeté, soit 25 ans.

Ce mécanisme avait toutefois été intégré quelques mois plus tôt dans une version de sa politique sur la gestion des matières résiduelles. Il a été démis de ses fonctions suite à des communications avec EBI. Dans une lettre envoyée à la MRC en février 2023 et obtenue par La pressele président d’EBI, Pierre Sylvestre, a demandé le retrait de ce droit d’inspection : « En plus de compromettre la pérennité de notre entreprise, un tel droit d’inspection aurait des répercussions majeures, susceptibles de provoquer une crise sanitaire, tant localement qu’à l’échelle nationale. Québec. »

«Nous avons fait tout ce qu’il fallait pour aviser les gens de tenir une soirée de consultation», a déclaré le préfet de la MRC et maire de Joliette, Pierre-Luc Bellerose, en entrevue avec La presse.

Il assure comprendre les inquiétudes des citoyens : « Personne ne veut d’une décharge à proximité. J’ai demandé à différents intervenants, dont l’UPA : « Avez-vous d’autres alternatives ? Nous étions ouverts. Nous avons fait le tour de ce qui se trouvait à proximité. J’attends toujours, il n’y a pas encore d’offres. »

Il y a des propositions, assure Charles Bergeron, directeur du service de l’Urbanisme et de l’Environnement de la division régionale de l’UPA. Dans les documents et cartes qu’il a soumis à la CPTAQ – qui sont de facto transmis à la MRC et à l’entreprise – le syndicat demande d’envisager un agrandissement sur d’autres terrains d’EBI, voisins du site, qui ne sont ni cultivés ni en zone agricole. « Il y a près de 260 ha de terrain potentiellement disponibles », peut-on lire dans l’avis.

 
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