Y a-t-il une différence entre payer sa cotisation au palais de justice, à la poste, au spa ou chez le dentiste ? Pour la CIBC, oui. Et cette différence coûte 5 $ à ses clients, en plus de quelques intérêts.
Publié à 1h38
Mis à jour à 6h30
FS AV ESP/VIR SOL/CHQ PR/VERS : Lorsque ce code apparaît sur un relevé de carte de crédit CIBC, cela signifie qu’une avance de fonds a été effectuée.
Une femme que j’appellerai Nicole parce qu’elle ne veut pas être identifiée par sa banque est tombée sur ce charabia alors qu’elle n’avait pas retiré d’argent avec sa carte. Elle a donc appelé la CIBC pour comprendre.
Surprendre ! On lui a indiqué que l’avance de fonds était associée à une transaction conclue au palais de justice de Longueuil. La femme avait effectivement ouvert un dossier à la Division des petites créances de la Cour du Québec.
« Généralement, les opérations réalisées par l’État sont des avances de fonds. Et toutes les avances de fonds entraînent des frais ainsi que des intérêts, lui a dit un représentant de la CIBC au téléphone. Le palais de justice traite les transactions comme des avances de fonds. »
Nicole a eu la bonne idée d’enregistrer la conversation. Si je ne l’avais pas écoutée, je n’aurais probablement pas cru à cette affaire déconcertante.
Le représentant de la banque ajoute même que c’est « le commerçant qui décide » si un paiement est une avance de fonds ou un achat. Il suggère ensuite que le gouvernement du Québec a quelque chose à voir dans cette histoire : « Toutes les transactions à la SAAQ sont des avances de fonds. »
Ce n’est pas la première fois que les frais de la CIBC suscitent l’étonnement. En mars, un reportage de l’émission La facture1 a révélé que cette banque considérait l’achat de certaines cartes cadeaux comme une avance de fonds. Il est toutefois interdit de facturer des frais qui ne sont pas prévus à votre contrat, et le contrat CIBC ne dit rien sur les cartes cadeaux. La CIBC a depuis mis fin à cette pratique.
1. Consulter le reportage de l’émission La facture
Mais il est clair que d’autres transactions qui ne constituent pas des retraits d’espèces continuent de générer des frais et des intérêts inattendus pour ses clients.
Il est important ici de savoir que les intérêts sur les avances de fonds sont généralement plus élevés et qu’ils commencent à s’accumuler à la seconde où l’argent est retiré, car il n’y a pas de délai de grâce comme c’est le cas pour les achats. De plus, chez CIBC, des frais fixes de 5 $ par transaction sont facturés. Pour ces trois raisons, mieux vaut donc éviter ce type de prêt très onéreux.
Mais encore faut-il savoir ce qui constitue ou non une avance de fonds. Dans son contrat, la CIBC donne trois exemples : les jeux de hasard et de loteries, les transferts de fonds et les achats de titres négociables comme les chèques de voyage ou les mandats.
Dans quelle catégorie appartiennent les paiements des palais de justice ? Le service communication de la banque ne me l’a pas dit, mais confirme la version du service client. « Un paiement au tribunal est une avance de fonds », écrit le porte-parole Josh Burleton.
Cette réponse laisse perplexe l’avocate Claudia Bérubé, spécialiste en droit de la consommation et chargée de cours à l’Université de Sherbrooke. « Honnêtement, leur raisonnement est discutable. C’est vraiment surprenant. » Sa collègue Sylvie De Bellefeuille, avocate chez Option consommateurs, ne comprend pas non plus l’interprétation de la banque. «C’est un peu étrange. »
Cette histoire est d’autant plus surprenante que Desjardins ne voit pas comment une facture produite par un palais de justice serait traitée de façon particulière. La coopérative m’a également confirmé que les commerçants n’ont pas le pouvoir discrétionnaire de décider si un paiement est considéré ou non comme une avance de fonds.
Selon la Banque Nationale, le réseau Mastercard « donne une ligne directrice » à ce sujet. «En tant qu’émetteur de cartes, nous avons le droit de procéder à des ajustements, mais ce n’est pas une pratique répandue à la Banque Nationale», indique un porte-parole, précisant qu’au palais de justice, un paiement est considéré comme un achat.
Du côté de BMO, qui émet à la fois les cartes Mastercard et Visa, on affirme au contraire que la Cour municipale a toute liberté pour décider de la manière dont elle traite les paiements, car « le commerçant code la transaction ».
Par contre, dans le cas de Loto-Québec, les clients savent à quoi s’attendre. S’ils déposent 20 $ dans leur compte, la CIBC ajoutera des frais de 5 $. Afin de limiter les plaintes et les mauvaises surprises, la société d’État écrit clairement sur son site Internet que certaines banques facturent des frais, sans les nommer.
À la SAAQ, on ne comprend pas vraiment pourquoi la CIBC a dit à Nicole qu’un paiement était considéré comme une avance de fonds, puisque les cartes de crédit ne sont pas acceptées. Ni en ligne, ni dans les centres de service, ni chez les agents.
De son côté, le ministère de la Justice a répondu à mes questions de la façon suivante : « La CIBC facture des frais d’avance de fonds parce que le code de catégorisation des transactions est considéré comme tel. La CIBC a demandé au ministère de la Justice du Québec de diriger les clients vers son service des plaintes afin que celui-ci puisse traiter chacun des cas problématiques. » Nous ne comprenons pas l’origine ni la justification du code de catégorisation, mais nous savons que la banque attend des plaintes.
Lorsque l’histoire des frais liés aux cartes-cadeaux a fait la une des médias, la CIBC était « ferme sur son raisonnement », se souvient M.e Claudia Bérubé, avant de changer de ton. Le même scénario se reproduira-t-il ? Les paris sont ouverts.
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