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Laine du Québec | Une industrie qui veut se remettre sur les rails

Les producteurs de moutons du Québec sont généralement obligés de jeter la laine de leurs animaux, par méchanceté. Parce qu’il n’y a rien de mieux à faire avec cette laine âcre, odorante et sale, un sous-produit de l’agneau que nous mangeons ou de la brebis que nous traitons pour en faire un fabuleux fromage.


Publié à 1h25

Mis à jour à 5h00

«Bien sûr que les producteurs aimeraient que cela soit utile», affirme Marion Dallaire, directrice générale des Producteurs ovins du Québec, qui représente 937 éleveurs de la province. Mais actuellement, vendre de la laine à des fins commerciales n’est tout simplement pas rentable, précise le représentant des éleveurs. Pour qu’elle soit utilisée à grande échelle, il faudrait que la laine soit traitée. Ce qui est compliqué et coûteux.

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PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

La filature Duray, à Princeville, produit 1,2 million de paires de chaussettes par an.

Mais les choses pourraient changer.

Un groupe s’emploie à renouer les liens de la filière laine, dissipée par les délocalisations, comme toute l’industrie textile ici. Ce qui a entraîné une perte de savoir-faire. Et à une perte d’intérêt pour une partie des gens pour ce secteur autrefois dynamique.

« Il va falloir commencer par construire une communauté autour de la production locale. Parce qu’elle a disparu», explique Yan Raymond, président de Duray, une usine de laine à Princeville, près de Victoriaville. Il existait autrefois une industrie lainière dynamique au Québec.

Des millions de chaussettes

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    Duray utilise de la laine importée, en grande partie de Nouvelle-Zélande, d’une grande puissance laineuse. La matière première arrive en balles, déjà transformées. L’entreprise d’une quarantaine de salariés fait tout le reste : elle file la laine, la teint, et ses machines performantes la transforment en mitaines et chaussettes.

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    Chaque chaussette est inspectée à la main, tout au bout de la chaîne. L’entreprise produit 1,2 million de paires par an.

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    Le fait que l’industrie lainière soit très demandeuse en main d’œuvre explique sa délocalisation vers la Chine, qui elle-même voit actuellement ses usines de laine disparaître en partie au profit de destinations où la main d’œuvre est moins bien payée. encore une fois, comme au Pakistan, au Vietnam ou en Inde, précise Yan Raymond.

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Malgré les nombreux défis, Duray se lance dans la production de chaussettes fabriquées avec de la laine québécoise.






Si les volumes augmentent, il y aura des économies d’échelle, ce qui est impossible dans une structure artisanale. Les produits industriels locaux seraient un peu plus chers, mais pas le double du prix du même bas de laine néo-zélandais.

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« Pour le moment, ce que nous avons, ce sont des artisans. Nous essayons d’en faire une industrie », explique Yan Raymond, PDG de la filature Duray.

Présentement, quand on parle du Bas Québécois, on est au marché de Noël. Nous souhaitons sortir de là et fidéliser l’acheteur occasionnel.

Yan Raymond, président de Duray

Duray n’est pas seul à participer à la reprise.

Jobair Jaber est devenu malgré lui un spécialiste de l’agneau.

Le fondateur de la marque de vêtements Milo & Dexter s’est intéressé à la bête lorsqu’il a voulu mettre la main sur de la laine canadienne.

«J’étais abasourdi», a-t-il déclaré. Les industriels avec qui il a parlé lui ont pratiquement ri au nez.

L’entrepreneur en a fait une affaire personnelle.

Il se lance dans une véritable quête qui donnera naissance à une gamme de produits Milo & Dexter : The Wool Project.

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Le bonnet Milo & Dexter Wool Project est disponible chez Simons.

Milo & Dexter existe depuis cinq ans. Dès le départ, l’entreprise montréalaise souhaitait travailler avec des matières premières locales et canadiennes.

« Nous avons eu une surprise avec la laine », raconte Jobair Jaber. Les fournisseurs lui ont répondu qu’il n’y avait pas de laine canadienne à usage industriel. Et les vêtements de Milo & Dexter ne sont pas tricotés à la main.

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«La laine est très canadienne, et ce serait dommage de ne pas réparer cette industrie», estime Jobair Jaber.

Jobair Jaber a commencé à visiter les rares usines canadiennes qui transforment encore la laine locale à petite échelle. Il s’est vite rendu compte que la laine était souvent considérée comme un sous-produit indésirable. « Pour moi, dit-il, c’était un exemple d’économie circulaire. »

Milo & Dexter transforme désormais 5 000 livres de laine canadienne par année, notamment avec la filature Lemieux en Beauce, qui transforme la laine québécoise.

«Pour moi, c’est la bonne chose à faire», explique Jobair Jaber. Je serais très heureux que les gens s’approprient ces produits, et c’est pourquoi nous travaillons sur le développement. C’est beaucoup et cela peut prendre du temps, mais je sais maintenant que c’est possible. »

Les ingrédients de la récupération

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« Cela n’a aucun sens. On importe la laine et on jette la nôtre», explique Marie-Ève ​​Faust, professeure à l’École de mode ESG UQAM.

« La laine nous représente. Personne sur la planète ne devrait être plus associé à la laine que nous. »

Marie-Ève ​​Faust est professeure à l’École de mode ESG UQAM. Comme beaucoup de personnes impliquées dans cette histoire, c’est la dévalorisation de notre laine locale qui la motive.

“Cela n’a pas de sens”, a-t-elle déclaré. Nous importons la laine et jetons la nôtre. »

Jeudi prochain, le 7 novembre, une centaine de personnes participeront au premier Bal de la laine au Musée McCord-Stewart. Une opportunité de rassembler les différents maillons de la chaîne. Une des premières étapes de cette relance est de trouver les atouts des toisons québécoises et de bien cibler le message qui accompagnera le produit.

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PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE ARCHIVES

«Plus de 130 000 toisons sont brûlées ou jetées par année au Québec», calcule Marie-Ève ​​Faust, professeure à l’École de mode ESG UQAM, qui est au cœur de la relance de l’industrie lainière. .

« Nous n’en sommes qu’au tout début. Il est temps de définir ce que nous voulons faire de notre laine », explique le professeur. La Nouvelle-Zélande et l’Australie en ont fait une brillante démonstration en promouvant et en commercialisant la laine mérinos, cite-t-elle en exemple.

« Au Québec, nous avons 20 races de moutons », énumère Marie-Ève ​​Faust, qui peut certainement toutes les nommer.

« Les éleveurs n’ont plus de tondeuses et ils n’ont plus personne pour acheter leur laine », ajoute-t-elle.

Jusqu’à tout récemment, plusieurs producteurs québécois vendaient leurs balles de laine pour presque rien à une entreprise ontarienne qui les exportait en Chine par l’intermédiaire d’un courtier.

Quelle est la pire hérésie, explique Jane Underhill du Conseil canadien de la laine. « Nous vendons notre laine en Chine, où elle est transformée, et elle revient ici. »

La Chine dispose d’infrastructures qui permettent d’accepter la laine dans un état déplorable, car elle peut être transformée et pleinement utilisée.

« Quand on voit des pulls fabriqués en Chine, explique Jane Underhill, il s’agit souvent de laine de mauvaise qualité mélangée à de la laine de bonne qualité pour obtenir quelque chose de moyen. » La pandémie a cependant mis un coup de hache à ce réseau de revente et plusieurs producteurs se retrouvent désormais coincés avec leur laine et s’en débarrassent.

Le sujet est tabou, car la plupart des gens s’accordent à dire que cela n’a aucun sens.

Anna Beaudet fait partie des éleveuses du Québec qui valorisent la laine. Il atteignait même l’agneau à travers la laine. Celle qui tricotait avait du mal à mettre la main sur la laine québécoise qui lui plaisait. Elle devait acheter de la laine de Nouvelle-Zélande ou d’Angleterre qui, parfois, avait été teinte au Japon. C’était loin de ses valeurs de consommateur.

Elle a donc créé la Ferme Taïga à Wakefield, en Outaouais, et est maintenant à la tête d’un troupeau de 33 animaux. Et elle le confirme : la rentabilité en production ovine est difficile à obtenir et l’élevage est exigeant.

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PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE ARCHIVES

La rentabilité de la production ovine est difficile à obtenir et l’élevage est exigeant.

«Les producteurs agricoles ont besoin d’être soutenus», estime l’entrepreneur agricole. Selon elle, si une filière lainière devait se regrouper, ce serait bénéfique pour tous ses maillons.

D’autant que certains consommateurs sont avides de produits locaux, également pour leurs vêtements. La laine s’inscrit parfaitement dans cette philosophie de consommation.

« Ici, c’est l’hiver six mois par année », raconte Anna Beaudet. Je veux avoir de la laine pour confectionner des vêtements à porter pendant ces mois froids. »

Apprendre encore plus

  • 176 000
    Nombre de moutons au Québec, deuxième parmi les provinces comptant le plus de moutons, après l’Ontario (274 000) et devant l’Alberta (171 500). Le Manitoba et la Saskatchewan suivent avec environ 80 000 moutons chacun.

    sources : Statistique Canada, Conseil canadien de la laine

 
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