Choc Volkswagen –
En Suisse, 32’000 emplois visés par la crise automobile allemande
La sous-traitance est menacée. Près de huit commandes sur dix proviennent d’Allemagne, rappelle Anja Schulze, directrice de Swiss CAR.
Publié aujourd’hui à 10h33
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- Volkswagen pourrait fermer trois de ses sites de production en Allemagne.
- Les sous-traitants suisses du secteur ont vu leurs ventes chuter de 15% en un an.
- VW, Mercedes-Benz, Audi et BMW figurent en tête de liste des constructeurs avec lesquels l’industrie automobile suisse travaille.
La crise existentielle à laquelle est confronté le secteur automobile en Europe menace désormais d’atteindre son centre névralgique : les chaînes de montage. En commençant par celui du premier de ses bâtisseursle groupe Volkswagen. Les représentants des salariés ont dénoncé lundi le projet de fermeture de trois des dix sites de production de sa marque VW en Allemagne – avec pour conséquence des dizaines de milliers de licenciements. Le premier employeur industriel du pays, qui emploie 300 000 personnes outre-Rhin, a dévoilé mercredi soir un plan de réduction des salaires de 10 %. Sans confirmer les fermetures d’usines.
Ces difficultés laissent présager une pression encore plus forte sur la galaxie des sous-traitants fournissant les 15 000 à 30 000 pièces constituant auparavant un véhicule. “L’impact de la récession en Allemagne et de ces difficultés structurelles est considérable: cet été, les ventes outre-Rhin de nos équipementiers automobiles ont plongé de 15% par rapport à il y a un an”, prévient Jean-Philippe Kohl, directeur adjoint de Swissmem.
Un dixième des 320 000 salariés de l’industrie des machines travaillent pour des entreprises fournissant le secteur automobile. Cela représente plus de 30 000 personnes, soit environ le nombre de collaborateurs de l’UBS en Suisse.
Crise après crise
Engagée dans une électrification forcée de sa gamme – avec des dizaines de milliards d’investissements – la marque au cœur d’un conglomérat allant d’Audi à Skoda se retrouve contrainte de fonctionner en mode « low cost », inévitable auquel ses dirigeants ont tout fait pour échapper. – avec succès – depuis quarante ans.
Aux yeux du directeur du bureau de recherche Schmidt Automotive Research à Berlin, le débat se résume désormais à un seul chiffre : les achats de voitures en Europe. « Chaque année, leur nombre est inférieur de 2 à 3 millions à la normale affichée avant le Covid », précise Matthias Schmidt. Alors que le nombre de chaînes de montage n’a guère diminué.
Usines au sud du Rhin
«Les sous-traitants suisses sont en première ligne», confirme Anja Schulze, directrice du Centre de recherche automobile (CAR) en Suisse. « D’après notre dernière enquête, près de huit dixièmes des commandes partent vers l’Allemagne et cette proportion n’a connu qu’un léger déclin ces dernières années », poursuit ce dernier.
Ce sort à la Nokia si redouté pour VW ne surprend cependant pas les quelque 500 entreprises du secteur. «En quinze ans, les crises en ont chassé les autres – grande récession mondiale de 2008, flambée du franc suisse depuis 2015, Covid, pénurie de composants électroniques en 2021, explosion des factures de gaz et d’électricité provoquée par la guerre en Ukraine en 2022, sans oublier le mouvement tectonique de la voiture électrique… dont les ventes ne sont pas au rendez-vous », énumère le Pr Schulze.
Un secteur impitoyable
Les grands fabricants allemands vont donc exiger des prix encore plus serrés de la part de leurs fournisseurs et ceux qui produisent en Suisse semblent condamnés – ne serait-ce qu’en raison de la handicap du franc suisse. «Rien de nouveau là-dedans», balaye le patron de la RCA suisse. Cette dernière s’est longtemps dite « stupéfaite par la manière dont ces sous-traitants ont continué à fabriquer, en Suisse, des composants destinés non pas à quelques Lamborghini mais à des voitures de milieu de gamme produites en série ».
Le constat le plus surprenant tiré de ses rencontres avec les patrons du secteur ? Les producteurs de pièces pour véhicules classiques essence, diesel ou hybrides – ces pièces pour moteurs et autres boîtes de vitesses, proposées par un bon quart des sous-traitants – n’ont « en aucun cas vu leur activité anéantie et continuent de vendre des volumes importants », révèle Anja Schulze.
Pas encore de vague de faillites
Le rapport sur l’activité du secteur publié il y a six mois (lire ci-dessous) ne montre pas une vague de faillites chez les sous-traitants, comme celle observée en France. « Le nombre d’entreprises impliquées dans l’industrie automobile ne varie pas vraiment et les effectifs du secteur ont dû diminuer de 2 000 personnes en une décennie – environ 10 % de moins alors que les ventes ont… continué d’augmenter », décrit celle qui enseigne également l’innovation. direction à l’ETH Zurich.
Les cartes n’en sont pas moins rebattues. Ainsi, le nombre de fabricants auxquels aboutissent des pièces ou des équipements « Swiss made » a doublé en l’espace de quelques années. “Cela reste une indication – nous n’avons pas le détail des volumes – mais cela montre qu’ils approvisionnent un nombre croissant de nouvelles marques et sous-traitants apparaissant dans la voiture électrique”, souligne le patron de Swiss CAR. Les plus fortes hausses ont été enregistrées chez Tesla, DS Automobiles et Volvo.
Un sous-traitant sur cinq est entièrement dédié à l’automobile
Dans quelles voitures finissent les pièces et composants que vous fabriquez ? Les constructeurs allemands VW, Mercedes-Benz, Audi et BMW arrivent en tête de liste des sous-traitants suisses interrogés dans la dernière enquête auprès de l’industrie automobile suisse réalisée sous la direction d’Anja Schulze de Swiss CAR, en partenariat avec Swissmem. Plus de la moitié des fournisseurs interrogés déclarent livrer à Volkswagen.
La majorité des 5000 entreprises du secteur sont situées entre Rhin et Alpes – une vingtaine seulement étant actives dans le canton de Vaud et six à Genève. Une entreprise sur cinq est entièrement dédiée à l’automobile, et beaucoup fournissent également d’autres secteurs, comme l’horlogerie.
L’enquête montre que plus de 40% de ces PME envisagent d’étendre leurs capacités de production en Suisse au cours des cinq prochaines années. Malgré la pression sur les coûts, le niveau élevé des salaires, la force du franc.
À la sortie de la crise de 2009, qui avait mis à terre des pans entiers du secteur – dans toute l’Europe, et particulièrement autour de Cluses-Bonneville, en Haute-Savoie – « beaucoup de ces entreprises se posaient la question de savoir si, s’il ne fallait pas lâcher prise, du secteur, de loin le plus violent en termes de pression sur les prix», relate Anja Schulze. Et pourtant, plusieurs managers lui ont fait savoir qu’ils avaient alors décidé de rester sur ces productions à faible marge. En raison de l’efficacité qu’elle leur permet d’atteindre dans le reste de leurs activités.
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Pierre-Alexandre Sallier est journaliste à la rubrique Économie depuis 2014. Auparavant, il a travaillé pour Tempsainsi que pour tous les jours La Tribuneà Paris.Plus d’informations
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