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Combien de CO2 une équipe émet-elle ?

Ces dernières années, des mouvements ont émergé, notamment en Europe, pour inciter les voyageurs à limiter leurs déplacements en avion et à privilégier d’autres moyens de transport.


Publié à 1h05

Mis à jour à 6h00

En France, les liaisons internes pour lesquelles il existe un trajet en train de moins de 2 heures 30 minutes sont interdites, une mesure qui a mis fin aux voyages vers Bordeaux, Lyon et Nantes depuis Paris-Orly. L’Espagne étudiait la possibilité de mettre en place une mesure similaire l’hiver dernier. En Autriche, une taxe de 30 euros est prélevée sur tout vol de moins de 350 km.

« Ce type de régulation n’est pas possible ici, à cause de notre réseau ferroviaire », souligne Andréanne Brazeau, analyste à la Fondation David Suzuki. Un TGV entre Toronto et Québec aiderait, tout comme les différents projets ailleurs, par exemple entre Vancouver et Seattle. Mais la culture du train n’est vraiment pas développée ici. Le mouvement est bien plus avancé en Europe.

Le défi dans l’aviation est que les émissions augmentent constamment. C’est une industrie qui devrait croître parce qu’il existe une classe moyenne croissante partout dans le monde. Très peu de gens prennent l’avion, mais l’impact est énorme.

Andréanne Brazeau, analyst at the David Suzuki Foundation

Le calcul

Nous avons donc essayé de mesurer comment les émissions de CO se traduisent en2ces mouvements. On précise « tenté », car en toute transparence, le calcul reste imparfait.

«La majorité du carburant est consommée lors de la montée de l’avion», rappelle Mark Purdon, professeur au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Une fois en altitude, l’avion consomme moins de carburant, mais les chiffres de calcul de la consommation sont standardisés au kilomètre. C’est un calcul difficile. »

Damien Nogué, conseiller en gestion des GES à la Coop Carbone, ajoute qu’il manque des données telles que « la charge utile, incluant le carburant, l’altitude de vol et les conditions météorologiques », ce qui nous prive d’un calcul précis.

De plus, notre calcul ne prend en compte que la saison, pas les séries. Il y aurait aussi un astucieux exercice de calcul pour quantifier les émissions des autocars qui servent de navettes aux équipes une fois arrivées à destination. Généralement, les clubs sont suivis par deux entraîneurs de 56 places pour les joueurs, le personnel de hockey et médical, les relations publiques, les créateurs de contenu et les diffuseurs médiatiques. Ces autocars permettent à tout ce beau monde de voyager entre l’aéroport, l’hôtel, l’amphithéâtre et, si besoin, le terrain d’entraînement.

Résultats variables

Plusieurs modèles de calcul sont disponibles, et proposent de fortes variations.

S’appuyant sur les données fournies par Airbus (le constructeur des A320 qui transportent les équipes canadiennes), le professeur Mark Purdon, de l’UQAM, est arrivé à des émissions de 680 tonnes de CO2 pour la saison 2024-2025 des Canadiens. Mais en utilisant le calculateur de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), on arrive à des émissions de… 52 540 tonnes !

“J’ai davantage confiance dans les chiffres d’Airbus, car l’estimation de l’OACI est très élevée”, note-t-il. J’ai l’impression que le calculateur de l’OACI est adapté aux particuliers et qu’il n’évolue pas de la même manière que les calculs d’Airbus. »

De son côté, Damien Nogué, de Coop Carbone, arrive à 663 tonnes de CO2un chiffre similaire aux 680 tonnes du professeur Mark Purdon. Son autre méthode, basée sur un calcul de passagers-kilomètres, aboutit à un résultat de 296 tonnes. Il estime que cette méthode « sous-estime vraiment les émissions. Les facteurs d’émissions sont établis pour des vols moyens de 150 à 250 passagers avec un taux d’occupation autour de 80%, ce qui ne tient pas la route pour les équipes de NHL, qui forment généralement une délégation d’une cinquantaine de passagers.

Le chiffre de 672 tonnes constitue donc la moyenne des deux résultats les plus proches de nos deux intervenants. En prenant en compte un chargement de 50 passagers, il s’agit donc de 13,44 tonnes par passager. Or, pour donner un ordre de grandeur, un Québécois moyen émet 0,9 tonne de CO2 par année pour son transport, selon l’Institut de la statistique du Québec; ces 13,44 tonnes équivalent donc aux émissions annuelles de 15 habitants. Encore une fois, ce chiffre ne prend pas en compte ce qui est émis par les entraîneurs des équipes.

La LNH n’est évidemment pas seule responsable de ces retransmissions ; le réseau de transport nord-américain, fortement axé sur les routes et les avions, joue également un rôle. Le train est sous-utilisé. Le Tricolore l’utilise uniquement pour se déplacer à Ottawa.

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PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Le Canadien ne prend le train que pour se rendre à Ottawa, pour affronter les Sénateurs.

Si le projet Québec-Windsor réussit, il pourrait devenir une option pour le Canadien lorsqu’il se rendra à Toronto, et cela enverrait un bon signal à la population canadienne. Ils pourraient même en faire une campagne marketing, avec un train VIA Rail aux couleurs de l’équipe.

Mark Purdon, from UQAM

« Il n’en reste pas moins qu’il est facile de dénigrer ce qui se fait ici et de glorifier l’Europe, argumente M. Purdon, mais ces critiques ne sont pas tout à fait légitimes, en raison de la réalité géographique nord-américaine. »

Aux États-Unis, Amtrak dispose d’un réseau ferroviaire relativement efficace dans la grande agglomération allant de Boston à Washington, mais à l’exception des trajets entre New York et Philadelphie, les équipes s’appuient généralement sur l’avion ou l’autocar.

L’achat de crédits carbone – ce que la LNH a fait il y a quelques années lors des séries éliminatoires – suscite des réactions variées de la part de nos parties prenantes. « Pour réduire de moitié ses émissions, il faudrait que le Canadien supprime la moitié de ses matches, ce qui n’a aucun sens », concède Mark Purdon. Les équipes peuvent donc acheter des crédits. Une fois qu’ils le font, cela devient une incitation à réduire, à rationaliser les transports et, par exemple, à prendre le train plus souvent. De manière générale, chaque entreprise devrait viser à réduire ses émissions de 4 % par an. »

« La compensation de vos émissions doit venir en dernier dans une stratégie de neutralité carbone – et non en premier. Il faut d’abord repenser et optimiser nos pratiques, estime Andréanne Brazeau, analyste à la Fondation David Suzuki.

« La pandémie a été un événement exceptionnel qui nous a obligés collectivement à revoir nos activités, poursuit-elle. La réduction du nombre de matches joués était un compromis mis en place et qui, à son tour, a conduit à une réduction significative des émissions de GES liées aux déplacements aériens des équipes sportives. Pourtant, au milieu d’une crise climatique dont l’importance est au moins égale à celle d’une pandémie, il n’y a aucune raison de ne pas continuer dans la même direction. »

On peut toutefois se demander si les joueurs accepteraient une telle réduction, qui s’accompagnerait d’une baisse de leur salaire. Si les propriétaires d’équipes sont prêts à renoncer à une partie de leurs revenus. Si les réseaux de diffusion, constamment à la recherche de contenus en direct, sont prêts à jeter du lest. Tant que les amateurs sont là, la réponse est évidente.

Lire « Calendrier canadien : des tonnes de kilomètres… et du CO2 »

 
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