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Les attentes concernant la baisse des taux directeurs sont exagérées

Pour François Collet de DNCA Investments, un niveau de 3,37% semble être une bonne estimation du point d’atterrissage des taux de la Fed.

Réaliser année après année une performance supérieure à celle de l’indice de référence du secteur obligataire, tel est l’objectif recherché par DNCA Investments avec un de ses fonds qui investit majoritairement en obligations d’Etat. Comment naviguer aujourd’hui au mieux entre les attentes – parfois exagérées par les acteurs du marché – concernant la baisse des taux directeurs des banques centrales et le scénario d’une éventuelle récession qui ne s’est jamais concrétisée jusqu’à présent ? Point avec François Collet, CIO Adjoint & gérant obligataire chez DNCA Investments.

Malgré le cycle de baisse des taux entamé par la Réserve fédérale américaine (Fed) à la mi-septembre, vous estimez qu’il n’y a aucune raison de se précipiter pour acheter des titres de créance en vue d’une baisse rapide des taux. Pourquoi est-il préférable de rester prudent en tant qu’investisseur obligataire, même en période de baisse des taux ?

Investir sur le marché obligataire, c’est se confronter aux attentes du marché. Si la baisse des taux devait être plus prononcée que ce qui est déjà anticipé par les acteurs du marché, cela signifierait que le potentiel d’appréciation n’est pas encore épuisé. En revanche, si la baisse des taux devait être moins marquée que prévu, alors ce potentiel serait plus limité – ces titres pourraient même perdre de leur valeur. Toute la question est d’évaluer correctement quel sera le rythme des baisses de taux et d’anticiper quel sera le point le plus bas des taux terminaux des banques centrales dans le cycle actuel.

« Il faudra encore être patient pour voir l’inflation retomber vers des niveaux proches de 2 %. Cela n’arrivera probablement pas avant le printemps 2025.»

Actuellement, on observe que l’inflation continue de baisser des deux côtés de l’Atlantique, notamment en raison de la baisse des prix de l’énergie. Aux États-Unis, une immigration importante a également contribué à limiter les pressions salariales, ce qui a réduit les pressions inflationnistes à court terme.

Aux États-Unis, l’inflation sous-jacente des dépenses de consommation est néanmoins restée à un niveau relativement élevé de 2,7 % en août, après 2,6 % en juillet. Ces chiffres, publiés fin septembre, ne montrent-ils pas qu’on a peut-être déclaré un peu trop vite que l’inflation était vaincue aux Etats-Unis ?

Il faudra encore être patient pour voir l’inflation retomber vers des niveaux proches de 2%. Cela n’arrivera probablement pas avant le printemps 2025 malgré la baisse des prix du pétrole. Cela justifie l’approche prudente de la Fed, que les marchés ont parfois un peu de mal à entendre.

La baisse de l’inflation se poursuit également sur le Vieux Continent. Le taux d’inflation annuel de la zone euro pour le mois de septembre, publié début octobre, s’est établi à 1,8%, selon Eurostat, contre 2,2% en août dernier. L’inflation dans la zone euro est donc inférieure à l’objectif de 2% visé par la BCE, pour la première fois depuis 2021. Faut-il désormais s’attendre à des baisses de taux beaucoup plus agressives de la part de la BCE dans les prochains trimestres ?

Oui, la BCE va accélérer son rythme de décroissance pour tenir compte de cette baisse de l’inflation et du ralentissement de l’activité dans la zone euro. La BCE devrait désormais adopter un rythme baissier à chaque réunion jusqu’au premier trimestre 2025. Cependant, son cycle baissier sera limité par des pressions inflationnistes toujours persistantes. La productivité européenne est faible et l’inflation des services n’a pas baissé depuis le début de l’année, elle est toujours à 4%, ce qui limitera la capacité de la BCE à assouplir sa politique monétaire.

« La vraie question qui se pose est de savoir ce qui se passerait si la croissance économique ralentissait réellement en France : atteindrions-nous un déficit budgétaire de 8, 9 ou 10 % ?

Concernant la trajectoire globale des taux, vous estimez que les attentes du marché sont peut-être exagérées à ce sujet aux Etats-Unis. Jusqu’où les taux d’intérêt devraient-ils baisser outre-Atlantique ?

Les marchés anticipent une baisse des taux directeurs jusqu’à environ 2,8% aux Etats-Unis fin 2025. Cela nous paraît un peu exagéré. Nos attentes concernant les taux directeurs sont qu’il y aura une nouvelle baisse de 25 points de base en 2024, suivie de réductions totalisant 100 points de base en 2025. Dans l’ensemble, nous devrions plutôt nous attendre à ce que les taux directeurs se situent autour de 3,25 % ou 3,37 % à la fin de l’année prochaine. année. 3,37% nous semble être une bonne estimation du point d’atterrissage des taux de la Fed. Selon nous, certains investisseurs sont allés trop loin dans leurs attentes en matière de baisse des taux directeurs, ce qui crée des risques de sous-performance.

Concernant la dette des Etats, vous estimez que les déficits publics restent une épée de Damoclès pour la plupart des pays développés. En France notamment, de nombreux débats font actuellement l’objet de nombreux débats sur l’évolution de la situation budgétaire dans les mois à venir. Quelles pourraient être les implications concrètes d’une aggravation du déficit budgétaire pour les investisseurs obligataires ?

Le point critique est que nous assistons à une détérioration de la situation budgétaire beaucoup plus rapide que prévu au début de l’année. En début d’année, le gouvernement prévoyait une baisse du déficit budgétaire de 5,5% qui devrait être ramené à 5% d’ici fin 2024. Mais aujourd’hui, les prévisions vont dans l’autre sens. Malgré une croissance du PIB qui résiste, on s’attend à un déficit public plus élevé que prévu en France. Le déficit public pourrait même dépasser 6% du PIB, selon certaines prévisions. La vraie question qui se pose est de savoir ce qui se passerait si la croissance économique ralentissait réellement en France : atteindrait-on un déficit budgétaire de 8, 9 ou 10 % ? Les investisseurs obligataires doivent aujourd’hui prendre en compte les incertitudes liées aux évolutions budgétaires lorsqu’ils investissent dans des obligations d’État.

« Notre objectif est toujours de générer une performance supérieure de plus de 2% par rapport à l’indice de référence. »

Un autre aspect est également suivi avec beaucoup d’attention depuis le printemps dernier : l’écart entre les taux à 10 ans sur la dette française et allemande. Quelles évolutions anticipez-vous à ce sujet ?

Cet écart de taux a toujours existé – avec des phases où il a été plus ou moins prononcé. En tant qu’investisseur obligataire, nous cherchons principalement à anticiper si ce spread va encore s’élargir ou s’il va se rétrécir. Outre l’évolution du déficit budgétaire en tant que tel, il faudra également surveiller attentivement les éventuelles adaptations des notations attribuées à la dette française par les grandes agences de notation au cours des prochains mois.

Concernant l’intérêt des investisseurs pour un fonds dédié aux obligations internationales, une baisse progressive du niveau des taux d’intérêt a-t-elle tendance à renforcer ou à réduire l’attractivité de ce type d’investissement ?

L’environnement de taux d’intérêt actuel est évidemment très différent de celui qui prévalait par exemple en 2017, lorsque nous avions relancé cette stratégie chez DNCA, lorsque les investisseurs étaient avant tout soucieux d’échapper aux taux négatifs. Lorsque les taux d’intérêt ont commencé à augmenter en raison d’un contexte plus inflationniste, on aurait pu craindre que certains investisseurs se détournent de ce type d’investissement. Cependant, ce n’était pas le cas. Notre objectif est toujours de générer une performance supérieure de plus de 2% par rapport à l’indice de référence. Lorsque les taux étaient proches de 0 %, un rendement de 2 % était intéressant. Lorsqu’ils se situaient entre 3 et 4%, un rendement d’environ 5% à 6% était également attractif. Le fait que nous ayons obtenu de bonnes performances en 2022 et 2023 a rassuré les investisseurs dans leur choix. Réaliser année après année une performance supérieure de quelques dizaines de points de base à celle de l’indice de référence n’est peut-être pas spectaculaire, mais c’est ce qui compte pour les investisseurs qui s’appuient sur ce type de solution.

 
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