A Paris, Marseille, Toulouse et lors de près de 190 rassemblements, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue ce 1er octobre, selon la CGT, pour défendre les salaires, les retraites et les services publics. Appelée par trois syndicats (CGT, Solidaires, FSU) et des organisations de jeunesse, cette première journée de grève interprofessionnelle a eu valeur d’une première mobilisation contre le nouveau gouvernement Macron-Barnier qui présentait le même jour son discours de politique générale.
Faible mobilisation : le verre à moitié vide ou à moitié plein ?
En termes de participation, la CGT comptait près de 170 000 personnes ce mardi. Selon la CGT, il y aurait notamment eu 20 000 manifestants à Paris, près de 8 000 personnes à Toulouse, 6 000 à Lyon, 5 000 à Bordeaux, et même 1 500 à Perpignan. Au total, un niveau de participation pas si éloigné des 200 000 manifestants dénombrés le 13 octobre 2023 lors de la précédente rentrée sociale. Préférant voir le verre à moitié plein, Sophie Binet a affirmé : « c’est une mobilisation digne de journées d’action de ce type ».
Une interprétation optimiste qui ne tient pas la route. En effet, sans aller jusqu’à comparer le 1er octobre avec les journées de mobilisation sur les retraites, le niveau de mobilisation reste faible par rapport aux journées de grève interprofessionnelles plus « classiques ». Ainsi, on a rarement vu des taux de mobilisations aussi faibles dans des secteurs habituellement mobilisés que c’est le cas chez les cheminots où le trafic était très peu perturbé. De même, le taux de grévistes dans l’Education Nationale n’était que de 6,08% pour les enseignants. Des chiffres sans doute sous-estimés car issus de l’Etat mais qui expriment une tendance générale du 1er octobre.
Surtout, rarement un tel écart a été observé entre les « profonde colère démocratique et sociale » souligne à juste titre Sophie Binet et le niveau de mobilisation. Dans ce contexte, ce n’est ni en fustigeant le « lassitude démocratique et sociale des salariés », ni en reléguant cette journée à « un premier signal », comme l’affirme Sophie Binet, qu’on peut inverser la tendance, mais en faisant le point sur des journées isolées, mal construites et sans perspectives, comme ce 1er octobre, ne peuvent conduire qu’à toujours plus de démoralisation.
Renouer avec le « dialogue social » ou affronter sérieusement Macron et Barnier ?
Dans ce contexte, on ne peut que s’interroger sur la réelle volonté de la direction CGT de s’affronter sérieusement au gouvernement Macron-Barnier. En effet, depuis plusieurs semaines, le discours de la CGT s’est concentré sur les « inflexions » du discours de Barnier. Lors de la réunion de la CGT avec le Premier ministre ce mardi, Sophie Binet a déclaré sur les retraites : « il m’écoutait poliment, il prenait des notes. Premier changement notable, il a annoncé vouloir rouvrir la question de la réforme des retraites alors même qu’Emmanuel Macron ne voulait pas en entendre parler. « . Sur l’assurance chômage, le responsable constate : « Nous n’avons pas obtenu de réponse claire et ferme. Mais ce que la ministre du Travail et le Premier ministre nous ont fait comprendre, c’est qu’ils voulaient redonner le contrôle aux acteurs sociaux.. Avant d’ajouter : « Je le dis, si cette réforme n’est pas enterrée, ça ne sert à rien d’expliquer qu’on veut renouer le dialogue. J’espère qu’il aura la sagesse de l’annoncer le 1er octobre. »
Autant d’éléments qui vont dans le même sens celui d’un retour au « dialogue » avec le gouvernement. Outre une revalorisation anticipée et purement symbolique du SMIC à partir de novembre à hauteur de 2%, Michel Barnier semble avoir partiellement répondu aux attentes des directions syndicales lors de son discours de politique générale : « Ce sont elles les mieux placées pour apporter des solutions ». » a-t-il dit à propos des « partenaires sociaux » et de l’assurance chômage.
Pour parvenir à un réel progrès social, il faudra lutter par les grèves et par la rue.
L’orientation proposée par la direction de la CGT, qui vise à faire « pression » pour un retour au « dialogue social », ne peut que constituer une impasse pour le mouvement ouvrier. Cependant, comme nous l’avons indiqué dans notre éditorial : « ce positionnement ne permet pas de préparer la confrontation avec le gouvernement Macron-Barnier, et encore moins avec le régime. Elle correspond à une nouvelle tentative de s’appuyer sur la crise politique pour renouer avec le « dialogue social ». Alors que le gouvernement compte sur les « partenaires sociaux » pour maintenir un semblant de stabilité dans le pays, un nouveau cycle de discussions pourrait s’ouvrir « dans les prochaines semaines ». », a affirmé Barnier.
Au lieu de jouer le jeu du gouvernement, il est au contraire urgent de rompre immédiatement avec le « dialogue social ». À l’heure où la colère sourde dans le pays s’accompagne d’une certaine résignation, avec le sentiment que « voter ne suffit pas, mais manifester ne fonctionne plus », une telle stratégie ne peut qu’alimenter les illusions et le fatalisme. . Il est cependant possible de briser ce sentiment, de restaurer la confiance des travailleurs et des jeunes, en proposant des perspectives stratégiques crédibles. Cela implique toutefois de faire le point sur les dernières mobilisations, à commencer par la bataille des retraites.
Alors que trois années d’inflation continuent de peser lourdement sur les conditions de vie et de subsistance de la masse des travailleurs et que les faiblesses du gouvernement ouvrent des opportunités, il est urgent de saisir sérieusement les brèches ouvertes par la situation. Surtout, pour réaliser de réels progrès sociaux, ce que la bataille des retraites a montré, c’est que, même avec des millions de travailleurs mobilisés, il faut un immense rapport de force pour faire reculer Macron. Cela doit se construire autour d’une stratégie sérieuse, qui permette de fédérer notre classe autour d’un programme qui donne envie de se battre et d’un plan qui donne confiance dans la possibilité de gagner. Pour cela, il nous faut un plan sérieux qui, loin de semer des illusions sur la nature du gouvernement Barnier, propose un plan de bataille à la hauteur de la crise et de l’austérité qui s’annonce.
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