Annulations de projets, baisse de production, reports d’investissements, changements de stratégie d’électrification des constructeurs automobiles. Les conséquences du ralentissement de la croissance de la demande mondiale de véhicules électriques sont multiples.
Entre janvier et mai 2024, les annonces de projets de construction d’usines de batteries reportés ou annulés ont représenté l’équivalent de 220 gigawattheures, soit 3,5 % de la capacité de production supplémentaire qui devait être ajoutée d’ici 2030.
C’est ce que révèle récemment Benchmark Source, un site d’analyse et d’information sur la chaîne de production de la transition énergétique mondiale.
Et sur un marché dominé par les géants chinois, coréens et japonais, les petits acteurs sont vulnérables.
Un exemple parfait est Northvolt
explique Marc Sachon, professeur à l’IESE Business School de l’Université de Navarre.
Ce qui entre en jeu ici, c’est que la technologie des batteries est généralement une technologie de volume. Vous avez besoin d’économies d’échelle dans ces usines. Et il faut réaliser ces économies d’échelle pour atteindre le prix cible. [Donc] si vous ne les atteignez pas parce que certains clients abandonnent, vous vous retrouvez rapidement dans une situation très difficile.
La baisse des revenus et des bénéfices peut être dramatique. En témoignent les annulations de commandes de batteries des trois géants coréens en raison du ralentissement de la demande mondiale de véhicules électriques.
LG Energy Solutions, SK et Samsung, qui représentent près d’un quart de la production mondiale de batteries, ont connu une baisse spectaculaire au deuxième trimestre par rapport à l’année dernière. Plus de 46 % pour Samsung, près de 58 % pour LG Energy Solutions et 250 % pour SK.
Conséquence? La production ralentit. Le taux d’utilisation de la capacité de production de LG Energy Solution est tombé à 57,4 % au premier trimestre, contre 77,7 % pour la même période de l’année dernière. Le taux de SK est passé de 96,1 % à 69,5 %. Samsung ne révèle aucune information sur sa production.
Le professeur Sachon ajoute que la récente chute des prix de certains métaux, dont le nickel, crée une incertitude quant au type de batterie qui sera celui de l’avenir pour le secteur des véhicules électriques.
Tout le monde pensait que la batterie lithium-fer-phosphate (LFP), moins chère et un peu plus sûre car elle ne s’enflamme pas aussi facilement, serait l’avenir. Mais son principal inconvénient est qu’il présente une densité énergétique plus faible. Toutefois, les dernières évolutions concernent les batteries au nickel. Le nickel est un matériau très coûteux qui présente l’avantage d’une densité énergétique plus élevée.
La demande de véhicules électriques a ralenti après plusieurs années de forte croissance. Selon plusieurs analystes, les consommateurs attendent des modèles plus abordables ou se tournent vers des véhicules hybrides.
Les gens regardent la présentation du SUV électrique Volvo EX30 à Milan, en Italie, le 7 juin 2023.
Photo : Reuters / CLAUDIA GRECO
Les constructeurs changent leur stratégie d’électrification
En août, les ventes mondiales de véhicules électriques et hybrides rechargeables ont atteint 1,47 million d’unités, selon Rho Motion, un site d’analyse du marché de la transition énergétique.
Les ventes ont augmenté de 42 % en Chine, qui reste le plus grand producteur et consommateur de véhicules électriques. La hausse a été de 8 % en Amérique du Nord et de 4 % en Europe.
Le ralentissement mondial de la demande a contraint plusieurs constructeurs automobiles à revoir leurs projets d’électrification.
Volvo ne prévoit plus de vendre uniquement des véhicules électriques en 2030. Toyota a réduit d’un tiers ses prévisions de ventes de véhicules électriques cette année.
Ford et GM ont annoncé le report ou l’abandon des plans de production de certains types de véhicules électriques. La production de véhicules électriques à son usine d’Oakville, en Ontario, a été repoussée de deux ans, soit en 2027.
De son côté, le constructeur automobile VinFast a annoncé en juillet dernier qu’il reportait de quatre ans la mise en service de son usine de véhicules électriques en Caroline du Nord en raison de la demande nord-américaine.
Le projet de 4 milliards de dollars ne sera finalement achevé qu’en 2028.
La Chine n’est pas épargnée par le ralentissement
Les constructeurs chinois continuent de dominer largement le marché des véhicules électriques, mais le ralentissement mondial les affecte également.
La lente croissance dans la Chine rurale, le ralentissement de l’économie et les réductions importantes offertes aux consommateurs chinois sur ce marché concurrentiel (souvent jusqu’à 17 % de réduction cette année) ont également des impacts significatifs, même pour BYD et Xpeng.
Les deux fabricants mettent plus de temps à payer leurs fournisseurs que les années précédentes, selon les données compilées par Bloomberg.
Le délai de paiement des constructeurs automobiles à leurs fournisseurs est un indicateur de leur santé financière. Un cycle de paiement prolongé montre que certains d’entre eux connaissent des problèmes de liquidité
» David Zhang du Centre de recherche sur la coopération internationale dans le domaine de l’automobile numérique WDEF à Hangzhou a déclaré au South China Morning Post.
Ouvrir en mode plein écran
Employés au travail dans une usine d’assemblage de véhicules électriques à Zouping, en Chine.
Photo :AFP
Selon lui, ces délais de paiement plus longs risquent également de perturber la production des fournisseurs.
La Chine compte plus de 200 fabricants sur le marché des véhicules électriques et la rationalisation se profile à l’horizon.
Le plus grand marché automobile au monde continue d’être le moteur du secteur des véhicules électriques. La vente de véhicules conventionnels a diminué cette année, ce qui fait que 40 % de toutes les voitures vendues en Chine sont électriques.
La Chine a réussi à maintenir la croissance des ventes de véhicules électriques, notamment grâce au soutien des politiques publiques. Le gouvernement s’est fixé des objectifs à long terme et encourage les véhicules électriques par le biais de mandats d’achat et d’incitations. Mais le programme de subventions a expiré il y a plus d’un an, et il est désormais clair que les consommateurs se tournent vers cette technologie car les nouveaux modèles de véhicules électriques sont de plus en plus performants et moins chers.
» écrivait le journaliste Siyi Min de Bloomberg en avril dernier.
Le professeur Marc Sachon estime également, comme la grande majorité des analystes du marché de l’électrification, que le ralentissement de la croissance mondiale du secteur n’est que temporaire.
Toutes les prévisions que je vois, et avec lesquelles je suis plutôt d’accord, disent que nous atteindrons 100 millions d’unités vendues par an dans les prochaines années. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’en Chine, les gens veulent toujours acheter des voitures. Et puis il y a le marché indien qui arrive et l’Afrique aussi. Pour moi, c’est évident
il croit.
Les modèles plus accessibles et moins chers pourraient aussi être plus nombreux.
Related News :