Aux États-Unis, toutes les institutions et entreprises qui exploitent des engins volants doivent se conformer aux exigences de la Federal Aviation Administration (FAA). La plupart de ces entités entretiennent des relations cordiales avec l’agence, mais ce n’est pas le cas de SpaceX et d’Elon Musk.
Ce dernier, connu pour son goût pour l’innovation rapide et sa haine viscérale de la réglementation, a récemment annoncé son intention de poursuivre la FAA, qu’il accuse d’abuser de son pouvoir.
Quand SpaceX snobe le régulateur
Selon Ars TechnicaCette affaire a débuté en juin 2023, avec le lancement d’un Falcon 9 chargé de déployer un satellite de communication indonésien. Pour superviser l’opération, l’entreprise a utilisé une toute nouvelle salle de contrôle située au célèbre centre spatial Kennedy. Le problème était que cette infrastructure n’avait pas été approuvée au préalable par la FAA, qui doit normalement valider chaque élément du dispositif de lancement.
SpaceX avait fait cette demande plus d’un mois plus tôt, conformément à la procédure. Mais la FAA, qui n’est pas réputée pour sa réactivité, a informé SpaceX qu’elle ne pourrait pas approuver ces changements avant la date de lancement prévue le 18 juin. L’entreprise a décidé de procéder au lancement malgré tout, sans attendre le feu vert.
Selon Ars Technica, un autre incident s’est produit un mois plus tard. Avant le lancement d’un autre engin (cette fois un Falcon Heavy), SpaceX aurait utilisé une nouvelle installation de production de carburant pour fusée, un équipement qui n’avait pas non plus été validé par la FAA.
Dans la foulée, SpaceX aurait demandé une mise à jour de son autorisation de lancement pour refléter ce changement de programme. L’agence explique à nouveau avoir indiqué à SpaceX qu’elle ne pourrait pas effectuer cette procédure avant le lancement ; mais la société a quand même procédé au lancement malgré cet avertissement.
Une sanction qui alimente des frictions récurrentes
Suite à ces deux provocations, la FAA a annoncé son intention d’infliger une amende de 633 009 dollars à SpaceX, tout en lui donnant 30 jours pour se justifier. Pour l’entreprise, dont la valeur est estimée à plus de 250 milliards de dollars, il s’agit d’une somme anecdotique, et on pouvait donc s’attendre à ce qu’elle paie la facture sans broncher. Mais c’était sans compter sur Elon Musk, qui entretient une relation compliquée avec l’institution.
Pour rappel, le milliardaire controversé s’est régulièrement insurgé contre cette obligation de se soumettre à ces procédures administratives, qu’il juge lourdes et contreproductives. Rien d’étonnant, vu son goût prononcé pour l’innovation rapide. Ces divergences ont parfois généré quelques frictions, notamment dans le cas de Starship, la méga-fusée que SpaceX développe actuellement.
Elon Musk a souvent déclaré vouloir enchaîner le plus rapidement possible les lancements des différents prototypes afin de porter au plus vite à maturité son véhicule révolutionnaire. Le problème est que chaque lancement doit être couvert par une licence de vol de la FAA. Pour les véhicules ayant déjà fait leurs preuves, ces licences peuvent couvrir plusieurs décollages. Mais dans le cas du Starship, qui reste un véhicule expérimental en phase de développement, la FAA a décidé d’avancer étape par étape ; chacune des licences accordées au véhicule ne couvrait qu’un seul vol d’essai.
Ainsi, à chaque nouvelle tentative, l’entreprise a dû montrer ses lettres de noblesse en déposant une nouvelle candidature, puis attendre patiemment le précieux sésame avant de pouvoir décoller. Un processus qui a tendance à prendre plusieurs mois… et à faire perdre patience au grand patron. La semaine dernière, il a notamment accusé la FAA de retarder le développement du Starship » pour des raisons déraisonnables et exaspérantes « Et ces frictions ne sont pas prêtes de disparaître.
Les avocats entrent dans la danse
Pour l’heure, SpaceX attend sa licence pour le cinquième vol d’essai de Starship. Une échéance très importante, car pour la première fois, l’entreprise va tenter de récupérer certains éléments de ce lanceur conçu pour être entièrement réutilisable. Mais récemment, la FAA a annoncé qu’elle ne se prononcerait pas avant fin novembre, soit deux mois après la date initialement prévue, et cinq mois après le dernier vol d’essai de l’engin.
Dans ce contexte, la perspective d’une amende semble avoir fait perdre son sang-froid à Elon Musk. Il a récemment annoncé son intention de lancer une action en justice contre la FAA, qu’il accuse d’excès de zèle. SpaceX va poursuivre la FAA pour surréglementation ” a-t-il posté sur X/Twitter.
Ce genre de procédure risque de coûter à SpaceX bien plus cher que la pénalité initiale. Mais pour Musk, ce n’est plus une question d’argent : c’est une façon de faire pression sur les autorités fédérales pour obtenir plus de marge de manœuvre.
Reste à savoir si cette décision aura l’effet escompté, car un tel coup de pied dans la fourmilière pourrait aussi se retourner contre lui. Si Musk passe à l’action, il ne serait pas étonnant que la FAA reporte à nouveau la délivrance de la prochaine licence de vol, alors qu’elle gère ce processus avec son personnel notoirement réduit…
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