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L’éclipse… de la culture scientifique

A propos de l’éclipse totale de Soleil de lundi, un lecteur m’écrit.

Le 26 février 1979, il était au 5e année scolaire primaire où un phénomène comparable était visible au-dessus de Montréal. Cela coïncidait avec une sortie scolaire : « Quelques jours auparavant, les professeurs nous expliquaient pourquoi il ne fallait pas regarder directement l’éclipse. » Consigne répétée le jour de la sortie…

« Aujourd’hui, 45 ans plus tard, mon fils, en sec III, reçoit trois pages de directives et d’avertissements de la commission scolaire, du ministère de l’Éducation et de la Santé publique ! Les cours ne sont pas obligatoires l’après-midi, les étudiants ne peuvent pas partir avant 16h45….”

Et le lecteur jure au bout du clavier : « Que s’est-il passé au cours des 45 dernières années pour en arriver là ??? »

Excellente question !

Risque

Dans une chronique récente, j’évoquais une hypothèse. Nous semblons être aux prises avec les pires aspects d’une « société du risque » (concept d’Ulrich Beck), devenue obsédée par la nécessité de se prémunir contre tout événement potentiellement déplorable. Les avocats et les compagnies d’assurance paralysent les décideurs. Le « principe de précaution » est absolu.

  • Écoutez la rencontre politique entre Antoine Robitaille et Benoît Dutrizac via QUB:

C’est mieux, rétorquerez-vous, que l’insouciance généralisée qui caractérisait autrefois nos sociétés : faire du vélo « sans casque », boire au volant, etc.

Mais il y a des risques et des risques, et certains ont vraiment exagéré celui de l’éclipse.

Culture scientifique

Pourquoi exactement ? Cela m’amène à une deuxième hypothèse : l’érosion de la culture scientifique générale.

En fouillant dans les archives de Journal, je m’étonne du peu d’évocations du risque dans les éditions entourant celle du 11 juillet 1972. En revanche, une grande partie des articles est consacrée aux expériences scientifiques dont l’événement serait l’occasion : experts du Concorde documenter le phénomène ; La NASA à Cap-Chat en Gaspésie, car c’était ce jour-là le meilleur poste d’observation en Amérique du Nord. En 1979, la NASA, a-t-on souligné, était à Winnipeg, pour les mêmes raisons, souligne Le journal. Quinze ans plus tard, la précaution pointe le bout de son nez : en prévision de l’éclipse du 11 mai 1994, un article de la veille faisait état des recommandations de l’Association des ophtalmologistes du Québec. « Fascinante éclipse », titre tout de même Le journal.

Jeudi, à QUB, j’ai enregistré une conversation avec deux journalistes scientifiques: Mathieu-Robert Sauvé, de Journalet Joël Leblanc, co-auteur de Eclipse : Quand le Soleil fait son cirque (Multimondes).

La culture scientifique n’a jamais été très élevée dans nos sociétés. «Il y a toujours eu une partie de la société qui en avait moins, mais aujourd’hui, elle a plus son mot à dire auprès des réseaux sociaux», a déploré M. Leblanc. Internet et le numérique ont permis une diffusion de l’information scientifique comme jamais auparavant. Mais aussi les pires mensonges : pensons au retour de ceux qui croient que la terre est plate ! Ou que le Soleil tourne autour de la Terre.

Avec notre obsession du risque, une certaine ignorance scientifique – voire indifférence – aura, pour beaucoup, gâché l’opportunité qui se présentera à nous lundi.

 
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