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un cabinet comptable pris dans le scandale des châteaux chinois

A Bordeaux, dans les années 2000 et 2010, l’arrivée des opérateurs chinois dans le monde du vin annonce la promesse d’un marché sans limites. Pour attirer ces investisseurs, réputés cousus d’or, la filière viticole n’a pas ménagé ses efforts : dîners de gala, dégustations prestigieuses, intronisations dans des ordres ou confréries plus ou moins folkloriques… Naijie Qu, honorable membre de la confrérie Bontemps, n’y avait pas échappé. danse du ventre à la sauce bordelaise.

Notabilités locales

Nul doute que l’habile patron du conglomérat Haichang n’avait lui-même ménagé aucun effort pour devenir, en quelques années seulement, la personne dont tout le monde parlait mais que peu avaient rencontré. Au sein de ses filiales françaises, il s’entoure de notables locaux comme un ancien président de la puissante Civb, un ancien directeur technique du négociant Ginestet ou encore un ancien œnologue du baron Philippe de Rothschild. Et quand est venu le temps d’attribuer un commissaire aux comptes à ses filiales françaises, elle a choisi Exco Ecaf, le cabinet dirigé par le président de la CCI de Bordeaux Pierre Goguet.

L’homme d’affaires était également membre de la CCI avec laquelle il avait noué un partenariat pour la création d’une fête du vin dans sa ville natale de Dalian. Pour approvisionner le musée de Dalian, M. Qu avait également lancé une commande spectaculaire : 1 000 châteaux de Gironde ont été achetés 120 bouteilles chacun !

Dix ans plus tard, Naijie Qu vient d’être convoquée devant le tribunal par le Parquet national financier (PNF). En février prochain, il siégera sur les bancs du tribunal correctionnel de Paris en compagnie du représentant de son commissaire aux comptes. L’homme d’affaires chinois est accusé de blanchiment, de fraude fiscale, de détournement de fonds publics et d’abus de biens sociaux. Un de ses collaborateurs répondra de fraude et faux. Le cabinet comptable répondra de « non-divulgation de délits ».

Chaque achat de château a en réalité été réalisé par une société basée à Hong Kong. »

En cause, les achats réalisés par Naijie Qu sur le territoire girondin dans les années 2010. Soit en tout 25 châteaux achetés au vignoble en quelques années. Mais en 2025, un article de presse résonnera comme un coup de tonnerre dans le ciel girondin : les châteaux auraient servi à blanchir des détournements de subventions en Chine. Ces accusations attribuent au rapport de la « Cour des comptes chinoise » 32 millions d’euros reçus par Haichang en Chine afin de contribuer à l’innovation numérique et finalement dépensés dans des propriétés viticoles.

Paradis fiscal

Egalement alertés par Tracfin (la cellule anti-blanchiment de Berçy), des policiers de la division économique et financière de la police judiciaire de Bordeaux ainsi que des enquêteurs de l’Office central de répression des graves délinquances financières (OCRGDF) se lancent rapidement dans l’enquête. affaires du milliardaire. Ils ont découvert un circuit opaque dans lequel les filiales françaises de Haichang, les sociétés Lamont, Lamont financier et Laforest étaient soupçonnées d’avoir servi de paravent, destiné principalement à rassurer les autorités françaises. Les fonds provenaient d’une société Porthouse basée dans les îles Vierges britanniques. Chaque achat de château était en réalité réalisé par une société basée à Hong Kong.

Parallèlement, les enquêteurs auraient découvert l’existence d’un prêt de 30 millions d’euros accordé à Haichang par une filiale luxembourgeoise de la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC). Pour justifier le déblocage de fonds censés rembourser les achats de propriétés viticoles, Haichang aurait quelque peu anticipé l’acquisition de certains châteaux en produisant de faux actes notariés.

« Au départ, l’affaire devait être énorme. Que reste-t-il à la fin ? Rien du tout. Quel est le mal ? Personne n’a été blessé. Les propriétaires du château ont été payés, la banque remboursée et même le fisc n’a pas déposé de plainte. Et en Chine, les allégations d’une soi-disant Cour des comptes – qui en réalité n’en est pas une – n’ont donné lieu à aucune poursuite », s’insurge M.e Maxime Delhomme, l’avocat de l’homme d’affaires.

En droit français, la justice n’est pas tenue par l’analyse de l’administration fiscale. Elle peut engager des poursuites en matière de blanchiment de fraude fiscale même si l’administration fiscale n’a pas déposé de plainte.

Des notaires peu curieux

En tout état de cause, le PNF n’a pas poursuivi les notaires qui avaient passé les actes relatifs aux achats de Naijie Qu. Le procureur de la République aurait considéré que le manque de curiosité des officiers ministériels alors que les sociétés qui ont acquis les châteaux n’étaient pas celles qui ont payé, ne constituait pas un délit.

Les liens d’affaires entre le magnat chinois et la CCI de Bordeaux ont-ils brouillé la vision des chiffres bordelais ? »

Pour le PNF, il n’en va pas de même pour le commissaire aux comptes pour qui la vigilance est une obligation légale. Le parquet estime que les chiffres de l’homme qui a certifié sans réserve les comptes des filiales françaises en 2012 et avec de légères réserves en 2013, 2014 et 2015 disposaient de suffisamment d’éléments pour soupçonner que les sociétés servaient de véhicules à une opération occulte. et qu’au minimum les flux financiers en provenance des paradis fiscaux et certains comptes chinois non déclarés dont Lamont possédait notamment auraient dû donner lieu à un rapport à la justice. Les liens d’affaires entre le magnat chinois et la CCI de Bordeaux ont-ils brouillé la vision des chiffres bordelais ?

On imagine que cette idée a traversé l’espace quelques secondes l’esprit des magistrats du PNF. Mais la manifestation n’a pas été signalée. En effet, seule l’entreprise en tant que personne morale fait l’objet d’une procédure. « Compte tenu de ses liens avec la CCI, je n’ai jamais traité les comptes de ce client. Tout était géré par un autre associé », assure Pierre Goguet. N’étant plus à la tête du cabinet, et n’étant pas directement impliqué, l’ancien président de la CPI assure qu’il devrait s’épargner la peine d’assister au procès.

« Nous sommes un peu surpris d’être renvoyés mais confiants. Pour révéler des faits criminels, ces faits doivent être prouvés et portés à notre connaissance. Nous estimons que ces conditions n’étaient pas réunies pour ce qui nous est reproché », déclare Philippe Lafargue, l’actuel patron du cabinet.

À ce stade, les tribunaux saisirent dix châteaux achetés par Naijie Qu.

 
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