Beige, froid, intimidant. La Société québécoise du cannabis (SQDC) a entendu ces adjectifs pour décrire l’ambiance qui règne dans ses succursales à plus d’une occasion. Pour se débarrasser de son image de comptoir de coopérative d’épargne et de crédit et améliorer le confort des clients, l’entreprise publique va ouvrir un nouveau concept de magasin pour permettre aux gens de circuler et mettre fin aux files d’attente.
Après six ans d’existence et une centaine de magasins plus tard, la SQDC s’éloigne de son modèle conventionnel de succursale caractérisé par un long comptoir derrière lequel se tiennent employés et étagères de produits. Aire ouverte, libre circulation et petites succursales font désormais partie des plans.
L’objectif : faire tomber les barrières, explique Geneviève Giroux, vice-présidente, approvisionnement et commercialisation de l’offre, à la SQDC. « Réflexion sur nos concepts [nous] nous amène à vouloir relâcher un peu la pression, sans pour autant amener les gens à dire que c’est cool aller à la SQDC », a-t-elle insisté lors d’une entrevue avec La pressepar visioconférence.
Il ne faut surtout pas inciter les gens à consommer, mais plutôt empêcher ceux qui achètent du cannabis de se tourner vers le marché illicite, ajoute M.moi Giroux dans la foulée.
Mais les consommateurs doivent encore se sentir à l’aise lorsqu’ils y mettent les pieds. ” [L’idée, c’est de voir] comment pouvons-nous donner plus de confiance aux gens afin qu’ils n’aient pas [cette impression] entrer dans un lieu aux portes battantes, comme autrefois dans les vidéoclubs », illustre-t-elle.
M.moi Giroux fait référence à cette section « interdite » réservée aux films pour adultes trouvés dans les vidéoclubs.
La première succursale conçue selon le nouveau modèle accueillera ses premiers clients le 27 janvier prochain, à Sainte-Julie, sur la Rive-Sud. « C’est un concept ouvert. L’objectif est de rapprocher les conseillers de nos clients. » Au lieu de faire la queue pour accéder à un employé derrière le comptoir, les consommateurs pourront se promener dans le magasin avec un préposé et voir les produits exposés sur les murs qui feront office de comptoirs de produits.
Geneviève Giroux admet que, pour le moment, il est difficile pour les consommateurs d’avoir une idée de l’offre. « Certains clients qui viennent depuis les débuts de la SQDC découvrent de nouveaux produits que nous avons depuis des années. »
Se déplacer et ne pas faire la queue soulage également une certaine pression sur les clients qui peuvent se sentir pressés de finaliser une transaction rapidement en sachant que d’autres font la queue derrière.
Contrairement à la SAQ, où l’on peut facilement manipuler les bouteilles pour observer la couleur du vin par exemple et lire l’étiquette, il est impossible pour les clients de la SQDC d’un point de vue légal de pouvoir toucher les produits. « Ouvrir un colis, voir le produit, ce n’est pas possible. C’est pourquoi le conseil est important », explique M.moi Giroux.
Modèle réduit et offre adaptée
La SQDC ouvrira également des territoires plus petits afin de s’adapter aux municipalités où elle s’établira et de rechercher des « trous de marché ». La première « version réduite » sera située à Montmagny et ouvrira ses portes à la fin du mois, en même temps que la boutique de Sainte-Julie. Il accueillera ses clients dans un espace de 1 800 pieds carrés. Un deuxième s’établira à Amqui à la fin de l’hiver ou au début du printemps. Celui-ci aura une superficie de 1 400 pieds carrés. Ces magasins proposeront environ 250 produits, contre 400 à 450 pour les magasins conventionnels. A terme, l’entreprise publique souhaite « personnaliser l’offre en fonction de la région où se situe le magasin ».
« Nous voulons nous assurer que nous répondrons aux besoins de la population environnante. Présentement, on a à peu près la même offre partout», mentionne Geneviève Giroux.
Et d’ici un an, les clients pourront acheter des produits de vapotage, en magasin et en ligne. Après s’être abstenue de les vendre suite aux recommandations de la santé publique émises il y a cinq ans, l’entreprise publique a finalement décidé de se lancer dans l’arène afin de répondre à la demande et de proposer des produits plus sûrs que ceux vendus illégalement.
La SQDC a enregistré des ventes de 173,7 millions au terme de son deuxième trimestre de l’exercice 2024-2025 terminé le 14 septembre 2024, comparativement à 151,7 millions pour la même période de l’année précédente. « La croissance des ventes s’explique notamment par la fin du conflit du travail, qui a limité les opérations dans 24 agences au cours du deuxième trimestre 2023-2024, l’affluence durant la période estivale, l’ouverture de deux nouvelles agences et une demande croissante de des produits de type concentré qui ont pour effet d’augmenter le volume des ventes en équivalents grammes», peut-on lire dans le communiqué publié par l’entreprise publique.
« Il faut quatre grammes de cannabis pour produire un gramme de concentré. Donc, si on vend un gramme de pré-roll infusé, il faut aussi calculer les grammes utilisés pour produire ce concentré », selon les explications de la SQDC.
Selon les données fournies par la SQDC, près de 63 % des consommateurs de cannabis effectuent désormais leurs achats en magasin ou sur le site Internet de l’entreprise d’État.
LA SOCIÉTÉ CANNABISÉE QUÉBÉCOISE EN BREF
Présidente et directrice générale : Suzanne Bergeron
Ouverture des premières agences : octobre 2018
Nombre de succursales : 101 (103 avec l’ouverture de Sainte-Julie et Montmagny)
Nombre de produits en agence : entre 400 et 450 (plus de 800 en ligne)
Quantité vendue : 122 000 kilos de cannabis en 2023-2024, soit un bond de 15% par rapport à l’année précédente
Effectif total : 1200 (magasins et siège social)