jeIl y a moins de vingt ans, investir dans un immeuble à La Jarrie, Villedoux, Ferrières ou Le Thou signifiait choisir une vie décentrée, faite d’allers-retours entre La Rochelle et sa ville dortoir. La contrepartie était évidente : un prix bien inférieur à celui de La Rochelle et de sa première couronne, favorable aux classes les plus modestes.
Aujourd’hui, avec l’explosion des prix immobiliers du secteur et l’augmentation du nombre d’habitants, ces communes – encore si éloignées du centre-ville de La Rochelle – de deuxième et troisième couronnes ont acquis une attractivité sur laquelle peu auraient pari.
Selon les statistiques fournies par Adnov et reprises par les notaires de l’Atlantique Poitou, les prix de vente des maisons anciennes ont explosé dans de nombreuses communes de la périphérie de La Rochelle. Ainsi, sur les seules cinq dernières années, on a constaté par exemple une augmentation de 66 % à Aigrefeuille-d’Aunis, 61 % à Saint-Xandre, 50 % à La Jarrie, 46 % à Marans, 45 % à l ‘Houmeau, 41% à La Jarne et même 38% à Surgères.
Voyages prolongés
« En nous installant à La Rochelle, nous avons retrouvé des prix similaires à ceux de la deuxième couronne francilienne. Ici, c’est l’équivalent de 91 ! », raconte Laurent, qui a décidé de quitter l’Essonne il y a trois ans pour retourner dans sa région natale. Avec sa femme, ils ont investi à Courçon, un trajet de vingt-cinq minutes pour lui entre son domicile et son travail, jusqu’à une heure pour elle. « Pas très différent de la région parisienne finalement… » rigole-t-il. « Même les villages reculés dans lesquels personne ne voulait s’installer à l’époque sont devenus extrêmement chers ! », remarque le nouveau propriétaire.
Constat similaire pour Léa et son compagnon. Elle a été mutée à La Rochelle il y a deux ans et ils se sont installés au nord de Marans dans une petite maison, pour 250 000 euros. Le couple, sans enfants, gagne néanmoins plus de 4 000 euros par mois, mais n’a pas pu investir plus près de La Rochelle : « Nous avons cherché la première et la deuxième couronne, comme Puilboreau. C’était complètement hors budget pour nous. » « Quand nous avons déménagé à Toulouse il y a quelques années, c’était beaucoup plus simple et nous n’étions qu’à dix minutes du centre-ville », se souvient-elle. Aujourd’hui, il lui faut quarante minutes pour se rendre au travail.
-Peu d’offres, beaucoup de demandes
Des profils comme Laurent ou Léa, Tom Bucelloni, agent immobilier sur le secteur de La Rochelle, les accompagne presque au quotidien. « De plus en plus de Rochelais et de primo-accédants ont des difficultés à acheter », assure-t-il. « On a ressenti une vraie vague après le Covid. Beaucoup de gens voulaient s’installer à La Rochelle, les deux tiers de notre clientèle viennent toujours de l’extérieur, avoue l’agent immobilier, en début d’explication. A cela, il faut ajouter le confort de vie qu’offre La Rochelle et le fait qu’elle reste toujours moins chère que les autres villes de la côte atlantique. »
« Même le deuxième anneau de La Rochelle est devenu inabordable pour les classes moyennes »
Pour Stéphane Villain, maire de Châtelaillon-Plage où les prix de vente des maisons anciennes ont augmenté de 61 % en cinq ans, cette hausse est due à une tension accrue sur le département : « On voit bien que lorsque les biens deviennent disponibles, ils sont immédiatement repris. À Châtelaillon, nous n’avons plus beaucoup de terrains disponibles et nous ne souhaitons pas construire d’immeubles de grande hauteur, donc la ville ne pourra pas vraiment s’étendre. Cela augmente la rareté des biens et, ensuite, c’est la loi de l’offre et de la demande… »
Vers une éventuelle stabilisation
« Même à Aigrefeuille, ça devient difficile d’investir », s’amuse tristement Élisa, qui vit actuellement à La Rochelle, mais a dû construire à Surgères pour y installer sa petite famille avec son compagnon. « Même le deuxième anneau de La Rochelle est devenu inabordable pour les classes moyennes », estime-t-elle. « Aujourd’hui, on fait tout en ville à vélo. Là, il faudra se lever beaucoup plus tôt pour prendre le train et revenir plus tard. Mais nous n’avions pas le choix si nous voulions investir », assure la mère.
Avec de telles augmentations, on se demande si des villes comme Surgères ne deviendront pas, à leur tour, inaccessibles dans cinq ans ? “Il est peu probable que de telles augmentations se reproduisent dans les dix prochaines années, à moins qu’il n’y ait une autre crise comme celle du Covid qui ait entraîné une forme d’euphorie disproportionnée”, estime prudemment Tom Bucelloni. Il ne faut cependant pas non plus trop compter sur une baisse des prix. Il devrait plutôt se stabiliser, comme on l’a vu en 2024.»