Où en sommes-nous avec la bulle actuelle ?

À travers les âges, les bulles spéculatives ont déstabilisé les marchés financiers, parfois sous les formes les plus frappantes, souvent au prix de conséquences graves. Aujourd’hui, une question est sur toutes les lèvres : la bulle actuelle est-elle prête à éclater ? Mais au-delà des chiffres et des courbes, c’est avant tout un phénomène psychologique qui anime les marchés. Dans cet article, nous plongeons au cœur de cette dynamique fascinante, explorant les leçons apprises du passé et les réflexions de l’investisseur chevronné Howard Marks, qui nous invite – à travers son dernier mémo « On Bubble Watch » – à regarder au-delà de l’euphorie collective. . Face à l’engouement pour l’intelligence artificielle et les géants de la tech, la prudence pourrait-elle redevenir une vertu oubliée ?

Howard rappelle qu’au début des années 2000, les investisseurs ont connu deux bulles majeures : la bulle TMT (tech-médias-télécom) et la bulle immobilière des subprimes. La bulle Internet a éclaté au début des années 2000, suivie par la bulle des subprimes qui a entraîné des prêts risqués et des pertes massives. Ces événements ont incité les investisseurs à se méfier des bulles potentielles.

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui se demandent si le S&P 500 est dans une bulle, notamment avec les « Magnificent Seven » : Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Nvidia, Meta et Tesla. Ces sept géants dominent le S&P 500, représentant environ 32 à 33 % de sa capitalisation, soit le double de ce qu’il était il y a cinq ans. C’est un niveau jamais vu depuis la bulle TMT de 2000. Par ailleurs, les valeurs américaines représentent plus de 70% de l’indice MSCI World, un record depuis 1970. dernier mémoHoward pose donc légitimement la question suivante : sommes-nous confrontés à une nouvelle bulle ?

Il explique que le terme « bulle » est bien ancré dans le vocabulaire financier. Pour lui, une bulle n’est pas qu’une simple hausse des cours boursiers. Il s’agit plutôt d’une période d’exubérance irrationnelle où les investisseurs idolâtrent certains actifs, convaincus qu’ils ne peuvent pas échouer. La peur de manquer quelque chose, ou « FOMO », pousse les gens à acheter à tout prix. Marks souligne que cette mentalité est le signe évident d’une bulle. Il préfère un diagnostic psychologique pour identifier ces périodes, plutôt que de se fier uniquement aux chiffres. Une bulle se forme souvent en trois étapes : après un krach, lorsque l’économie s’améliore et enfin lorsque tout le monde pense que la bonne nouvelle durera pour toujours. Marks nous rappelle que c’est la psychologie des investisseurs qui compte, et pas seulement les événements économiques. Une bulle se caractérise par une participation massive, même de la part de ceux qui ne sont pas des experts financiers.

Comme l’explique HM, les bulles financières naissent souvent de la nouveauté. Il souligne que les investisseurs sont attirés par l’idée que « cette fois, c’est différent ». Les bulles célèbres incluent les Nifty Fifty des années 1960, les sociétés de disques durs des années 1980 et les actions Internet des années 1990. Historiquement, les valorisations élevées sont souvent remises en question par les experts, mais la nouveauté échappe à cette règle. Les investisseurs sont séduits par les succès des personnalités médiatiques, et rares sont ceux qui osent critiquer cette euphorie. Marks compare cela au conte Les habits neufs de l’empereur, où personne n’ose dire la vérité de peur de paraître stupide. Ainsi, beaucoup préfèrent suivre la foule et profiter des gains, même si cela repose sur une illusion.

Howard Marks a débuté sa carrière en 1969 à la First National City Bank, aujourd’hui connue sous le nom de Citi. À l’époque, la banque investissait massivement dans le « Nifty Fifty », un groupe d’actions de grandes entreprises américaines à forte croissance. Ces sociétés étaient considérées comme infaillibles et leurs actions étaient achetées à des prix exorbitants.

Trois raisons expliquent cet engouement : la croissance économique d’après-guerre, l’innovation dans des secteurs clés et l’émergence de « valeurs de croissance ». Cependant, cette bulle a éclaté, et ceux qui ont investi dans le Nifty Fifty ont perdu plus de 90 % de leur capital en cinq ans. Le marché a chuté de moitié en 1973-74, révélant que les actions étaient surévaluées. Cette expérience a appris à Marks que le prix payé est crucial et qu’aucun actif n’est à l’abri d’une surévaluation.

Howard Marks a vécu plusieurs bulles financières, souvent provoquées par des innovations mal comprises ou surestimées. Les nouvelles technologies sont facilement attractives, mais leurs défauts apparaissent en temps de crise. Même les entreprises innovantes peuvent être dépassées par leurs concurrents ou par des technologies plus récentes. Dans les années 1990, l’innovation a explosé, et avec elle l’enthousiasme pour Internet. Les actions liées à Internet ont atteint des niveaux records, mais nombre d’entre elles ont perdu de leur valeur après l’éclatement de la bulle. Les investisseurs surestiment souvent le potentiel des nouvelles entreprises, ce qui conduit à des valorisations excessives. Sans historique, les valorisations sont basées sur la spéculation. Les investisseurs adoptent parfois une « mentalité de ticket de loterie », misant sur le succès improbable des start-up. Cela alimente des bulles spéculatives, où l’optimisme l’emporte sur la prudence.

Historiquement, l’indice S&P 500 s’échange à environ 16 fois les bénéfices annuels, contre 30 fois les bénéfices actuels. Durant une bulle, les actions peuvent se vendre bien au-delà de ce multiple, comme le Nifty Fifty dans les années 1960. Aujourd’hui, les dirigeants du S&P 500, comme Nvidiase négocient à des multiples élevés, mais pas aussi extrêmes, surtout compte tenu de leurs fondamentaux exceptionnels.

Source : Zonebourse

Il ne faut cependant pas oublier le caractère cyclique de certaines de ces activités. Malgré la hausse spectaculaire du BPA (bénéfice net par action) de Nvidia entre 2023 et 2024 – cette dernière est passée de 0,17 USD à 1,19 USD – la société reste néanmoins une valeur cyclique (malgré la part logicielle qui est en croissance). En témoignent ses retraits ces dernières années (-56% en 2018, -66% en 2022).

-

Il semble que les investisseurs misent sur la longévité et la croissance continue de ces entreprises, malgré les risques liés à l’innovation technologique et à la concurrence. Cependant, bon nombre des anciennes stars du marché ont disparu du S&P 500, souvent à la suite de fusions plutôt que de faillites.

Howard M. observe que les investisseurs, lors des bulles, traitent les entreprises leaders comme si elles allaient dominer indéfiniment, ce qui n’est pas toujours le cas. Les bulles naissent souvent d’innovations technologiques ou financières et peuvent s’étendre à des marchés entiers. Dans les années 1990, le S&P 500 a bénéficié de la baisse des taux d’intérêt et de l’engouement pour les actions, avec un rendement annuel moyen de plus de 20 %. Mais cette euphorie a conduit à une surévaluation des actions, suivie d’une chute du S&P 500 entre 2000 et 2002.

Source : Zonebourse

Récemment, le S&P 500 a connu deux années de fortes hausses (+24,23% en 2023 et +23,31% en 2024). Selon lui, les signes actuels incluent un optimisme continu, des valorisations élevées et un enthousiasme pour l’IA.

Marks présente un graphique de JP Morgan qui montre la relation entre le ratio cours/bénéfice du S&P 500 et les rendements sur dix ans, de 1988 à 2014. Il a noté que des valorisations initiales élevées conduisent généralement à des rendements inférieurs. Actuellement, le ratio cours/bénéfice se situe dans le décile supérieur, ce qui pourrait indiquer des rendements futurs modestes, compris entre +2 % et -2 %.

Source : JP Morgan

Plusieurs grandes banques ont également prévu des rendements similaires, comme Goldman Sachs qui prévoit des performances annualisées de 3% pour la prochaine décennie comme l’explique mon collègue Xavier Delmas dans cette vidéo :

Preuve que le prix payé pour un investissement, même à long terme, est important. Si la croissance future déçoit, les multiples de valorisation et les attentes en matière de bénéfices pourraient se corriger en même temps, entraînant une forte baisse et une volatilité accrue. Le marché peut tout aussi bien se latéraliser pendant un certain temps, le temps d’absorber cette valorisation exigeante. Le temps nous dira si les valorisations actuelles sont justifiées, mais les chances sont du côté de la prudence.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

-

PREV De grandes manœuvres dans le secteur financier italien
NEXT Tennis. ATP – Brisbane (D) – Le show Djokovic/Kyrgios continuera ce mercredi