De Diam’s à MC Solaar, quand les rappeurs avaient Jean-Marie Le Pen dans le viseur

De Diam’s à MC Solaar, quand les rappeurs avaient Jean-Marie Le Pen dans le viseur
De Diam’s à MC Solaar, quand les rappeurs avaient Jean-Marie Le Pen dans le viseur

Jean-Marie Le Pen est depuis longtemps une cible privilégiée de la scène rap. Retour sur ces punchlines qui ont visé l’ancien leader de l’extrême droite.

S’il a décrit le rap comme « une attaque barbare contre la poésie », Jean-Marie Le Pen, décédé mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans, a néanmoins été une source d’inspiration pour de nombreux rappeurs. Au cours des trente dernières années, de nombreux artistes ont œuvré pour dénoncer ses positions politiques et la montée de l’extrême droite en .

Selon les données du site spécialisé Rap Minerz, le nom du cofondateur du Front National dominait les références parmi d’autres figures d’extrême droite dans les paroles des artistes au début des années 2000. Tour d’horizon des punchlines les plus percutantes contre Jean-Marie Le Pen.

Montée de l’extrême droite dans les votes

• Hardcore – Idéal J (1998)

En 1995, Jean-Marie Le Pen parvient à recueillir 15 % des voix à l’élection présidentielle. Une partition qui inquiète particulièrement le groupe Ideal J, formé de Kery James, Jessy Money, Rocco, Teddy Corona, Selim du 9.4 et DJ Mehdi.

Dans leur titre Inconditionnelimaginé en 1998 pour représenter le mouvement hardcore du rap français, le groupe rappe son inquiétude face à la montée du Front National en France.

« Le hardcore, c’est la montée en flèche du FN // Le hardcore, sont les mots extrêmes de ce salaud de Le Pen », rappait Kery James en 1998 sur le titre.

Quatre ans plus tôt, le groupe Suprême NTM dénonçait également dans son titre Blanc et noir le racisme et les scores de plus en plus élevés de l’extrême droite. “Dix pour cent pour Le Pen aux élections, c’est une défaite”, rappe Kool Shen dans cette chanson.

• Citoyens hip-hop – Princesse Aniès (2002)

Alors que les scores du Front national continuent de grimper, Jean-Marie Le Pen crée la surprise le 21 avril 2002 en se qualifiant pour le second tour de l’élection présidentielle. En réponse, des millions de personnes se mobilisent dans la rue, mais aussi en musique, pour faire barrage à l’extrême droite.

Entre les deux tournées, un collectif de 17 artistes emmené par la rappeuse Princesse Aniès se réunit pour enregistrer une chanson. Baptisé Citoyens hip-hopce titre dénonce la montée des idées xénophobes et souligne le danger d’avoir un candidat d’extrême droite à la tête de l’Etat.

“Je ne pense plus, maintenant je suis sûr que la démocratie, ce n’est pas Le Pen”, rappe l’artiste Doudou Masta.

Ils encouragent également les Français à se rendre aux urnes pour le second tour : « Au second tour, ne soyez pas stupides, sortez de votre voiture, mec va voter. »

En 2005, l’artiste Soprano revenait également sur ce tournant de l’histoire politique dans sa pièce La colombe. “Victime d’un malaise qui a mis Le Pen au premier tour”, a-t-il rappé.

• Cause et effet – Diam’s (2004)

Lors de l’élection présidentielle de 2007, de nombreux artistes comme le rappeur Diam’s se sont mobilisés pour inciter les Français à ne pas reproduire le scénario de 2002 lors des urnes.

Si l’on connaît le fameux titre de Diam’s, Marindédiée à la fille de Jean-Marie Le Pen où elle invite ses auditeurs à « se faire foutre le Front National », l’artiste a également cité le cofondateur du parti sur sa pièce Cause et effet. Un titre dans lequel Diam’s dresse le portrait des Français qu’elle soutient, défend et représente face à la montée de l’extrême droite. Elle évoque aussi le choc du 21 avril 2002.

“Il y a toute une ville qui n’arrive plus à dormir tranquille/Depuis que Jean-Marie et Marine ont gagné de l’argent en avril”, rappe-t-elle sur ce morceau.

Le « détail de l’histoire »

• Vissez le système – Sniper (2004)

De nombreux rappeurs ont dénoncé les propos négationnistes de Jean-Marie Le Pen, tenus en 1987 sur RTL. Le cofondateur du FN est interrogé sur les chambres à gaz, utilisées par les nazis pour assassiner les Juifs dans les camps d’extermination. Une méthode qu’il qualifie ensuite de « point de détail dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ».

“Si Auschwitz n’est qu’un détail, c’est parce que Le Pen est un sale cochon”, gronde Mac Tyer, du groupe Sniper, dans l’article Vissez le système sorti en 2004.

• Impact avec le diable – MC Solaar (2007)

Trois ans plus tard, c’est MC Solaar qui fait référence à cette phrase de Jean-Marie Le Pen dans la chanson Impact avec le diableextrait de son album Chapitre 7. Ce titre, qui appelle les jeunes à se dresser contre une vague menace, s’ouvre sur un extrait du discours d’Adolf Hitler, suivi de la voix de Jean-Marie Le Pen qui déclare : « Je crois que c’est un point de détail… »

« J’ai la boite aux lettres du diable, son triple W // Il mène une double vie, nous envahit comme V // Dis-lui qu’on flippe ap, dis-lui qu’on est en forme // Sur la ligne de départ- bloque pour l’impact avec le diable », a alors rappé MC Solaar.

• L’avenir est un long passé – Manau (1998)

Ce parallèle entre Adolf Hitler et Jean-Marie Le Pen se retrouve dans d’autres textes de rap. Déjà en 1998, Manau mettait en garde contre le bégaiement de l’histoire dans le titre L’avenir est un long passé:

« Est-ce que tout recommence ? Avons-nous perdu la tête ? // Parce que j’ai vu le mal qui s’installe petit à petit sans aucune moralité // Être à la télé pour lui est devenu normal // Comme à chaque fois, avec un nouveau nom // Après le nom d’Hitler, j’ai entendu le nom du Front.

En 2015, S-Pi raconte une aventure avec une jeune fille issue d’une famille aux sympathies d’extrême droite dans la chanson Abdoulaye Le Pen: “Son père était un Hitler version FN / Dont l’idéologie me faisait penser à Jean-Marie Le Pen.”

Héritage dans les années 2010-2020

Si le rap était très engagé et antipolitique à ses débuts en France dans les années 90-2000, le genre s’est progressivement dépolitisé au cours des vingt dernières années, comme l’analyse Rap Minerz.

Selon le site spécialisé qui compilait les noms des personnalités politiques d’extrême droite les plus citées du rap français, celui de Jean-Marie Le Pen, autrefois parmi les plus cités, est en déclin depuis la fin des années 2010.

Par ailleurs, la transformation du Front National en Rassemblement National et la stratégie de dé-diabolisation du parti ont mis en lumière d’autres dirigeants, comme Marine Le Pen, fille de Jean-Marie, et Jordan Bardella, actuel président du parti. C’est désormais sur eux que se concentrent les critiques à l’égard des rappeurs.

Néanmoins, la figure de Jean-Marie Le Pen réapparaît de temps à autre dans les textes de la nouvelle génération. En 2010, dans une ancienne version de leur titre MarcBigfllo & Oli ont raconté l’arrivée au paradis d’un piéton déchu : “Là-haut, pas de racistes, pas de pétrole, pas d’ennemis (…) Pas de haine, de la part de Jean-Marie Le Pen.”

“Je suis obscur, je ne dors que d’un œil comme Jean-Marie Le Pen”, rappait encore Dinos dans “Les Pleurs du mal” en 2018, en référence à l’œil de verre du fondateur du FN.

« Je vais sauver le mien avant le tien, grand, sinon, ça vaut pas le coup // Mais sauver le tien avant les autres, grand, c’est ça le programme Le Pen », dit Vald l’année suivante. Journal perso II.

Ces dernières années, un épiphénomène inverse a commencé à émerger : celui des rappeurs qui se réclament des valeurs de l’extrême droite. Des artistes qui se font essentiellement un nom sur les réseaux sociaux et parviennent parfois à attirer l’attention sur eux. Comme Millésime K, 791 000 abonnés sur TikTok, qui a fait des vagues au printemps 2023 avec une série de concerts polémiques. Ou encore Kroc Blanc qui, en 2015, sortait un titre hommage à Jean-Marie Le Pen, #JMLP.

Carla Loridan et Benjamin Pierret

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV « De nombreuses menaces ne se matérialisent pas »
NEXT Mais où sont passés les Français qui achètent des voitures neuves ?