Espoir sans frontières par Joanne Liu

Espoir sans frontières par Joanne Liu
Espoir sans frontières par Joanne Liu

Face aux conflits en Ukraine et à Gaza. Face à la crise climatique, au sort des migrants et aux répercussions imprévisibles du retour de Donald Trump, la planète tourne plutôt au carré en ce début d’année 2025.

Mais la pédiatre Joanne Liu en a vu d’autres. Beaucoup d’autres.

Plusieurs événements ont mis à l’épreuve l’éternel optimisme du médecin québécois qui a présidé l’organisation internationale Médecins sans frontières (MSF) de 2013 à 2019.

Une période folle, houleuse, dangereuse à plusieurs égards qu’elle raconte dans son livre passionnant Ebola, bombes et migrantspublié en octobre chez Libre expression.

L’ouvrage, écrit avec le journaliste et ancien sénateur André Pratte, s’articule autour de trois événements marquants de sa présidence.

Le premier, le terrible virus Ebola qui a particulièrement touché le Libéria, la Guinée et la Sierra Leone en 2014. La communauté médicale de la planète a été confrontée à cette épidémie sans précédent qui a obligé à repenser les façons de faire et a contribué à l’accélération de la recherche vaccinale.

Dr Joanne Liu sur le terrain en pleine épidémie d’Ebola. (Médecins sans frontières)

Joanne Liu évoque également en détail l’hôpital de Kunduz en Afghanistan bombardé par l’armée américaine le 3 octobre 2015. La bévue a fait 42 morts.

L’erreur pour laquelle l’administration Obama s’est excusée a profondément ébranlé MSF.

« Nous n’avons jamais perdu autant de collègues dans un seul incident », déclare le Dr Liu. Nous avons perdu des amis, nous avons perdu des êtres chers », a déclaré Joanne Lui dans une interview avec Soleil.

A l’époque, elle n’avait pas hésité à exprimer ses pensées au président américain Barack Obama lors d’un appel téléphonique relaté dans le livre.

MSF a exigé une enquête indépendante sur la tragédie et, président ou pas, à l’autre bout du fil, Joanne Lui n’allait pas se contenter de plates excuses.

Le troisième élément essentiel du passage de Joanne Liu à la tête de MSF est la crise migratoire de 2015, qui s’est amplifiée avec la guerre civile en Syrie.

Le sort réservé aux déplacés détenus en Libye a failli la faire s’effondrer.

Elle n’avait jamais vu une telle « cruauté humaine à l’échelle industrielle », malgré ses décennies passées à affronter le pire de la planète.

« Toutes les personnes qui travaillaient dans les centres de détention en Libye étaient extrêmement perturbées, extrêmement choquées. C’est quelque chose qui m’a vraiment dévasté à l’époque », admet le Dr Liu.

Le sort des migrants résonne particulièrement pour cette fille d’un immigrant chinois, restauratrice à Limoilou. Ces populations recherchent un avenir meilleur, osant tout laisser derrière elles, quitte à risquer gros.

« Tout le monde est humain. Tout le monde a des enfants, une femme, un père, une mère. Il existe des valeurs universelles », rappelle-t-elle. « Le désir des parents d’offrir un avenir à leurs enfants est universel. Et pour cela, il n’y aura jamais de mer trop dangereuse. »

Pas question d’« open bar » en immigration, nuance le docteur. Mais elle souhaite que nous considérions les crises migratoires comme des destinées humaines plutôt que de simples statistiques.

Un peu plus d’humanité nous aide à nous unir et à nous reconstruire. C’est pourquoi Joanne Liu a choisi d’écrire son livre.

Ebola, bombes et migrants raconte trois événements marquants par Joanne Liu avec Médecins sans frontières.
(Jocelyn Riendeau/Le Soleil)

Mettre sur papier son expérience avait pour objectif de mettre en perspective ces images mouvantes, de les partager pour éclairer son passage en tant que présidente. S’adresser aussi aux jeunes, comme ceux qu’elle côtoie quotidiennement dans son travail aux urgences de l’hôpital Sainte-Justine.

« Il s’agit aussi de tourner la page. Je ne serai plus aussi bon que je l’étais dans cet engagement. Je ferai toujours des missions, je serai toujours disponible pour elles. Mais je n’aurai plus ces responsabilités. C’est une grande perte de quitter MSF.»

Un deuil que le Dr Liu a choisi de partager avec le public dans un langage clair et simple, qui vulgarise à merveille les conflits internes et les débats à Médecins sans frontières.

Et elle a eu l’heureuse impression d’avoir touché la cible lors du lancement de son livre à la Librairie du Quartier à Québec le 14 novembre dernier.

Dans le magasin bondé, elle a vu des étudiants, des gens de tous horizons. « Je me suis dit qu’il n’y aurait que des médecins dans la salle. Mais il n’y en avait presque pas », se réjouit Joanne Liu.

“J’ai dit : Mon Dieu, je pense que nous avons gagné notre pari.”

Le pari de l’espoir. Sans frontières.

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