Québec serre la vis aux groupes de médecine familiale (GMF) pour accroître l’accès aux patients. Des plages horaires seront réservées aux petites urgences, les financements seront liés à la disponibilité des médecins, l’intelligence artificielle est aussi appelée à la rescousse.
- pour les urgences mineures
Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a publié mercredi son nouveau Programme de financement et d’accompagnement professionnel des groupes de médecine familiale (GMF) dans lequel il introduit de nouvelles règles.
Chaque GMF devra désormais réserver 5% de ses plages horaires aux petits problèmes de santé de ses patients inscrits. C’est-à-dire que la clinique doit être en mesure de rendre disponible les patients qui auront besoin d’une consultation, comme pour une otite ou une infection urinaire, et éviter qu’ils se retrouvent aux urgences.
L’objectif est de désengorger les urgences et de proposer une solution alternative pour les cas moins urgents. À l’inverse, un patient qui se présente aux urgences pour un problème de santé mineur pourra également être redirigé vers son GMF. Ce qui change, c’est que l’obligation pour un GMF de disposer de 5 % des plages disponibles est liée à une partie de son financement.
Conditions de financement
D’ailleurs, 20 % du financement annuel versé par Québec aux GMF sera conditionnel à l’atteinte de deux indicateurs d’accès : 5 % pour les urgences et la disponibilité des médecins, ce qu’on appelle dans le jargon le « taux d’assiduité ». Le taux de fréquentation permet de quantifier la disponibilité d’un médecin envers ses patients. Il mesure la proportion de visites de patients confiés à un médecin par rapport à l’ensemble des visites effectuées dans le réseau par ces mêmes patients.
Cela détermine essentiellement si le médecin de famille est disponible pour ses patients enregistrés. Le taux de fréquentation doit atteindre 80 % pour que la clinique reçoive la totalité de son financement. Cet indicateur est mesuré depuis plusieurs années, mais n’a eu aucun effet sur l’enveloppe financière, explique-t-on. La tranche de 20 % du financement annuel sera désormais versée le 31 décembre si le FMV a atteint les objectifs.
Pour l’instant, la fréquentation moyenne des médecins de famille atteint 89,6%. Québec explique qu’en resserrant les critères, il pourra s’assurer que le taux de fréquentation soit respecté dans chacun des GMF. Le MSSS débloque 300 millions par année pour le fonctionnement de quelque 400 GMF au Québec. À cela s’ajoutent les 130 millions pour l’accord Front Line Access Counter (GAP).
Un filtre de pertinence
Québec utilise l’intelligence artificielle pour appliquer un nouveau « filtre de pertinence » qui permettra un premier tri dans l’attribution des rendez-vous médicaux. L’information a également été rapportée par La presse en novembre1.
La technologie de l’entreprise québécoise Vitrai oriente les patients vers le bon professionnel – médecin, infirmière, physiothérapeute, pharmacien, travailleur social – en leur posant une série de questions générées par l’intelligence artificielle. Actuellement, la technologie est déployée dans environ 70 cliniques. Une clinique au Québec – qui utilise Vitrai – a notamment pu proposer 400 rendez-vous supplémentaires en un mois en orientant le patient vers le bon service.
Tous les GMF de la province devront utiliser Vitrai d’ici l’année prochaine, est-il indiqué. Ce filtre sera utilisé dans les GMF, mais sera également intégré aux plateformes de prise de rendez-vous en ligne, comme le portail unique Vos Santé – un engagement électoral de la Coalition Avenir Québec –, qui doit être implanté l’an prochain. L’utilisation de Vitrai coûtera au Québec 40 millions sur quatre ans.
Déception chez les médecins généralistes
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) se dit déçue des choix du gouvernement, qui n’a pas accédé à leur demande d’augmenter le financement alloué aux GMF2. Selon le syndicat des médecins, l’enveloppe budgétaire de 300 millions n’est plus suffisante pour couvrir la hausse de l’inflation et l’augmentation des coûts, comme le loyer. Cela a pour effet de limiter l’offre du GMF, précise le porte-parole de la FMOQ, Stéphane Gosselin.
La FMOQ a également fait part de ses craintes au MSSS concernant l’utilisation du filtre de pertinence. « On craint que la personne se retrouve dans une impasse. C’est-à-dire que si la technologie lui dit qu’elle ne doit pas consulter un médecin, mais un physiothérapeute, eh bien, est-ce qu’on s’assure qu’elle pourra le voir ? Ce n’est pas encore clair», explique-t-il. La FMOQ n’a pas précisé dans quelle mesure elle souhaitait que l’enveloppe financière du FMV soit augmentée.
1. Lire la chronique « Une PME embauchée pour gérer le trafic de santé »
2. Lire le dossier « Fermeture de la Polyclinique de Pointe-aux-Trembles : des patients « ont l’eau à la bouche » »