Jaguar parie sur son avenir avec un virage électrique audacieux, mais la rupture brutale avec son passé emblématique est choquante. Génie ou naufrage annoncé ? C’est la question abordée par l’éditorial de Watt Else du 5 décembre 2024.
Quand on pense à Jaguar, chacun se souvient d’un souvenir différent : des voitures élégantes ou le rugissement d’un moteur légendaire. Le charme Tellement britannique de la marque anglaise iconique, au logo emblématique, a traversé les décennies. Mais aussi attractive soit-elle, cette aura ne suffit plus pour survivre en 2024.
À grands maux, grands remèdes : Jaguar a entrepris une transformation radicale de sa stratégie, de ses produits et de sa communication. La marque a décidé de tout miser sur une gamme de véhicules de luxe 100% électriques pour séduire une toute nouvelle clientèle. Autant dire que dans le contexte actuel, cela équivaut à aborder l’ascension de l’Everest… en talons aiguilles. Une mission périlleuse, que la marque a d’ailleurs décidé de braver en se coupant de tout soutien public. Seul contre tous, c’est une posture unique.
On efface tout et on recommence
De nombreuses marques sont déjà passées par là. Pourtant, Jaguar pourrait bien devenir un véritable cas d’école. Pas pour les bonnes raisons, malheureusement. Les étudiants en communication et marketing regarderont probablement cette histoire comme on analyse un célèbre naufrage : fascinant, mais dramatique.
En rompant brutalement avec 100 ans d’histoire, Jaguar a commis un crime de lèse-majesté aux yeux du public. Son nouveau logo et sa communication flamboyante détonnent totalement avec le monde automobile. Trop coloré, trop moderne, soi-disant aussi » réveillé » et surtout pas assez Jaguar. Jamais auparavant nous n’avions vu un tel consensus… dans les critiques. Les réactions ont été dures, parfois carrément violentes.
Pourtant, ironiquement, nous n’avions jamais autant parlé de Jaguar. Pour une marque en si mauvais état, cet élan d’attention est presque un cadeau inattendu.
Un avenir qui divise
Tous les regards étaient tournés vers Miami le 2 décembre, où Jaguar a dévoilé sa vision du futur. Cependant, la polémique autour de l’avenir de la marque est loin d’être terminée. L’un des slogans — « Ne rien copier » (« ne copiez rien ») – se retourne même contre elle tel un boomerang. Pour une création se voulant unique, le résultat semble étrangement familier : un mélange de Rolls-Royce Specter et d’un concept Saab conçu par le même designer.
L’avenir de Jaguar ? Un coupé deux places de la longueur d’une limousine, avec un capot interminable et des lignes acérées. Un hommage aux voitures d’avant-guerre mâtiné du futurisme d’un Cybertruck, le tout disponible en rose Miami ou bleu Londres, comme Barbie. Rien de logique, rien de rationnel, juste de la pure exubérance. Même avec 1 000 ch et 700 km d’autonomie annoncés, difficile de se convaincre.
« C’est normal de ne pas l’aimer », a assumé le directeur créatif de Jaguar, Gerry McGovern, lors de la présentation. L’homme se justifie en affirmant que les créateurs anglais ont pour habitude de créer des polémiques. Il ne reste plus rien du félin que nous avons connu autrefois, Jaguar évolue désormais dans un monde absurde et surréaliste, à l’image du personnage fictif de la Panthère Rose.
A qui acheter ?
Une énigme demeure : qui achètera une Jaguar en 2026 ? La clientèle historique, profondément indignée par le virage pris, n’a pas digéré cette trahison des valeurs de la marque. Pour eux, Jaguar s’est renié en troquant son héritage pour suivre les tendances éphémères des réseaux sociaux. Le concept Jaguar Type 00 a peut-être séduit quelques passionnés, mais est-ce suffisant ?
La marque s’adresse désormais à une clientèle jeune, branchée et aisée, prête à débourser plus de 130 000 € pour des voitures électriques aussi luxueuses que démesurées. La dernière marque à avoir tenté ce périlleux exercice, Faraday Future, peut se targuer d’en avoir vendu quelques dizaines d’exemplaires. Même si cela impliquait de se concentrer sur des designs décalés, Jaguar aurait pu s’offrir Fisker – au moins cela aurait eu un peu de panache.
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