Les agences de publicité connaissent une profonde transformation. Ils s’éloignent de l’image que l’on se fait de leur travail, à savoir des équipes de créatifs passant des nuits blanches à chercher LA bonne idée qui marquera à jamais l’esprit des consommateurs et remportera un Lion à Cannes.
En 2024, les dépenses marketing des grandes entreprises diminueront de 15 %, selon le cabinet Gartner, ce qui touchera particulièrement l’aspect traditionnel des agences de publicité, notamment le développement des marques.
Le ralentissement de l’économie y est pour quelque chose, mais aussi le bouleversement de la distribution et des pratiques dans les médias, à tel point que la question se pose : la fin des agences de publicité est-elle pour bientôt ?
En entrevue, j’ai posé la question délicate à Mélanie Dunn, PDG de Cossette, l’une des plus importantes au Canada, avec ses 800 employés et 800 millions de dollars en placements médias pour le compte de clients.
« C’est une bonne question ! Cela pourrait effectivement être la fin de certaines agences. Il existe actuellement plusieurs courants. Si nous restons comme avant, nous deviendrons rapidement obsolètes », m’a dit le manager de 52 ans d’un ton calme.
Mélanie Dunn assure toutefois que ce n’est pas la fin de Cossette. Au cours de ses 52 années d’existence, l’agence a résisté à plusieurs tempêtes, économiques et autres, qui l’ont rendue résiliente.
«Nous avons une grande maturité professionnelle, avec des réussites et des échecs, et de la rapidité quand vient le temps de faire un investissement ou d’abandonner une pratique», me dit-elle dans son bureau plutôt exigu du 525 Viger Ouest, dont le 4e L’étage a été sous-loué par Cossette à Shopify.
Cossette adopte notamment les nouvelles technologies de marketing – appelées martechs – qui utilisent des bases de données pour toucher directement les consommateurs, sur toutes les plateformes. Un exemple ? Envoi d’emails personnalisés aux consommateurs en fonction de leurs besoins.
Ces martechs ont explosé ces dernières années, à tel point qu’ils accaparent désormais 24% des budgets marketing des entreprises.
Pour suivre ces changements, Cossette s’appuie notamment sur sa société mère, Plus Compagnie Canada (1 365 employés, incluant ceux de Cossette), dont Mmoi Dunn est le président.
Concrètement, Plus Compagnie a notamment acquis il y a un an l’entreprise montréalaise Munvo (125 employés), experte en martechs.
« Même si une franchise de notre groupe est en déclin, d’autres sont en croissance. La diversification de nos services et de nos clients nous aide », déclare M.moi Dunn, selon qui l’ensemble du groupe est en croissance, si l’on inclut des acquisitions comme Munvo.
Il y a 25 ans, explique-t-elle, un plan média ciblait la télévision, la radio et les journaux. Aujourd’hui, un plan média peut cibler 200 plateformes, dont certaines sont très niches, ce qui rend la planification du mix média beaucoup plus complexe, d’autant que l’audience est très fragmentée.
Cossette conseille toujours ses clients sur les meilleures façons de rejoindre leurs consommateurs. Mais l’agence dispose désormais d’outils techniques sophistiqués lui permettant d’évaluer les meilleures performances d’une campagne, en termes d’audience et de qualité.
Groupes de discussion (groupes de discussion) les données dites synthétiques sont un bon exemple d’utilisation des données et de l’intelligence artificielle. Grâce à une immense base de données, Plus Compagnie parvient à prédire les réponses d’un groupe en fonction de sa composition, du contexte, du jour, de la température, bref, à faire un groupe de discussion…sans groupe !
« Nous avons aussi des communautés d’influenceurs avec qui nous travaillons. Et nous essayons de comprendre. Nous avons des données sur le nombre de personnes qui les suivent, les caractéristiques de ces followers, l’efficacité des interventions des influenceurs », me dit-elle.
The Chinese and the Caisse de dépôt
L’un des moments importants de l’histoire récente de Cossette a été l’entrée au capital, à la fin de 2021, de la Caisse de dépôt et placement du Québec et de la société de capital de risque CVC Capital Partners. Les deux sociétés ont permis à l’entreprise d’investir dans de nouvelles technologies, de développer des plateformes de gestion client et de réaliser une acquisition.
Depuis 2014, Cossette appartient à la société chinoise BlueFocus International. La présence de cet actionnaire lui a permis de se développer, notamment en Asie et en Europe, mais l’agence a souffert, entre autres, du refroidissement des relations Canada-Chine à partir de 2015.
“Aux États-Unis, nous n’avions pas le droit de procéder à une acquisition, étant donné que nous étions dans un secteur à haut risque d’incidents affectant la confidentialité et la sécurité de l’information”, me raconte M.moi Dunn.
En 2021, la Caisse et CVC ont donc acquis conjointement une participation majoritaire dans ce qui est devenu Gestion Plus Compagnie International.
Cette entreprise regroupe aujourd’hui 2 600 employés répartis dans 25 agences créatives ou spécialisées, dont Plus Compagnie Canada et Cossette. Ces agences sont implantées dans 12 pays en Amérique du Nord, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique.
Aujourd’hui, la participation de la Caisse et de CVC est détenue par l’intermédiaire d’une société du Delaware, aux États-Unis, et le deuxième actionnaire de Plus International est Blue Valor, de Pékin, en Chine, selon le registre des entreprises du Québec.
Dans ses états financiers, le Fonds attribue à cet investissement une valeur comprise entre 50 et 100 millions.
Malgré cette présence chinoise au capital, Plus Compagnie ne rencontre plus le même type de problèmes, m’assure Mélanie Dunn, grâce à des règles de gouvernance strictes. La moitié du chiffre d’affaires de Plus International se fait à l’extérieur du Canada, comparativement à 25 % pour Cossette.
Que sera devenue l’industrie – et Cossette – dans cinq ans ? Mélanie Dunn refuse de commenter. D’autre part, elle parle de « l’optimisation constante, de l’adaptabilité aux changements, de la course à l’innovation, de la capacité à comprendre quelles innovations peuvent créer de la valeur ».
Bref, pour Mélanie Dunn, la créativité ne doit plus seulement servir à faire du bien taches TV, mais aussi pour trouver des innovations pour alimenter les nouvelles capacités technologiques dont dispose l’industrie.