Plus de 450 millions de tonnes : c’est la quantité de plastique produite rien qu’en 2019 selon l’OCDE. Un chiffre astronomique qui a doublé en moins de 20 ans et pourrait dépasser les 700 millions de tonnes d’ici 2040 sans une politique coercitive forte, projette l’organisation.
Face à ces résultats et soutenus par une législation en évolution, certains acteurs recherchent des alternatives. Celui du recyclage en premier lieu, confirme Sylvie Charrel, directrice des opérations du pôle de compétitivité Polymeris, dédié aux caoutchoucs, plastiques et composites, qui évoque « une forte demande de matières premières recyclées en raison de la réglementation ».
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« Les polymères ont fait d’énormes progrès en matière de recyclage. Par exemple, l’entreprise 1-08, qui recycle les box internet, obtient une pastille très proche de son état initial. », explique Bénédicte Durand, présidente du groupe Altheora et du syndicat professionnel de la filière plastique et composites, Polyvia, en Auvergne Rhône-Alpes. Région qui accueille une proportion importante d’entreprises du secteur, explique Simon Gourgaud, directeur des affaires publiques territoriales et des partenariats du syndicat, avec la Plastics Vallée, à Oyonnax (Ain), pour épicentre.
Une multitude d’alternatives
Au-delà du recyclage, de multiples alternatives émergent sur le plan de la production, via les biopolymères, les polymères biosourcés ou la création de nouveaux matériaux. La société lyonnaise Reus-eat remplace ainsi la vaisselle jetable par des couverts solides et réutilisables fabriqués à partir de drêches de bière, un produit co-céréalier qui présente un autre avantage, celui d’être compostable.
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A à quelques kilomètres, la société ligérienne Lactips, qui vient de lever 16 millions d’euros, développe depuis dix ans un polymère hydrosoluble et biodégradable à base de protéines naturellement présentes dans le lait : la caséine. Une caractéristique qui confère des propriétés barrière au papier et offre à la solution, protégée par huit brevets, de multiples débouchés. Le premier étant le marché de l’emballage.
Le Futerro belge illustre également ce virage vers les plastiques d’origine végétale. Pour un investissement de 500 millions d’euros, l’industriel du plat pays va construire, au cœur du complexe pétrochimique de Port-Jérôme en Seine-Maritime, ce qui est présenté comme « la première bioraffinerie d’Europe ».
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Livrable en 2027, l’usine sera la jumelle de celle que le groupe exploite déjà en Chine. Elle produira 75 000 tonnes de granulés de plastique PLA (acide polylactique) biosourcés, recyclables et compostables industriellement. “ Cette transition du carbone fossile vers la chimie végétale va dans le sens de l’Histoire. C’est la voie à suivre pour l’industrie européenne », en déduit Frédéric Van Gansberghe, PDG de Futerro. Cet appel au grand air s’illustre par la longue liste d’initiatives en la matière : Dionymer à Bordeaux, l’automobiliste Forvia via sa filière Matéri’Act près de Lyon ou encore Barksem au Brésil, pour ne citer qu’elles.
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Le cycle de vie, un enjeu majeur
Les industriels ne sont pas les seuls à se mobiliser sur la question. Le monde de la recherche est à l’unisson. À l’Insa par exemple, le projet Ademabio vise à développer des films biopolymères pour l’industrie de l’emballage, compostables et méthanisables. Ces innovations présentent néanmoins « certaines limites », souligne Laurent Massacrier, fondateur de Green Business & Consulting Company (GBCC), cabinet de conseil en bioplastiques et solutions environnementales. Elle appelle à distinguer clairement deux points : l’origine du plastique, issu d’énergie fossile ou non, et son cycle de vie (compostable, recyclable ou non). Parce que “on peut avoir un polymère issu du pétrole et biodégradable et à l’inverse, un plastique biosourcé qui ne l’est pas”. Ce qui ajoute une couche supplémentaire de complexité au sujet. « Il faut que cela ait du sens sur les deux axes » il croit.
« Les polymères biosourcés ont une autre contrainte pour les clients, pointe Sylvie Charrel. Ils doivent payer une taxe supplémentaire, car il n’y a pas de filière pour recycler ces matières, les volumes à traiter ne sont pas suffisants. Sylvie Charrel évoque néanmoins le projet Futerro qui pourrait répondre, dans une certaine mesure, à cette problématique. L’entreprise belge a en effet choisi d’adjoindre à son usine une unité de recyclage chimique et mécanique.
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Le développement de cette nouvelle génération de polymères nécessitera également une communication autour du tri à effectuer. Autre bémol pointé par Bénédicte Durand : la difficulté d’utiliser des produits non pétrochimiques dans certains domaines comme « médical ou alimentaire par exemple, pour lesquels le plastique présente souvent des avantages en matière de sécurité ».
La question du financement et des coûts
À cela s’ajoute une autre question, bien plus cruciale : les clients accepteront-ils de supporter le surcoût de ces nouveaux produits ? Pas si sûr. Parce que si des clients potentiels « ont besoin de plus en plus d’informations, ils acceptent difficilement les prix des produits biosourcés ou recyclés », notons en tandem Sylvie Charrel et Bénédicte Durand. En ce sens, « la réglementation peut parfois être un atout », glisse ce dernier qui souligne néanmoins une tendance à la surtransposition en France.
Reste enfin le point le plus fragile pour favoriser l’arrivée de nouveaux matériaux : l’impulsion publique. A commencer par le financement des projets de R&D qui est nécessaire alors que les aménagements du Crédit Impôt Recherche (CIR) sont en cours. Le président de Polyvia en Auvergne-Rhône-Alpes souligne l’importance de ce dispositif. C’est un enjeu de compétitivité, insiste Simon Gourgaud. « Nous ne sommes pas en retard mais plusieurs pays travaillent sur ce sujet. Et leur processus de prise de décision est plus rapide » acquiesce Laurent Massacrier. Ce qui appelle également à plus de clarté sur les politiques décidées.
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Une référence au décret de 2023, tiré de la loi Agec de 2020, qui interdisait les emballages plastiques des fruits et légumes dont l’emballage était inférieur à 1,5 kilos et qui a été réaffirmé par le Conseil d’État début novembre. Avec le risque, si les revirements se multiplient, d’entamer la confiance des constructeurs.