Pourquoi est-il important d’être présent pour l’inauguration du Belvédère, ce quartier émergent de la rive droite de Bordeaux ?
Il n’y a de plaisir en ville que s’il y a de plaisir à vivre ensemble, et c’est tout l’enjeu du projet Bordeaux Belvédère. Il s’agit d’une inauguration importante, tout à fait cohérente avec la raison d’être de Nexity et notre capacité à créer un quartier de ville apaisé et accessible à tous. Belvédère est emblématique par sa mixité d’usages : logements, bureaux – nous y avons également installé notre siège régional –, résidence pour les étudiants de Nexity Studéa, équipements culturels, commerces… Au total, 140 000 m2 surface au sol !
Belvédère symbolise pour nous une terre de conquête : au moment de l’appel d’offres, la demande était de donner envie aux Bordelais de traverser le fleuve… Finalement, l’opération a réussi. La preuve : nous avons très bien vendu ce nouveau quartier qui favorise le vivre-ensemble et qui constitue l’une des plus grandes opérations d’aménagement de France.
Vous rédigez actuellement un essai intitulé « In Praise of Cities ». Pourquoi ce travail ?
J’ai une passion pour les villes. J’ai travaillé douze ans à la Ville de Paris comme directeur financier puis secrétaire général aux côtés de Bertrand Delanoë, qui avait une vraie vision urbaine. Et je travaille depuis huit ans dans le groupe Nexity, premier opérateur urbain en France. Je suis un praticien de la ville depuis vingt ans, convaincu et optimiste sur ce sujet. J’aime les villes, petites, moyennes, très grandes, à qui l’on reproche souvent tous les maux alors qu’elles sont aussi des lieux de vie extraordinaires. Avant les Jeux Olympiques, beaucoup disaient que Paris serait l’enfer sur terre, alors que nous vivions tous cette ville comme magique…
Il faut libérer la ville des comptes à rebours et de l’angoisse du temps qui nous reste d’ici 2050. Je veux que nous construisions cette ville de 2050 maintenant ! Le Belvédère en est un bon exemple. La ville a été conçue pour que les gens puissent vivre bien tout de suite, sans attendre. L’audace représentée par le Belvédère, rive droite, est une audace qui paie, c’est une vision optimiste de la ville d’aujourd’hui et de demain.
Ce livre est-il un travail d’observation ou de conviction ?
C’est un constat et c’est l’expression de ma conviction. La ville durable, c’est la nature dans la ville, la vraie nature, visible, viable. La ville verte et durable est aussi une ville régénérée, capable de transformer les parkings en logements, les bureaux en logements… La ville verte est aussi celle d’une densité qui se conçoit en travaillant sur la beauté des espaces publics. Une ville verte facilite la promenade et donc la santé. La ville verte doit favoriser le vivre ensemble : c’est ce que j’appelle la ville bleue.
« Il y a quelques années, nous construisions 450 000 logements par an en France. L’année prochaine, nous n’en produirons que 200 000. »
Qu’entendez-vous par ville bleue ?
C’est une ville accessible à toutes les catégories sociales, une ville apaisée qui permet à toutes les générations de vivre ensemble. Pour cela, la ville, comme les acteurs qui la font, doivent se transformer. J’ai fait le choix de transformer Nexity en profondeur, et nous nous sommes recentrés sur deux métiers, créer la ville verte en tant qu’aménageur et promoteur, comme au Belvédère, et créer la ville bleue en tant qu’aménageur exploitant. Toujours au Belvédère, nous remplirons ce rôle en restant exploitant de la résidence étudiante de 124 chambres.
La crise a fragilisé le secteur, elle limite en effet sa capacité à innover et à préparer au mieux la ville de 2050, mais il faut trouver les moyens de relancer le secteur et l’innovation pour réinventer la ville et pouvoir à nouveau faire l’éloge des villes… Ce livre est rouge, couleur de la vie, de l’action, de l’audace. Il vise à accélérer la ville verte et la ville bleue.
La crise que vous évoquez est d’une ampleur sans précédent, on parle actuellement de 10 000 suppressions d’emplois par mois dans le secteur de la construction…
Il y a quelques années, 450 000 logements étaient construits par an en France. L’année prochaine, nous n’en produirons que 200 000. Que vont devenir les entreprises du BTP ? Même si je pense que la baisse des taux d’intérêt pourrait raviver l’appétit des ménages pour l’accession à la propriété, l’investissement immobilier est au point mort. Nous nous battons pour redonner l’accès à la propriété aux primo-accédants en proposant des montages financiers incluant des prêts à taux zéro.
Mais notre plus gros problème actuellement est le déclin des investissements privés dans le logement. Il nous manque encore une véritable politique du logement, il nous manque également une politique d’aménagement du territoire. Cela fait trois ans que je dis qu’on va vers la catastrophe pour les Français qui ne trouvent plus de logement et on me dit “non, ça ira”. Je dis aussi que plus nous attendons, plus le coût social de cette crise sera élevé, et nous y sommes.
« Valérie Létard, ministre du Logement, comprend nos enjeux et je pense que l’actuel ministre de l’Économie [Armand Saint-Martin] est ancré dans la réalité »
Le plus dur est peut-être derrière vous, mais quel est l’impact social de la crise actuelle pour Nexity ?
Comme tout secteur qui perd 40% de son activité, l’immobilier souffre terriblement. Nexity a traversé la crise en recentrant ses activités et en adaptant sa taille à celle du nouveau marché. Nous supprimons 500 postes, soit près de 20 % des effectifs de promotion et des fonctions supports associées. Nous avons recalibré nos offres en septembre dernier et nous avons constaté un retour des primo-accédants, qui préfèrent acheter que louer. Nous avons mis en place une offre de prêt bonifié à taux zéro en partenariat avec LCL. Nous travaillons également sur des enjeux environnementaux et économiques forts pour nos clients, comme la consommation d’eau de nos logements par exemple…
Bref, nous nous battons mais dans un climat d’incertitude qui reste très élevé. La bonne nouvelle, c’est que lorsque je parle à Valérie Létard, la ministre du Logement, elle sait, elle comprend nos enjeux, et je pense que l’actuelle ministre de l’Économie [Armand Saint-Martin, NDLR] est ancré dans la réalité.
(1) “In Praise of Cities”, by Véronique Bédague, Éditions de l’Aube, “Paroles d’Acteurs” collection, 192 pages, 18 euros.