Des ventes en croissance de 8% pour Biocoop depuis le début de l’année, et de 5% pour Naturalia, la nouvelle a de quoi réjouir les acteurs du secteur. Les deux leaders du secteur ont présenté leurs perspectives lors de conférences de presse successives les 5 et 6 novembre.
Ils ont traversé les mêmes tourments après le ralentissement de 2021, qui a mis fin à dix belles années de croissance continue du bio. Et ont fait preuve de résilience face à la crise, comme l’exprime clairement Henri Godron, président de la coopérative Biocoop : « La crise a impacté notre modèle, le bio a raté une étape. Nous nous sommes accrochés à la balustrade et avons continué à monter les escaliers. »
Raconter une histoire
Le parallèle s’arrête là. Les deux spécialistes partagent des similitudes sur environ un tiers de leur offre et la volonté de proposer des produits sains à des prix abordables. Pour le reste, rien de comparable. A commencer par leur taille. Avec 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour 740 magasins répartis dans toute la France, Biocoop est le poids lourd du bio tandis que Naturalia, née en 1973 et rachetée en 2008 par Monoprix, n’a jamais franchi les 400 millions et reste très urbaine et concentrée sur Paris. Alors que le premier se définit comme le porte-étendard du bio en France, le second a supprimé tout bio de ses discours en 2023 en faveur de produits sains ou naturels. Il nie toutefois l’avoir abandonné. « Le label AB ne suffit plus, justifie Richard Jolivet, directeur général de Naturalia. Le consommateur veut qu’on lui raconte une autre histoire. »
Son nouveau concept, La Ferme, en est une illustration. Avec son marché traditionnel de fruits et légumes de saison, son hippodrome destiné à la consommation et son offre composée à 50% de produits bruts et renouvelée chaque mois, jusqu’à 15% via des petites marques innovantes, elle a su redonner le goût pour une consommation biologique dans un environnement chaleureux et compréhensible. Les ventes ont bondi de 10 % en moyenne dans les magasins reconvertis en Fermes, avec un gain de 13 % de clients supplémentaires en moyenne.
Naturalia veut s’inscrire dans la proximité
Déployer le concept de La Ferme en franchise et gestion locative.
Travailler accessibilité des prix avec 3 635 produits à moins de 5 €.
Développer relation client en magasin et par la communication.
En chiffres
+ 5 % : lévolution du chiffre d’affaires, estimé à 375 M€en 2024
228 magasins- dont 7 fermes et 67 magasins franchisés
Source : Naturalia
Richard Jolivet, directeur général de Naturalia« Les sept premières Fermes étaient des magasins intégrés à Paris ou à proximité que nous avons transformés pour valider nos hypothèses de croissance, les prochaines ouvriront en franchise et/ou en gestion locative et dans toute la France. »
Côté prix, l’enseigne a œuvré pour gommer l’image du bio cher avec 170 petits prix bloqués toute l’année et, chaque mois, 300 produits proposés à la vente. Naturalia propose également un abonnement à 4,90 € par mois offrant 10 % de remise supplémentaire, y compris sur les promotions. « Sur 6 000 produits en moyenne, 3 635 sont vendus à moins de 5 €, specifies Richard Jolivet. Nous sommes très bien positionnés dans les fruits et légumes. Nous disposons également de 300 produits de marque distributeur et nous en aurons 400 d’ici fin 2025. Avec de nouveaux packagings rouges pour mieux être identifiés dans les rayons, portant le Nutri-score et le logo Origine-info. »
Le nouveau président de l’entreprise, Philippe Palazzi, également directeur général du groupe Casino propriétaire de Naturalia, n’a pas hésité à égratigner le grand frère du bio lors de la présentation à la presse de la septième Ferme Naturalia, rue de la Convention à Paris, située à quelques à une dizaine de mètres d’un magasin Biocoop. « J’ai pu constater un écart de prix par rapport à un concurrent sur des marqueurs forts comme la banane »dit-il.
Des choix drastiques
Mais Biocoop est plus soucieuse de partage de valeur que d’accessibilité à tout prix et si le bio doit être abordable, c’est à l’aune de la défense des filières françaises, explique le leader de la filière, avec notamment 99% de produits d’origine française. sur sa marque propre, 15% de produits locaux, et les initiatives d’économie sociale et solidaire qu’elle promeut à travers 150 produits à prix engagés, 10% moins chers qu’en GSS.
« La marque n’a pas hésité à faire des choix drastiques comme se retirer de l’offre de produits bio commercialisés par les filiales de grands groupes ou arrêter la distribution de bouteilles d’eau en plastique, quitte à supprimer une poche de chiffre d’affaires »rappelle Cédric Ducrocq, président du groupe de conseil Diamart.
Biocoop veut réaffirmer les valeurs du bio
Défendre la souveraineté alimentaire à travers une offre française à 87%.
Contribuer à l’économie sociale et solidaire à travers des produits marqués « prix engagés ».
Soutenir agriculture biologique durable et lutte contre l’ultra-transformation.En chiffres
+ 8 % : l’évolution du chiffre d’affaires, à 1,6 milliard d’euros en 2024
740 magasins- (+14 en 2024)
Source: Biocoop
Henri Godron, président de la coopérative Biocoop« Notre croissance s’explique principalement par une augmentation de la fréquentation. Aujourd’hui, nous ouvrons un nouveau chapitre. Le marché bio a de l’avenir. Nous continuerons de partager nos valeurs qui encouragent les pratiques vertueuses. »
Malgré cette approche radicale, ou grâce à elle, la marque a réussi à gagner en puissance sans faire de compromis. Le désengagement des grandes surfaces vis-à-vis des produits bio lui a profité. « Notre croissance s’explique principalement par une augmentation de la fréquentation, précise Henri Godron. Aujourd’hui, nous ouvrons un nouveau chapitre. Le marché bio a de l’avenir. Nous continuerons de partager nos valeurs qui encouragent les pratiques vertueuses. » Avec la capacité de penser sur le long terme grâce à son modèle coopératif et sa gouvernance intégrant magasins, salariés, producteurs et consommateurs.
Le temps presse pour Naturalia, dont l’ambition est aujourd’hui de prendre de l’ampleur grâce à la franchise et à la gestion locative. Elle a affaire à un groupe Casino endetté à hauteur de 1,6 milliard et qui n’a pas fini de payer les plans sociaux dans ses différentes enseignes.
Cet article est de l’édition du 14 novembre 2024
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