Les camionneurs réclament de toute urgence une enquête publique pour faire la lumière sur le phénomène des chauffeurs discount de l’Ontario, qui viennent casser les prix en payant deux fois moins leurs travailleurs immigrants précaires.
«C’est de l’esclavage moderne», va jusqu’à affirmer Jean-François Pagé, vice-président de Transport Hervé Lemieux, à Saint-Laurent. L’entreprise québécoise de 450 camionneurs, fondée en 1947, souhaite une enquête publique pour mettre en lumière cette « concurrence déloyale », qui saigne son chiffre d’affaires.
« Faut-il une commission d’enquête pour faire le ménage ? Nous sommes peut-être arrivés à ce stade», affirme Marc Cadieux, PDG de l’Association québécoise du camionnage (ACQ).
Depuis la pandémie, ces conducteurs ontariens au statut précaire sillonnent nos routes. Ils sont souvent payés une fraction du prix, parfois aussi peu que 10 $ de l’heure, précise l’ACQ. Nous les appelons « Les Chauffeurs Inc » (voir encadré ci-dessous).
Il y a cinq ans, Le Globe and Mail avait levé le voile sur ces nouveaux arrivants, exploités par des entreprises qui leur donnent un salaire de misère tout en leur promettant la lune.
Toutefois, depuis quelques années, le phénomène s’est amplifié au point où des entreprises, comme Transport Hervé Lemieux, craignent désormais de devoir licencier des travailleurs parce qu’elles ne peuvent pas rivaliser avec leurs prix.
Tableau fourni par l’ASSOCIATION DU CAMIONNAGE DU QUÉBEC
Pots de vin
Cette main d’œuvre bon marché constitue aussi un réel danger public sur la route, selon plusieurs entreprises de transport québécoises consultées par La Revue.
À la mi-octobre, le spectacle Marché, de CBC, a montré le fonctionnement d’un système de test des conducteurs de camions truffé de pots-de-vin et de tricherie.
« Nous avons des chauffeurs qui ont du mal à faire marche arrière pour se charger. Nous y sommes. Imaginez-vous sur la route quand il neige», illustre Jean-François Pagé, de Transport Hervé Lemieux.
« Les conducteurs ont peur de rouler la nuit sur la 401 parce que c’est devenu trop dangereux », soupire-t-il.
Tableau fourni par l’ASSOCIATION DU CAMIONNAGE DU QUÉBEC
“Ça passe devant moi”
À la Confrérie des gendarmes routiers du Québec (FCCRQ), son président, Jean-Claude Daignault, a du mal à comprendre pourquoi l’étau ne se resserre pas autour des récalcitrants.
«Si on permettait aux contrôleurs de saisir le véhicule, comme dans le secteur des taxis, il est certain que le problème serait réglé assez rapidement», estime-t-il.
Selon lui, les conclusions ne sont pas très efficaces, car Drivers Inc travaille souvent dans des entreprises fictives, qui ne paieront jamais leurs amendes.
« Nous demandons la possibilité de faire marche arrière et la saisie des véhicules incriminés », dit-il.
«Je suis par terre. Je les vois. Je ne suis pas dans un bureau du gouvernement en attente de recevoir une plainte. C’est devant moi», conclut-il.
Qu’est-ce qu’un Chauffeur Inc ?
- Il est chauffeur de camion « incorporé » (il n’achète pas de véhicule) ;
- Il ne paie pas de cotisations sociales ;
- Il ne bénéficie pas de prestations sociales et de protection sociale ;
- Le client ne fait pas de retenues à la Source (DAS).
Cinq mesures demandées
- Donner plus de pouvoir d’enquête à la CNESST
- Donner plus de mordant à la Commission des transports du Québec
- Mieux équiper le contrôle routier du Québec
- Vérifiez si les polices d’assurance sont conformes
- Vérification des permis de travail
(Source : Association du camionnage du Québec)
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