Alexandre Mirlicourtois, L’impact des revers allemands sur le reste de l’Europe – Analyse économique

Alexandre Mirlicourtois, L’impact des revers allemands sur le reste de l’Europe – Analyse économique
Alexandre Mirlicourtois, L’impact des revers allemands sur le reste de l’Europe – Analyse économique

Les revers industriels allemands font-ils le bonheur de ses partenaires européens ? C’est ce que pourrait suggérer la hiérarchie de la croissance en Europe, où, pour une fois, l’Allemagne est surclassée par l’écrasante majorité des autres économies, notamment du Sud. Si cette hypothèse est vraie, encore faut-il pouvoir en expliquer les mécanismes. Avec l’Allemagne, tout commence par l’industrie. Depuis la fin des années 2000, le pays a toujours été perçu comme un géant industriel dont la domination étouffait les marges et les volumes des pays périphériques. Et si l’on compare aujourd’hui la dynamique de la production manufacturière allemande à celle du reste de l’UE, tout porte à croire que le déclin allemand a créé une bouffée d’air frais pour le reste de l’Europe. Mais comment est-ce possible ?


L’heure n’est pas à la revanche du Sud


L’Allemagne est également un grand pays importateur. Elle inclut dans sa chaîne de sous-traitance toute une série de pays dont on imagine mal qu’ils puissent désormais avoir une dynamique indépendante. De plus, elle occupe des niches à forte valeur ajoutée jugées imprenables. Il est difficile d’imaginer que les pays périphériques aient réussi à le déloger en si peu d’années. Il faut approfondir les données pour comprendre que nous ne vivons malheureusement pas à l’heure de la revanche du Sud ou de l’Ouest. Derrière l’apparente robustesse de l’industrie non germanique, il y a d’abord l’incroyable effet trompe-l’oeil de l’Irlande. En effet, la production manufacturière du pays est 80% supérieure à son niveau de 2018. L’Irlande est un véritable cheval de Troie pour les géants anglo-saxons qui élisent domicile sur le territoire pour facturer leurs produits et y loger leurs bénéfices. Le détournement de valeur du paradis fiscal européen prend des dimensions telles qu’il biaise l’analyse.


Des exceptions européennes qui trompent les chiffres


A ce cas extrême, il faut ajouter deux autres cas singuliers mais avec des effets significatifs sur la moyenne. D’abord celle du Danemark, dont la production manufacturière dépasse de près de 40 % ses niveaux de 2018. Le pays a pleinement profité de l’avantage que lui confère la production de gaz et de pétrole. Mais surtout, elle a développé des positions de niche prometteuses et à très forte valeur ajoutée, notamment dans la pharmacie, l’éolien et les biens d’équipement, dont elle récolte les dividendes. Une autre trajectoire singulière est celle de la Grèce, dont le dynamisme industriel ne fait que marquer le retour du pays à la surface après sa descente aux enfers au cours des deux dernières décennies. Et finalement, quand on additionne ces trois petites économies, il apparaît que le déclin allemand a l’effet miroir de la percée exceptionnelle d’un petit noyau.


Des répercussions variées sur l’Europe centrale et occidentale


Si l’on se concentre désormais sur les régions où l’on peut s’attendre à des retombées plus mécaniques des revers allemands, d’une part les PECO, qui entrent dans la chaîne de valeur allemande, et d’autre part les puissances industrielles intermédiaires, France, Italie, Espagne, en plus rivalité directe avec la production allemande, deux conclusions majeures se dégagent. D’abord, les pays de l’Est, entraînés dans le sillage allemand, voient leur dynamique exceptionnelle brisée. Ils ne sont néanmoins pas emportés par la chute de leur donneur d’ordre. Cette résistance est principalement due au fait que de plus en plus d’industries allemandes, de manière défensive, délocalisent leur production vers ces territoires. Ensuite, certains de ces pays, comme la Pologne, construisent progressivement une dynamique autonome en s’appuyant sur leurs atouts propres, notamment dans les batteries, l’électroménager ou les semi-conducteurs. Pour les économies intermédiaires, France, Italie, Espagne, le bilan est plus amer. Ils restent inchangés, nettement en dessous des niveaux qui prévalaient avant 2008, voire 2019. Plus qu’un motif de satisfaction ou de revanche, les revers industriels de l’Allemagne pourraient bien présager un affaiblissement généralisé de l’Europe.

 
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