« C'est le moment où tu te sens vraiment à ta place, invincible » : c'est sur scène que l'on peut apprécier Delgres, groupe au blues-rock créole singulier, formé en France et connu jusqu'en Louisiane.
Le trio tellurique sera à voir en concert dimanche dans le cadre du festival Jazz à La Villette, aux portes de Paris. Un événement musical plus large que son simple nom de « jazz », puisque l’an dernier, par exemple, s’y produisaient les hérauts d’un hip-hop américain érudit, De La Soul.
L'Amérique est un sujet de discussion pour Delgres, qui a sorti cette année son troisième album, « Promis le ciel ».
Les tournées en Louisiane ont laissé des traces. Lorsque l'on clique sur la page d'accueil de The Broadside, une salle de concert en plein air de la Nouvelle-Orléans, on découvre une photo du trio français sur scène.
Un instrument particulier explique, entre autres, le succès du groupe : à côté d'une guitare et d'une batterie, on trouve un sousaphone, ou soubassophone, un instrument de la famille des cuivres enroulé comme un boa autour de son joueur.
« Rafgee (le nom de scène d'un des musiciens de Delgres) joue des parties habituellement jouées par un bassiste sur un sousaphone, un instrument que l'on trouve couramment dans les fanfares de la Nouvelle-Orléans », rapportait NPR il y a quelques années.
– « Bassiste frustré » –
C'est ce que confirme à l'AFP l'intéressé, qui se décrit comme un « bassiste frustré ». « Avec ce tuba, dans ma tête, je suis un bassiste. Pas du tout un tubiste. Je voulais élargir mon spectre, être un bassiste rock, funk, folk, tout ça sur scène. Et Delgres, c'était la première fois que j'étais capable de faire ça », explique-t-il.
« Quand Pascal m’a appelé pour monter un groupe de rock en créole, je ne savais pas vraiment où j’allais. J’y suis allé et, effectivement, dès le début, ça a marché tout de suite. En fait, c’était comme une évidence. »
Pascal Danaë, guitariste et chanteur, est l'âme du groupe. Le créole qu'il chante est celui de sa famille originaire de Guadeloupe. Sous son éternel béret façon Black Panther, le parolier écrit des textes qui parlent des injustices et des révoltes d'aujourd'hui ou d'hier.
Louis Delgrès, qui donne son nom au groupe (mais écrit sans accent), est ce Martiniquais, colonel d'infanterie dans l'armée française, qui s'est révolté contre les troupes napoléoniennes venues rétablir l'esclavage en Guadeloupe. Il s'est fait exploser – avec ses hommes, en 1802 – pour éviter de se rendre.
La poudre parle encore, via des explosions sonores, lors des shows de ce groupe né en 2016.
– « Un pur tour de passe-passe » –
Une alchimie que Pascal Danaë n'arrive toujours pas à expliquer. « J'avais passé des mois à faire naître ces quelques chansons, avec cette guitare accordée de cette façon, ce créole que j'assumais. Je renouais avec des souvenirs d'enfance, des racines », se souvient pour l'AFP l'artiste né en région parisienne.
« Tout était là. C’était comme une sorte de chose pure. Et, tout d’un coup, pouvoir le partager avec le groupe et que cela prenne cette dimension, que cela dépasse ce que j’avais moi-même imaginé, c’était fou. » C’est lui qui évoque sur scène ce sentiment d’invincibilité qui les enveloppe.
« Le blues-rock de Delgres est accompagné de paroles chantées en créole, porteuses d'une force de résistance, de libération, du pouvoir de se débarrasser de ses problèmes grâce à la musique », a écrit la salle Broadside de la Nouvelle-Orléans sur ses réseaux sociaux lorsqu'elle les a reçus.
Le concert à Jazz à La Villette promet d'être une réussite. « C'est toujours une grande étape dans une tournée, un concert à Paris ou en région parisienne. Ici, on arrive très à l'aise musicalement, on a pu répéter notre show avec de nombreux concerts avant, on a tout à portée de main », décrit le batteur Baptiste Brondy à l'AFP.
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