La détention provisoire en Russie du Français Laurent Vinatier, accusé de ne pas s'être enregistré comme « agent de l'étranger », a été prolongée de six mois, jusqu'au 21 février, a annoncé mardi un juge d'un tribunal de Moscou, au premier jour d'un procès immédiatement ajourné.
« Le tribunal considère qu'il est impossible de commencer l'examen du dossier pénal. L'audience est reportée au 16 septembre à 14 heures », a déclaré la juge Natalia Tcheprassova, après avoir annoncé la prolongation de sa détention, selon des journalistes de l'AFP sur place.
L'ajournement avait été demandé car Laurent Vinatier avait été informé trop tard de la date de l'audience.
Le Français de 48 ans est apparu souriant, vêtu d'une chemise bleue et d'un jean foncé et discutant avec ses avocats.
« Je pense à ma femme et à mes enfants », leur a-t-il dit en russe lors d'une pause de l'audience.
Les autorités l’accusent de ne pas s’être enregistré comme « agent étranger » alors qu’il recueillait « des informations dans le domaine des activités militaires » qui pourraient être « utilisées contre la sécurité » de la Russie. Il risque jusqu’à cinq ans de prison.
Auparavant, cette accusation avait fait craindre une inculpation plus grave, comme celle d'« espionnage », un crime passible de 20 ans de prison.
– « Informations militaires » –
L'affaire intervient alors que les relations entre Moscou et Paris sont très tendues : la Russie est accusée d'une série d'actes de déstabilisation et de désinformation sur le territoire français, tandis que la France est critiquée pour son soutien croissant à l'Ukraine.
Laurent Vinatier avait reconnu ne pas s'être enregistré sous l'étiquette d'« agent de l'étranger », utilisée en Russie contre les voix critiques et qui impose de lourdes obligations administratives, sous peine de sanctions pénales.
Début juin, juste après son arrestation, il avait expliqué lors d'une audience sur sa détention provisoire qu'il ignorait que la loi russe l'obligeait à effectuer cette démarche.
Le service de sécurité russe (FSB) a indiqué dans un communiqué début juillet que l'accusé avait établi « de nombreux contacts » avec des politologues, des économistes et des experts militaires russes, ainsi qu'avec des responsables.
« Au cours de ses discussions avec ces personnes, il a recueilli des informations militaires et militaro-techniques qui pourraient être utilisées par les services de renseignement étrangers contre la sécurité de la Russie », a déclaré le FSB.
Ce chercheur spécialisé dans l'espace post-soviétique a travaillé en Russie pour le Centre pour le dialogue humanitaire, une ONG suisse qui intervient dans la médiation des conflits en dehors des canaux diplomatiques officiels.
– Efforts diplomatiques discrets –
Selon des sources interrogées par l'AFP, le Français travaillait depuis des années sur le conflit entre la Russie et l'Ukraine, avant même l'offensive russe de février 2022, dans le cadre d'efforts diplomatiques discrets parallèles à ceux des Etats-Unis.
Son employeur, le Centre pour le dialogue humanitaire, a déclaré en juin qu'il faisait « tout son possible pour aider » Laurent Vinatier, qui « vit en Suisse et voyage régulièrement pour son travail ».
Marié et père de quatre enfants, il est en détention provisoire et a demandé à plusieurs reprises à être assigné à résidence, promettant qu'il n'avait aucune intention de fuir la Russie. Mais ses demandes ont été rejetées par la justice russe.
« J'ai toujours voulu, dans mon travail, présenter de manière appropriée les intérêts de la Russie dans les relations internationales », a-t-il déclaré lors d'une audience début juillet.
« J’aime la Russie, ma femme est russe, ma vie est liée à la Russie », a-t-il déclaré.
Ces dernières années, plusieurs Occidentaux, notamment Américains, ont été arrêtés en Russie et ont fait face à de graves accusations, Washington dénonçant des prises d'otages pour obtenir la libération de Russes détenus à l'étranger.
Le 1er août, l'Occident et la Russie ont procédé au plus grand échange de prisonniers depuis la fin de la guerre froide, parmi lesquels le journaliste américain Evan Gershkovich et l'ancien Marine Paul Whelan, libérés par Moscou.
Paris a ensuite appelé Moscou à libérer immédiatement les autres personnes toujours « arbitrairement détenues en Russie », notamment Laurent Vinatier.
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