« Notre lettre au président est prête à partir. Nous attendons la nomination du prochain Premier ministre pour l’envoyer », a confié la députée Modem Sandrine Josso. Avec la sénatrice RDSE Véronique Guillotin, elle dirigeait une mission gouvernementale sur le dossier chimique. Depuis avril, des auditions et des déplacements avaient eu lieu, mais la dissolution est arrivée. Sandrine Josso a perdu son siège avant d’être réélue. Le gouvernement, toujours cantonné aux affaires courantes, avait interrompu les travaux. C’est pourquoi les deux élues ont pris la plume pour faire savoir au prochain exécutif que cette mission était prioritaire.
« La nomination d’un administrateur avait déjà pris du retard, à tel point que nous avons dû nous débrouiller pour réaliser les travaux nous-mêmes. Nous attendons qu’un nouveau gouvernement prenne le relais », rappelle Véronique Guillotin. La mission a été placée sous l’autorité du Premier ministre et de la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Aurore Bergé.
La mission a pu tenir plusieurs tables rondes et effectuer deux déplacements. Elle a notamment auditionné des victimes, des médecins, mais aussi Leïla Chouachi, pharmacienne, membre du Centre d'addictovigilance de Paris et rapporteure d'une enquête annuelle sur la soumission des produits chimiques à l'ANSM (l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Les élus n'ont toutefois pas eu le temps d'aborder le volet justice.
« Il faut sensibiliser tous les professionnels »
Et un procès inédit se déroule ces jours-ci à Avignon et vient briser les idées reçues sur ce procédé utilisé par les agresseurs sexuels. À Mazan, dans le Vaucluse, Gisèle P a été droguée par son mari puis violée par des dizaines d’inconnus pendant 10 ans. Une cinquantaine d’hommes ont été mis en examen. « Il faut sensibiliser tous les professionnels de la santé et toute la chaîne pénale sur le sujet. Et aussi expliquer à la population qu’il ne s’agit pas d’un mode opératoire limité à une substance que l’on met dans un verre en boîte de nuit. Près de la moitié du temps, cela se passe dans la sphère amicale et familiale », explique Sandrine Josso. La députée a elle-même été victime de soumission chimique. L’an dernier, elle avait accusé le sénateur de sa circonscription de Loire-Atlantique, Joël Guerriau, dont elle était proche, de l’avoir droguée en vue d’abuser d’elle sexuellement. Ce dernier a été mis en examen en novembre 2023 pour « administration d’une substance en vue de commettre un viol ou une agression sexuelle » et pour « détention et usage de substances classées comme stupéfiants ». Le sénateur a nié les faits et reste présumé innocent. Le député attend désormais la date de son procès.
« Dans la majorité des cas, la drogue a été prise dans un contexte privé. »
Il existe encore trop peu de données connues pour comprendre le phénomène de soumission chimique. Elles ont été collectées par Leïla Chouachi dans le cadre de son enquête annuelle pour l’ANSM. En 2021, 727 signalements de soupçons ont été enregistrés, dont 86,4 % suite à un dépôt de plainte. L’enquête a dénombré 82 victimes, avec une prédominance de femmes (69,5 %/57 cas), âgées de 1 à 64 ans. « Cela concerne tous les milieux, hommes ou femmes, quelle que soit l’orientation sexuelle. On a tendance à penser qu’il s’agit de personnes qui ont laissé leur verre sans surveillance, mais dans la majorité des cas le produit a été pris dans un cadre privé et les auteurs étaient connus des victimes », a expliqué la pharmacienne à publicsenat.fr