Sa prise de parole était attendue. Gisèle Pélicot, victime de viol, a témoigné pour la première fois ce jeudi 5 septembre devant le tribunal correctionnel départemental du Vaucluse dans le procès du viol de Marzan, qu'elle a voulu public. Vêtue d'une longue robe orange, elle s'est approchée de la barre dès l'ouverture de l'audience pour raconter l'histoire inaudible dans une salle comble.
« Je voudrais vous reparler des événements qui ont commencé pour moi le 19 septembre 2020 », souligne Gisèle Pélicot. « C'est M. Pélicot qui vient me chercher à la gare d'Avignon. Il semble inquiet », poursuit la septuagénaire qui appelle désormais son mari, accusé dans l'affaire des viols de Mazan, « M. Pélicot ».
« Il se met à pleurer, il me dit : 'j'ai fait une bêtise, on m'a surprise dans le centre commercial en train de me faire photographier sous des jupes de femmes' », raconte-t-elle. Gisèle Pélicot assure au tribunal que « M. Pélicot » n'a jamais fait « de gestes déplacés ou de paroles obscènes en 50 ans ». « Je n'imagine pas, à ce moment-là, ce qui va se passer ensuite ».
Un dernier petit déjeuner
Ensuite, il y a eu un appel téléphonique de la police. Ils lui ont demandé de venir les voir au commissariat. Le rendez-vous a été fixé au 2 novembre avec « Monsieur Pélicot ». Ce 2 novembre, « je ne me doutais pas que ce serait mon dernier petit déjeuner » avec « Monsieur Pélicot ».
A son arrivée au commissariat, Gisèle Pélicot est conduite dans le bureau d'un des policiers. Celui-ci lui demande comment elle définit son mari. « Je leur dis que c'est un type formidable », explique-t-elle à la barre du tribunal correctionnel départemental du Vaucluse.
Il lui tend alors une photo : « Vous vous reconnaissez ? » Gisèle Pélicot ne reconnaît ni l’individu ni la femme sur la photo. Cette femme, c’était elle. « Je ne me suis pas reconnue. Ce sont des scènes de viol, je suis dans mon lit, inerte, endormie, et je suis en train de me faire violer », explique-t-elle au tribunal.
« Je suis sous le choc, le choc est immense, poursuit-elle. Mon monde s’effondre. Tout s’effondre. Nous étions un couple soudé avec sept petits-enfants. » Elle explique avoir « du mal à accepter les photos » qu’elle vient de voir. « Je refuse de regarder les vidéos », poursuit-elle.
« À ce moment-là, j’ai eu envie de disparaître », explique Gisèle Pélicot, qui a dû annoncer à ses enfants que leur père était en garde à vue. « J’ai appelé mon gendre et je lui ai expliqué. Je lui ai demandé de rester avec ma fille. »
Plus tard, Gisèle Pélicot appelle Caroline, sa fille. Elle lui raconte l’horreur : son père l’a fait violer. « Et j’entends ma fille hurler comme un animal. J’appelle mes deux autres fils pour leur dire. Mes enfants s’inquiètent pour moi. »
« À ce moment-là, je n’ai plus d’identité »
Aujourd'hui, ils l'accompagnent. Sur le banc des parties civiles, les trois enfants se serrent les uns contre les autres, au bord des larmes. Gisèle Pélicot, elle, poursuit son récit glaçant.
Le 3 novembre, elle est retournée au commissariat. Les policiers lui ont alors parlé du médicament, le Temesta, que son mari avait utilisé pour la droguer avant de la violer lui-même et de la faire violer par des dizaines d'inconnus recrutés sur Internet.
Gisèle Pélicot décide de partir. Elle quitte sa maison de Mazan. Impossible pour elle de rester dans cette maison. Nouvel appel. Cette fois, la police contacte la fille de Gisèle Pélicot. Il a d'autres photos à lui montrer.
Gisèle Pélicot quitte le Vaucluse. « Je suis dévastée par ce qui m’arrive », explique-t-elle au tribunal. Et commence alors le parcours du combattant. « J’ai perdu mon mari. C’est une trahison. Je n’ai plus d’identité à ce moment-là. »
Article original publié sur BFMTV.com