Une fronde agite l’arbitre de la protection du climat

Une fronde agite l’arbitre de la protection du climat
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Une fronde agite l’arbitre de la protection du climat

Publié aujourd’hui à 15h51

La controverse ébranle le monde du développement durable. Au début du mois, des experts de Étiquette SBTi se sont révoltés contre la volonté de leur employeur d’intégrer des crédits carbone dans les plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre des entreprises. Un risque de écoblanchiment est redouté en interne.

Pour mémoire, les plans validés par cet organisme font référence dans la lutte contre le réchauffement climatique. Que se passe-t-il?

Le contexte général

Retour en arrière. Le climat se réchauffe à grande vitesse. Les sociétés sont donc poussées à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 afin de limiter la hausse des températures à 1,5 degré. Pour y parvenir, les entreprises doivent réduire drastiquement leurs émissions de dioxyde de carbone (CO).2), l’une des principales sources de réchauffement.

Mais il faut le faire sérieusement. Ces efforts doivent être validés et mesurés scientifiquement. À cet égard, l’organisation appelée Science Based Target Initiative (SBTi) joue un rôle central. «C’est la seule organisation crédible à aligner tous les secteurs sur l’objectif de neutralité carbone», explique un spécialiste du domaine, sous couvert d’anonymat. Bref, un véritable arbitre.

Le SBTi est effectivement une référence. À ce jour, près de 8 000 entreprises dans le monde s’y sont inscrites pour obtenir une certification. En , Migros, Richemont, Novartis et Firmenich ont mis en place des plans spécifiques pour réduire les émissions de CO.2. Des partenaires, bien sûr.

Pour verdir leurs activités, les entreprises ne doivent pas seulement prendre en compte leur propre activité (répartie en périmètre 1 et 2 selon la méthodologie utilisés par les professionnels du développement durable), mais intègrent également la pollution de leurs sous-traitants et clients (scope 3).

La polémique actuelle

C’est là que ça devient un peu délicat. Jusqu’à aujourd’hui, le SBTi demandait aux entreprises de réduire directement leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais son conseil d’administration veut élargir le spectre et autoriser les entreprises à acheter des crédits carbone pour compenser leur pollution. Cela peut prendre la forme d’opérations de financement favorisant le reboisement, la restauration des mangroves ou encore le captage du carbone de l’atmosphère.

Cette nouvelle stratégie est expliquée. Il doit permettre aux entreprises d’améliorer leur empreinte carbone liée au scope 3, c’est-à-dire les émissions liées à leurs fournisseurs et clients, sur lesquelles elles n’ont pas de contrôle direct.

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Mais certains sont sceptiques. “Avec cette nouvelle méthode, une entreprise peut devenir neutre en carbone en ne faisant rien d’autre qu’acheter des crédits carbone”, s’inquiète Matthieu Wemaëre, avocat et chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales de Paris, cité par le quotidien français “Les Échos”. .

En interne, les choses font grincer des dents. Les salariés s’inquiètent de la réputation du SBTi, parlant de greenwashing – aussi appelé greenwashing – qu’une telle décision pourrait ternir. « Le nombre croissant d’entreprises inscrivant leurs promesses au SBTi nécessite une gouvernance exemplaire », ajoute le spécialiste, soucieux de discrétion. Mais force est de constater que tel n’a pas été le cas, les dirigeants et le conseil d’administration n’ayant pas pris l’avis des salariés.»

La vision des entreprises

Qu’en pensent les entreprises impliquées dans le label ? «Avec les exigences actuelles du SBTi, l’indemnisation n’est pas autorisée», rappelle Tristan Cerf, porte-parole de Migros. Nous en tenons également compte dans notre stratégie climatique et ne sommes donc pas concernés par ce point. Le communicant ajoute qu’il ne peut pas actuellement prendre position « concernant les discussions internes au SBTi ».

Cependant, tout ne doit pas être jeté dans les désirs du SBTi. La nature des compensations carbone doit être prise en compte. « Il existe deux familles de crédits carbone, qu’il est important de considérer séparément », explique Pierre de La Bourdonnaye, responsable environnement à la banque Pictet. Ceux qui ne font que réduire les émissions de CO2 et ceux qui contribuent réellement à la neutralité carbone.

Majoritaires, les premiers sont insuffisants dans la lutte contre le changement climatique. Par exemple, une entreprise suisse peut compenser 10 tonnes de ses propres émissions de CO.2 en finançant un four solaire communautaire en Afrique. Cette dernière permettra de renoncer au bois pour la cuisine, une activité qui générait jusqu’à présent 10 tonnes d’émissions. « Au total, on passe de 20 à 10 tonnes de déchets (ndlr : ceux émis par la firme suisse)ce qui ne permet pas d’atteindre zéro tonne nette de neutralité carbone », souligne-t-il.

A l’inverse, ces dernières permettent d’éliminer le CO2 de l’ambiance sont à privilégier. « Il existe des crédits carbone générés par les projets d’élimination du dioxyde de carbone (ndlr : appelé CDR pour l’élimination du dioxyde de carbone), explique l’expert. Selon le GIEC (ndlr : le groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique)ces CDR sont nécessaires pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.

Projets soutenus

Alors, que finançons-nous avec les CDR ? On parle ici notamment des aspirateurs CO2 de la société zurichoise Climeworks ou l’utilisation du biochar en agriculture, ce piège à humus aidant les sols à stocker du carbone. « Mais les volumes liés à ces crédits carbone sont encore faibles, chers et peu disponibles », observe Pierre de La Bourdonnaye.

Ces projets s’inscrivent dans la stratégie suivie par Migros. « Nous étudions et soutenons des projets de stockage de CO2 avec notre M-Fund pour le climat, précise Tristan Cerf. Mais en mettant l’accent sur le stockage biologique du CO2par exemple avec un projet d’agroforesterie en Côte d’Ivoire ou la promotion de l’agriculture régénérative en Suisse.

Les crédits carbone ont été au centre de nombreuses controverses. L’année dernière, une enquête du quotidien britannique « The Guardian » soulignait que 90 % des compensations carbone liées à la forêt tropicale proposées par l’un des principaux labels de certification, à savoir l’américain Verra, n’a eu aucun effet sur le climat. De quoi rendre méfiants les salariés de SBTi.

Nicolas Pinguély est journaliste à la rubrique économique depuis 2018. Spécialiste de la finance, il a travaillé par le passé pour le magazine Bilan, à l’Agefi et au Temps. Il a également occupé diverses fonctions au sein de banques et de sociétés financières, notamment en microfinance. Plus d’informations

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